Improvisation musicale et expérience de soi : une enquête sur plusieurs niveaux en rapport avec le processus thérapeutique émotionnel

Résumé

Les différentes approches thérapeutiques utilisant l'improvisation active de musique ont en commun des caractéristiques essentielles : 1. la proximité du vécu affectif (cf. Inselmann 1995, Inselmann et Mann 2000, Janssen 1982, Langenberg 1996, Langer 1978, Spitzer 200S, Timmermann et al.1991, Wosch et Frommer 2002), 2. le fait que cette improvisation reflète des vécus inconscients (Priestley 1982),

S. la possibilité d'agir « à l'essai » (Inselmann 1995, Inselmann et Mann 2000, Meschede et al. 198S, Priestley 1982),

4. l'aspect rencontre interpersonnelle (Inselmann 1995, Inselmann et Mann 2000, Schmidt 1994, Timmermann et al. 1991) avec, le cas échéant, une prise en compte de la relation de transfert (Decker-Voigt 2001).

Le présent travail se fonde sur l'hypothèse selon laquelle un processus peut être déclanché dès le début de l'improvisation musicale. En vue de justifier cette hypothèse, nous nous référons au potentiel de symbolisation de la musique, à sa capacité à provoquer un processus, ainsi qu'à sa proximité par rapport au ressenti, utilisant des notions tirées de la linguistique et de la philosophie de la musique.

Nous présentons également ci-dessous une étude de cas individuel, décrivant le vécu émotionnel de la patiente et de sa thérapeute, puis comparant celui-ci à une évaluation externe de l'improvisation musicale impliquée (fonction de résonance corporelle selon Langenberg [1996] exprimée par des adjectifs associés à des échelles) ainsi qu'à une autoévaluation (formulaire de Stuttgart [Lermer et Ermann 1976]). Cette analyse concerne quatre séances parmi les 65 d'une thérapie individuelle par l'improvisation musicale d'orientation analytique.

Nous montrons qu'un processus a eu lieu, que ce soit au niveau du jeu musical de la patiente ou à celui de la thérapeute. De plus, l'évaluation externe est congruente à la manière dont la patiente évalue son propre ressenti affectif. Quant à l'autoévaluation effectuée par la thérapeute, elle correspond parfaitement à l'évaluation externe lors des séances centrées sur les impulsions agressives de la patiente, alors qu'elle n'est pas congruente lorsque le contenu des séances est en rapport avec la dépression de la patiente et sa tendance à se sentir coupable. Selon nous -et nous justifions cette hypothèse -, lors des séances au cours desquelles la dépression s'exprime la thérapeute se sent subjectivement « chargée » (au sens du containment selon Bion [1990]) tout en demeurant capable d'apporter à la patiente et à sa contribution musicale un soutien conduisant cette dernière vers un jeu plus libre.

Il est possible d'analyser (à plusieurs niveaux) et d'utiliser le vécu émotionnel des personnes impliquées, que ce soit dans un but scientifique, diagnostique ou thérapeutique. Il devrait être possible de former les (futurs) thérapeutes à ce type spécifique de perception.