Le?«?corps?interactionnel?»?en?psychothérapie?corporelle?de?type?analytique
Résumé
La psychanalyse classique se fondait sur un travail utilisant un espace imaginaire et pourtant, depuis Klüwer (1983) et Jacobs (1991), on s'accorde à considérer qu'il faut également attribuer une importance centrale au dialogue et aux échanges inconscients qui ont lieu dans la situation psychanalytique, ainsi que dans les espaces transitoires (accueil et départ du client). Nous savons maintenant que leur psychopathologie empêche certains clients d'éviter de mettre en scène leurs problèmes par le biais d'actions ; on parle maintenant de « enactments » (au lieu de considérer ces actes comme l'expression d'une résistance) et pense qu'ils constituent une étape intermédiaire indispensable sur la voie de la symbolisation.Si l'on considère le processus thérapeutique dans une perspective intersubjective et interactive, il devient vite évident que le thérapeute est co-acteur des différentes mises en scène. Patient et thérapeute ne communiquent pas seulement au niveau verbal : ils utilisent également leur corps. Alors que Klüwer (1983) se servait encore du terme de « dialogue par les actes »» (« Handlungsdialog »») pour désigner uniquement sa dimension inconsciente dans le cadre de l'interaction thérapeutique, on envisage actuellement d'en formuler une définition plus large, incluant tant les aspects inconscients que les aspects conscients des actes en question (Heisterkamp
2006, Westram 2006). Cette définition plus récente prend en compte l'existence de la « psychothérapie corporelle de type analytique »» et considère que les dialogues par les actes ont des effets autant au niveau concret qu'en fonction de leur signification symbolique pour le patient. Concernant la technique utilisée en psychothérapie corporelle de type analytique, cela signifie que le thérapeute utilise aussi bien les mises en scène inconscientes (« enactments »») que des dialogues engagés consciemment (« interventions scéniques »»).
Selon cette approche, le « corps interactionnel »» est le corps directement visible au niveau de l'interaction - le corps utilisé pour la médiation et la transmission de ses contenus.
Entre la fin de son deuxième mois d'existence et jusqu'à l'âge de six mois, le nourrisson devient capable (après avoir appris à commencer à se percevoir lui-même) de ressentir en lui-même la présence d'un Soi central, se manifestant en tant qu'unité corporelle séparée, cohérente et délimitée. À ce niveau, la manière dont il vit son propre corps joue un rôle central. (Stern [1992] emploie spécifiquement le terme de « domaines »» - et non de « phases »» - pour désigner ces étapes car, selon lui, chaque domaine se construit sur la base du précédent. Au moment où un nouveau domaine de la perception de soi se développe, le précédent passe en arrière-plan et demeure actif à ce niveau.)
À mesure que le nourrisson développe ses capacités motrices, dans le sens où, par exemple, il devient capable de changer à volonté de position et de posture, les conditions requises sont créées qui permettront au champ d'interaction enfant/mère de se différencier de manière marquée. Durant cette phase, c'est surtout le contact visuel avec la mère qui occupe le centre du processus interactif. L'échange de regards fournit une structure à ces interactions et l'on pourrait dire qu'à ce moment du développement, aucun événement n'est plus important puisque cet échange sert de base à toute expression vitale (Stern 1991). Durant cette période, de nombreuses interactions se déroulent par le biais de jeux de contact improvisés entre mère et enfant. Il est important de souligner que toutes ces interactions ont lieu avant même que l'enfant dispose de la capacité à symboliser même s'il est tout à fait possible qu'elles prennent plus tard une signification symbolique. Cependant, une partie de loin plus importante de notre comportement interactif non verbal est faite d'un savoir relationnel non symbolisé - c'est-à-dire d'habitudes faisant partie des procédures qui nous servent à gérer nos interactions et dont nous ne devenons jamais conscients. Il s'agit du domaine qui, lorsque l'individu devient plus âgé, sert à la régulation des rapports entre humains. En général, nous ne sommes pas capables de le décrire sur des bases simples. Ses effets sur la situation thérapeutique sont pourtant multiples, ce qui fait que nous avons maintenant renoncé à parler de la « neutralité » du thérapeute au sens où ce terme était autrefois entendu.En psychothérapie corporelle de type analytique, c'est cet « arrière-plan »» qui devient prioritaire. Partant des domaines de la respiration (domaine respiratoire), de la voix (domaine acoustique), de l'expression du regard (domaine visuel), des mouvements (domaine moteur) ainsi que des contacts corporels et des moments où thérapeute et patient se touchent (domaine kinesthésique), des interactions sont mises en scène ; elles aident à cerner des dimensions difficilement accessibles de la relation thérapeutique et à analyser leurs aspects symboliques et non symboliques. Ces interactions ne sont pas des « exercices »» au sens où les utilisent l'analyse et la thérapie bioénergétiques classiques mais bien des tentatives visant à exploiter l'interaction « in actu »». Cette manière de procéder ouvre - entre autres dans les cas difficiles - des possibilités supplémentaires au niveau de la technique.
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Publiée
2007-04-01
Comment citer
Geißler, P. (2007). Le?«?corps?interactionnel?»?en?psychothérapie?corporelle?de?type?analytique. Science psychothérapeutique, (2), 78–84. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/126
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