Le dilemme de Kadim: fiction et contre-fiction dans le radicalisme islamique
Résumé
Jusqu’il y a quelques décennies, seules certaines disciplines académiques s’intéressaient à l’Islam et leur travail retenait l’attention uniquement de quelques philologues et autres historiens des religions. Or, à dater de 9/11 l’Islam est devenu un thème global. Après la série d’attentats à New York, Londres, Madrid et Mombassa, de nombreuses réflexions stratégiques ont été élaborées pour définir une réponse au terrorisme. La plupart des analyses traitent de contre-mesures d’ordre militaire et policier ; il reste que nous en savons encore beaucoup trop peu sur le psychisme des membres de la mouvance radicale. Dans le cadre d’un projet de recherche, j’ai eu plusieurs occasions durant la période 2006 à 2009 d’interviewer des hommes originaires d’Arabie saoudite ; il s’agissait entre autres d’étudiants, de politiciens, d’hommes d’affaires, d’avocats et d’une personne qui disait être un « exradical ». J’analyse dans mon article l’interview que j’ai menée avec lui, en vue de mieux percevoir les déterminantes psychologiques et sociales qui conduisent au radicalisme. J’utilise deux concepts centraux à la psychologie individuelle selon Alfred Adler : la fiction et la contre-fiction. Je montre que les individus qui adoptent une attitude radicale le font en raison d’un conflit entre leur fiction personnelle et la contre-fiction à laquelle adhère la société. Le conflit qui oppose Kadim (ce n’est pas son vrai nom) aux autorités musulmanes le force à prendre une décision personnelle qui provoque chez lui une première crise et le conduit à devenir takfiri. Sa démarche ne peut être saisie que si l’on tient compte des conditions sociétales et de la culture religieuse qui existent dans son pays : ce n’est en tout cas pas une question de caractère. J’analyse ensuite les conditions qui font qu’une personne renonce à son radicalisme. Dans le cas de Kadim, c’est la rencontre avec la contre-fiction à laquelle adhère un chinois chrétien qui ébranle son identité de takfiri. La trahison d’un ami provoque ensuite une deuxième crise, marquée de dépression et de retrait sur soi. Aujourd’hui, Kadim vit la vie d’un bourgeois bien intégré qui ne renie pas ses opinions, mais qui ne les traduit pas par des actes radicaux ; par contre, il envoie fréquemment des commentaires à des quotidiens et ceux-ci sont publiés. Je parviens à la conclusion suivante : une attitude radicale se manifeste dès lors que le pluralisme est négligé et que l’éducation n’offre pas de solutions alternatives. Il ne s’agit pas d’un phénomène « irrationnel », mais du produit de conditions de socialisation rigides, que ce soit au niveau de la culture, de la société ou de la religion.Téléchargements
Publiée
2010-04-01
Comment citer
Kropiunigg, U. (2010). Le dilemme de Kadim: fiction et contre-fiction dans le radicalisme islamique. Science psychothérapeutique, (2), 116–127. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/23
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