Les troubles de l’attention et/ou l’hyperactivité en tant que phénomène historico-culturel
Résumé
Au cours des dernières décennies, l’AD(H)S est devenu l’un des diagnostics les plus fréquemment posés, s’agissant d’enfants et d’adolescents manifestant des symptômes au niveau du comportement. Jusqu’à maintenant ce phénomène a surtout fait l’objet d’un débat clinique. Alors que de nombreux spécialistes utilisent un modèle biomédical et psychiatrique pour expliquer l’étiologie des symptômes, d’autres personnes critiquent violemment ce modèle, considérant qu’il conduit trop rapidement à prescrire un traitement médicamenteux. Elles pensent qu’un diagnostic d’AD(H)S peut relever de pathogenèses très variables, même si celles-ci sont peu évidentes. Parmi ces pathogenèses, on trouve les troubles de l’attachement. Des facteurs génétiques peuvent en partie causer ces derniers, mais seules des interventions de type psychothérapeutique et/ou psycho-éducatif peuvent permettre de les surmonter. Des médicaments comme la Ritalin et le Stratera éliminent les symptômes, mais ne permettent pas, en soi, d’obtenir une amélioration de l’autocontrôle et de la capacité d’intégration sociale. Les parents qui font confiance à l’effet des médicaments sont convaincus agir pour le bien de leur enfant. Mais la plupart d’entre eux continuent à se faire du souci, car ils se rendent bien compte que les médicaments enlèvent à leur fils ou à leur fille une partie de sa vitalité et de sa joie de vivre. S’il est vrai que, dans certains cas, le traitement médicamenteux est la seule chose qui permette de rétablir un contact avec les enfants, il n’y a pas de raison plausible de généraliser. Or, on généralise beaucoup actuellement puisque le nombre de diagnostics et de traitements médicamenteux est en rapide augmentation. Les experts en santé mettent maintenant en garde contre les ordonnances rédigées à la légère.Le débat clinique sera clos ici, car notre contribution s’intéresse en priorité à une autre approche. Nous considérons l’AD(H)S comme un phénomène historico-culturel dont on peut suivre les traces jusqu’au XIXe siècle et qui est probablement lié à des périodes de mutation dans la société. Dans ce genre de situation, les gens se sentent mal sécurisés parce qu’il n’existe plus de facteurs stables leur permettant de s’orienter. De toute évidence, ce ne sont pas tous les membres de la société qui deviennent « nerveux » mais bien ceux qui ne sont pas contenus dans un environnement sécurisant et qui réagissent avec une irritation particulière au stress psychosocial ; notons par ailleurs que leur nervosité adopte une forme spécifique à chaque époque. Vu sous cet angle, l’AD(H)S serait en fait un problème social délégué au système médical et traité selon la logique caractérisant ce dernier. Les enfants et les adolescents souffrant de ce trouble ne sont pas ‘malades’ en soi : ils incarnent littéralement des conditions sociétales malsaines. Si l’on dissocie le diagnostic du contexte médical et le considère du point de vue de l’histoire de la culture, on se rend compte que la polémique clinique menée avec autant d’acharnement par les experts comme par les non-spécialistes est en fait une controverse nécessaire - mais trop longtemps différée - autour de la question de la qualité de la vie à l’époque postmoderne, une qualité qui ne peut être réduite au simple bien-être matériel.
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Publiée
2008-04-01
Comment citer
Haubl, R. (2008). Les troubles de l’attention et/ou l’hyperactivité en tant que phénomène historico-culturel. Science psychothérapeutique, (2), 85–91. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/93
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