La mise en scène stratégique de l'inconscient. Le psychodrame analytique et son ouverture vers le 'paysage intérieur' de l'Autre. - Synthèse et bibliographie complète

Résumé

L’article présente le psychodrame analytique en tant que méthode de thérapie appliquée avant tout en graupe; elle associe de différentes manières le jeu spontané et certaines techniques spécifiques du psychodrame selon Moreno avec des principes psychanalytiques de traitement se référant à la théorie freudienne de la névrase. On sait que Moreno s’est clairement démarqué de la psychanalyse freudienne au moment où il a élaboré sa méthode, qu’il concevait comme holiste et dans laquelle il mettait l’accent d’une part sur la catharsis et, d’autre part, sur des aspects sociologiques et béhavioristes. Il n’acceptait par exemple pas entièrement la distinction prônée par Freud entre réalité thérapeutique et réalité quotidienne, ainsi qu’entre identification d’un désir (dans le contexte d’une relation analytique axée sur le transfert) et 1’« acting-out » de ce désir (l’extériorisation hors du cadre thérapeutique). Il considérait l’abréac-tion des contenus affectifs des pulsions comme plus important que leur appropriation et l’intégration dans le conscient des fantasmes inconscients par le biais de structures symboliques et verbales; de plus, le concept freudien du setting individuel lui paraissait trop se réduire à une perception verbale et mentale à une dimension. Il reste que dès ses débuts, le psychodrame fut une thérapie visant à une prise de conscience ; dans le sens où il favorise les régressions vers des relations d’objet précoces et leur reviviscence, il est parfaitement compatible avec les théories de la personnalité et de la névrase.

En 1944 Moreno lui-même praposa le terme de «psychodrame analytique » pour désigner une synthèse entre la psychanalyse et le psychodrame. Mais ce ne fut que dans les années cinquante que celui-ci s’établit en France en tant que méthode systématisée, utilisée par des psychanalystes connus tels Monod, Lebovici, Diatkine, Kerstemberg, Anzieu et Wildlocher. Différents courants s’établirent, fondés sur des conceptions variables de la manière dont la méthode pouvait être appliquée en setting individuel ou de graupe tout en respectant les principes psychanalytiques. La « Société française de psychothérapie de graupe », fondée en 1962, regraupa finalement cinq courants de psychodrame dont le graupe SEPT, une
organisation qui se réfère à la psychanalyse structurelle de Lacan et qui demeure aujourd’hui très active dans les domaines du traitement, de l’enseignement et de la publication.

Dans les pays de langue allemande on tenta à plusieurs reprises d’associer psychodrame et psychanalyse; mais ce ne fut qu’en 1980 que Ploeger et ses collaborateurs développèrent une approche fondée de manière systématique au niveau méthodologique et théorique - ils l’appelèrent « Tiefenpsychologisch fundierte Psychodrama therapie » (thérapie par le psychodrame fondée sur la psychologie des profondeurs). Cette méthode spécifique associe psychologie des profondeurs, théorie de l’interaction et processus dynamiques au sein de groupes.

S’inspirant de l’approche établie en France, des Autrichiens utilisent depuis plus de dix ans une méthode appelée « Psychodramatische Gruppenanalyse » (analyse de groupe psychodramatique). Ce «modèle i viennois » se réfère d’une part largement au « Théâtre ;    de la spontanéité » qui fut à l’origine du psychodrame,

'    . mais il tient d’autre part compte de concepts relatifs

à la psychanalyse de groupe, selon lesquels ce dernier est toujours considéré comme un tout intégral. Dans ce contexte la représentation multidimensionnelle de fantasmes interprétés comme la satisfaction de désirs cachés joue un rôle central.

C’est pourquoi l’on demande au groupe de sélectionner un thème de jeu, puis à chaque membre de choisir un rôle. Le groupe attribue ensuite un rôle au (ou aux) thérapeute(s). De plus, comme dans la psychanalyse de groupe la règle de l’expression libre est appliquée. Les principaux facteurs de prise de conscience sont alors: les thèmes choisis et la manière dont ils sont traités dans le jeu collectif; la libre expression hors du jeu en soi; les choix effectués quant aux rôles choisis par les membres et attribués aux thérapeutes, ainsi que la manière dont ceux-ci interprètent les interactions verbales et non-verbales. Dans ce contexte les relations de transfert entre le groupe et le(s) thérapeute(s) s’expriment de manière particulièrement claire.

L’article présente également le résumé d’un processus de groupe, qui permet de mieux saisir la méthode.