La relation thérapeutique en thérapie systémique
Résumé
La thérapie implique un dialogue, l’échange de déclarations et de répliques entre deux ou plusieurs personnes qui développent, entre elles, une relation dans et par ce processus. Comme toute communication, le dialogue thérapeutique n’est pas seulement déterminé par ses contenus (de quoi parlons-nous?), mais aussi par des messages directs ou indirects relatifs au niveau relation (quels sont nos rapports?), ainsi que par e contexte -les conditions dans lesquelles se déroule la thérapie. Nous allons esquisser certaines de ces conditions et des voies menant à la psychothérapie, pour ensuite présenter les principaux courants de thérapie familiale et systémique du point de vue des différentes manières dont ils élaborent la relation thérapeutique.
1. Le modèle psychodynamique: transfert et contre-transfert
Les pionniers de la thérapie familiale ont accompli un excellent travail en élaborant une nouvelle conception des nations centrales à la théorie et pratique psychanalytiques de transfert et contre-transfert, qui permit de les appliquer aux processus impliquant plusieurs personnes (couples et familles) dans le contexte de la thérapie familiale. Selon ce modèle, la tâche du thérapeute consiste à identifier les conflits familiaux, les délégations (Stierlin. 1978) et les “comptes ouverts” (Boszormenyi-Nagy et J. Spark, 1981); il s’agit ensuite de les rendre conscients pour que les différents membres de la famille puissent être libérés des liens considérés comme pathologiques au sein du réseau familial (individuation). Simultanément, le thérapeute devrait être capable de gérer de manière différenciée et de soigneusement contrôler son principal instrument de travail - les multiples transferts sur sa propre personne -, ainsi que son contre-transfert.
2. La thérapie familiale de type humaniste:
le thérapeute en tant que modèle d'une communication réussie
Lorsqu’elle se fonde sur un paradigme humaniste, axé sur la croissance (V. Satir, W. Kempler), la thérapie familiale est moins application de techniques que réalisation d’une attitude. Les images, idées, fantaisies, souvenirs, sensations physiques et humeurs qui affectent le thérapeute sont exploités en tant que source de soutien thérapeutique. Le thérapeute réagit aux règles, schémas de communication et processus du système familial; il utilise ces réactions pour diagnostiquer des processus et les met à la disposition de la famille. Ici, le/ la thérapeute joue un rôle actif, parfois directif; il s’implique d’une manière qui - on l’espère - peut être utilisée comme modèle par la famille.
3. Le modèle structurel:
le thérapeute en tant que timonier
La thérapie familiale de type “structurel” ou “stratégique” a eu dans les années 70 des représentants célèbres: Salvador Minuchin (1977) et Gottlieb Guntern, et l’école milanaise autour de Mara Selvini-Palazzoli (1977; 1981). Sa devise n’est pas “guérison par la rencontre”, mais bien guérison par la modification des structures familiales qui ont été diagnostiquées comme dysfonctionnelles ou pathologiques.
Sa première étape consiste à élaborer un système thérapeutique. Le thérapeute doit s’acquérir une position “in” et “up” par rapport à la famille. En effectuant un “joining” - en créant une base de confiance individuelle avec chacune des personnes présentes -, il trouve accès au système familial, entre “dans” (“in”) la famille et est accepté par cette dernière. Sa position “up” lui assure l’autorité et les compétences requises pour effectuer des interventions efficaces (même contre des résistances). “Le thérapeute se trouve dans le même bateau que la famille, mais il doit en être le timonier” (Minuchin, 1977, p. 141).
Progressivement, les praticiens d’un modèle de thérapie de type structuration-intervention ou stratégie-planification se sentirent de moins en moins à l’aise envers cette manière d’élaborer la relation thérapeutique. Une procédure qui attribue au thérapeute le rôle d’expert quant à la manière “correcte” de vivre en famille et lui demande de juger si une famille donnée est “bonne”, “normale” et “en ordre” compromet la relation thérapeutique. Dans la mesure où les objectifs de la thérapie découlent de critères externes de fonctionnement et ne tiennent que peu compte des rapports à la réalité élaborés par les différents membres de la famille, une “lutte pour le pouvoir” entre thérapeute et clients risque de s’élaborer, durant laquelle il s’agira de définir quelle procédure est “convenable” pour résoudre les problèmes.
4. Modèles de thérapie systémique axés sur la recherche de solutions et le constructivisme
Les courants de thérapie systémique axés sur la recherche de solutions et le constructivisme sont plus récents. Là, des concepts tels que neutralité, curiosité et respect pour l’autonomie du système des clients déterminent une relation thérapeutique qui est conçue comme relation entre partenaires. En thérapie de couple et de famille, neutralité signifie position de “multi-partialité”, de prise de parti et de respect simultané ou successif pour les intérêts de toutes les personnes impliquées dans le système thérapeutique (Reiter Theil,1989). Elle implique également une ouverture par rapport à la “vérité”, “l’exactitude” et la “validité” des opinions, idéologies et valeurs des différents individus, du couple ou de la famille.
Mais neutralité signifie également créer un état de curiosité dans le thérapeute (Gecchin, 1988). Cette curiosité lui permet d’examiner les différents points de vue sans leur attribuer de valeur spécifique. En se concentrant sur les schémas de langage et de relation, la curiosité témoigne du fait que les descriptions présentées par les différents membres de la famille ne concordent peut-être pas. La technique des questions posées à chacun à tour de rôle peut d’autre part permettre de créer la curiosité au sein du processus thérapeutique. En devant répondre à des questions qui ne concernent pas des faits, mais des schémas relationnels, les participants à la thérapie commencent à vouloir en savoir plus sur l’autre, ce qui les dispose à plus facilement mettre en question les croyances auxquelles ils avaient adhéré jusque-là (“Mon fils est paresseux et têtu”, “Ma femme ne m’a jamais compris ”).
L’attitude de curiosité que nous venons de décrire introduit dans le dialogue thérapeutique la dimension ‘première fois’; elle encourage à rechercher des possibilités autres, à percevoir différentes réalités existentielles personnelles et à accepter une responsabilité pour les problèmes et les souffrances. Le respect de la manière unique dont l’être humain perçoit et élabore son cosmos constitue l’autre pôle, l’élément indispensable d’affirmation de soi qui va permettre de découvrir de nouvelles possibilités. Pour que de nouvelles idées puissent être élaborées, il faut que les idées familières aient suffisamment de place (Bateson). En commençant là où le client se trouve et en se laissant introduire par lui dans son univers, le thérapeute crée une atmosphère de respect et d’affirmation de soi qui ouvre l’espace intérieur et permet la réflexion.
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