Ecrire sur des patients
Résumé
Celui qui rédige des textes concernant des patients prend certains risques et doit tenir compte de cet aspect. Pour une période plus ou moins longue, la relation thérapeute/patient se dédouble : une dyade très personnelle, d'une part, largement protégée contre des influences dérangeantes et ne visant pas d'objectif secondaire ; une distance, d'autre part, faisant de cette relation un objet - le patient étant à la fois le sujet et l'objet de la description. Cette bipartition existe de toute évidence dès le début, à partir du moment où, après quelques séances, le thérapeute pose un diagnostic et évalue sa propre disposition à travailler avec le patient concerné. Du point de vue dont les textes sont rédigés plus tard, le fait que l'auteur soit plus ou moins « intéressé » dans le processus en cours joue un rôle certain. Il reste que beaucoup d'analystes ont pour habitude - ou même pour règle - de ne rédiger un texte que sur la base de leurs notes et, très souvent, de ne pas le publier avant que la thérapie soit terminée. Si une publication est prévue alors que la thérapie est encore en cours, le thérapeute risque de percevoir des données de manière sélective, surtout lorsqu'il s'agit de vérifier une hypothèse préalablement formulée. Les chercheurs qui ont étudié les études de cas publiées par Freud ont montré que certains récits sont influencés par des hypothèses heuristiques, ce qui l'a conduit à évaluer le matériel de manière quelque peu partielle. La question est importante de savoir si la publication de matériel est destinée à un large public ou si elle est en visagée pour une conférence donnée à des professionnels, avec reproduction ultérieure dans une revue spécialisée. Dans un cas comme dans l'autre, il faut se demander ce qu'il en est de l'autorisation du patient. A-t-il un droit à ce niveau - le droit de décider et le droit de collaborer à la manière dont son anonymat sera respecté ? Quand faut-il lui poser la question : au moment où l'on projette de publier? Lorsque l'on écrit le texte ? Une fois que celui-ci est prêt ou que la date de la conférence ou de la publication approche?On trouve ici des réponses très divergentes : nombre de thérapeutes ne publient que lorsqu'ils sont sûrs - ou du moins assument - que le patient ne le saura pas ; ils ne peuvent pas envisager de lui demander sa permission car ils pensent que cela interférerait avec le processus thérapeutique. Ils doivent donc prendre leurs propres responsabilités à ce sujet, espérer que le patient n'en saura rien et peut-être affronter un léger sentiment de culpabilité. Des situations pénibles peuvent alors se produire lorsque le patient lit quand même un article le concernant, même si son anonymat a été respecté.
J'ai personnellement eu des expériences très positives lorsque j'ai communiqué mes projets à mes patients, que ce soit à un stade ou à un autre et surtout lorsque cela a abouti à une coopération au niveau du texte et, sur cette base, à la découverte de nouveau matériel. Mettre le patient au courant et même s'assurer de sa collaboration est d'autant plus fructueux et crée moins de problèmes lorsque la thérapie a déjà atteint un stade de «triangulation»: l'introduction d'un troisième «objectif» ne risque plus de briser une relation fusionnelle. Le patient est alors en mesure de conserver l'image positive du thérapeute même si ce dernier transmet certaines données à des tiers. Il ne se sent plus trahi par une démarche située hors de la symbiose et ne risque plus de décompenser. Lorsqu'il en est ainsi, mais que le thérapeute ne peut pas demander explicitement son autorisation au patient, il peut éventuellement communiquer « en secret» avec ce tiers, du moins s'il considère que ce faisant il se met au service de la recherche.
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Publiée
2005-07-01
Comment citer
Moser, T. (2005). Ecrire sur des patients. Science psychothérapeutique, (3), 100–104. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/356
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