Psychosomatique – intégration ou polarisation
Résumé
Bien que rares soient ceux qui en ont une représentation claire, il est fréquent d’entendre «c’est psychosomatique» -cela commence à l’école, dans la famille, au travail - et naturellement en médecine lorsque aucune cause organobiologi-que n’est trouvée pour expliquer un symptôme ou une plainte. Et de manière analogue à la dépression, ou à d’autres maladies psychiques, les affections psychosomatiques ne sont pas très appréciées du point de vue médical, ni valorisantes pour celui ou celle qui en souffre.Progressivement, la psychosomatique a introduit un changement de paradigme : de la perspective dualiste corpsesprit avec un corps assimilé à une machine hypercomplexe et la maladie à une panne qui doit être réparée, un glissement s’est opéré vers une perspective multifactorielle bio-psycho-sociale.
La compréhension intégrative des liens bio-psycho-sociaux (selon G. Engel) s’applique aujourd’hui adéquatement et de manière générale aux vécus quotidiens de nos patients soumis à divers stress professionnels, familiaux, sociaux, économiques, culturels, écologiques pouvant conduire à des surcharges psychiques, au burnout, aux pannes et addictions sexuelles, aux abus d’alcool, de drogues, de jeu, à la destruction des structures familiales par divorce, violence domestique, violence scolaire mais aussi à des maladies psychiques ou purement somatiques. Ces rapports psychosomatiques presque triviaux sont généralement bien connus.
Les fascinantes découvertes neurobiologiques nous ont apporté une toute nouvelle compréhension des phénomènes douloureux et des patients qui en souffrent. Les connaissances sur la mémoire de la douleur, sur la plasticité cérébrale nous ont notamment montré que la douleur et le stress étaient élaborés par les mêmes structures cérébrales. Les expériences stressantes précoces (troubles de l’attachement, « childhood adversities ») ont pour conséquence un affaiblissement des fonctions traitant le stress et conduisent à un traitement dysfonctionnel du stress la vie durant.
Les enfants fréquemment maltraités ou négligés portent des cicatrices psychobiologiques et comportementales qui sous-tendent des déficiences émotionnelles et cognitives comme par exemple : des stratégies de maîtrise des conflits plus fréquemment immatures, une diminution de l’estime de soi, une dégradation des compétences sociales, des comportements à risques pour la santé, souvent de nature sexuelle, une tendance à la retraumatisation, des addictions autodestructrices et des automutilations. Dont, par suite, dérivent des troubles anxio-dépressifs, des troubles somato-formes et dissociatifs et des surcharges posttraumatiques allant jusqu’à de graves troubles de la personnalité, voire à la délinquance. Et nous rencontrons aussi une incidence accrue de maladies biophysiques, diabète (de type 2) et accidents vasculaires, cérébraux et cardiaques notamment
A l’opposé, des facteurs salutaires protecteurs peuvent préexister et se développer, ce qui nous intéresse en particulier au sens de la résilience, c’est-à-dire lorsque la maladie ne se développe pas, malgré les surcharges accumulées et les expériences de stress précoce.
Si on se demande « où commence la guérison », on doit donc penser prévention ou plutôt promotion de la santé par la mise en valeur des facteurs salutaires, comme p.ex. ceux qui favorisent la résilience.
En pratique, quand les patients se présentent avec des troubles mal définis, ne permettant pas de suspecter une maladie spécifique, c’est seulement par la prise en compte de toute l’écologie, de l’histoire idiosyncrasique, des éléments narratifs de la personne que le cadre psychosomatique prend forme.
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Publiée
2008-01-01
Comment citer
Loeb, P. (2008). Psychosomatique – intégration ou polarisation. Science psychothérapeutique, (1), 3–7. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/97
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