L'interrelation entre thérapeute et patient dans la psychothérapie: un système auto-organisé - Deuxième partie: L'ordre du chaos
Résumé
Dans la première partie de cet article, on a proposé une méthode développée pour la description des configurations interactionnelles dans la communication thérapeutique, s’appellant “Analyse Séquentielle de Plans”. En utilisant l’enregistrement vidéo- graphique d’une thérapie individuelle de 13 séances (réalisée d’après le concept du BFTG [thérapie brève orientée vers les ressources et les solutions], de Shazer, 1989), on arrivait à un système complet des plans interactifs du thérapeute et de la patiente. Le résultat de notre méthode consistait dans une série de données qualitatives (activations des plans observés d’une solution temporelle de 10 secondes) et des séries de temps quantitatives. Les séries de temps quantitatives représentent l’évolution des intensités de différentes qualités de l’auto-présentation, réalisées par le thérapeute et la patiente. En regardent les séries de données, on a l’impression qu’il s’agit d’évolutions très irrégulières, très “chaotiques”.
Quand même, ce n’est pas des processus hazardeux. Si on regarde la distribution des configurations des plans réalisées dans la thérapie, elle est tout à fait différente d’une distribution qu’on pourrait attendre d’après la pure chance (distribution de Poisson). Evidemment, l’irrégularité de nos séries de données cache un certain ordre. Certes, il y a plusieurs possibilités pour expliquer la divergence entre une réalisation de pure chance et nos données empiriques, peut-être aussi des possibilités linéaires. Ici, on suit un chemin non- linéaire, le chemin de la “théorie du chaos”. Gomme dans la nature, en psychologie la plupart des systèmes dynamiques devraient être non-linéaires.
Sans entrer dans les détails complexes de cette théorie, nous signalerons brièvement quelques notions élémentaires de phénoménologie du chaos pour mieux la faire comprendre. Surtout, on explique ‘‘l’effet papillon ”, une métaphore pour la dépendance sensitive de l’évolution d’un système des conditions initiales ou des interventions minuscules, et le concept des “attracteurs étranges”. Le comportement d’un système suivant un certain attracteur peut avoir une certaine stabilité adaptive aux changements de l’environnement (“homéostase chaotique”). Ainsi, le chaos et l’instabilité ne sauraient être confondus (Marchais, 1989). Une instabilité critique se manifeste si un système organisé autour d’un certain attracteur se réorganise autour d’un nouvel attracteur sous l’effet de modifications des paramètres. Ensuite, pour comprendre le chaos il faut comprendre la collaboration permanente de “forces” divergentes, établissant “l’effet papillon”, et de “forces” convergentes, établissant la dynamique attrayante.
En utilisant des outils de réflexion et d’analyse (H. Schneider) de la théorie des systèmes dynamiques non-linéaires, la recherche en psychothérapie se présente comme science des processus évolutifs complexes (Fäh-Barwinski, 1995). On arrive à une démarche qui permet d’élaborer un langage et une méthodologie permettant de décrire les phénomènes dynamiques auto- organisants dans la psychothérapie avec précision et de les rendre saisissables.
Pour rendre saisissable “l’effet papillon” dans nos séries de temps, on explique la méthode des exponents “Lyapunov”. Dans tous les séries, on trouve des exponents Lyapunov positifs (Largest Lyapunov Exponents, LLE). Les LLE des séries de temps de la patiente sont plus grands que ceux du thérapeute, indiquant que le comportement de la patiente est moins prédictible et réagit plus aux moindres irritations que le comportement du thérapeute.
En utilisant des méthodes nouvelles saisissant des évolutions non-stationnaires, en effet, nos séries de temps se révèlent non-stationnaires, c’est à dire qu’on découvre des transitions chaoto-chaotiques. Quelques unes de ces transitions sont bien synchronisées, ce qui nous permet une petite vue sur les mécanismes synergétiques dans l’interaction entre la patiente et le thérapeute: l’auto-organisation de la psychothérapie. A coté de l’ordre du chaos, c’est aussi dans l’évolution des corrélations entre les séries de temps differentes qu’on découvre la non-stationnarité. Dans le processus d’une psychothérapie, ces corrélations changent dramatiquement. Ça nous permet de comprendre l’importance du contexte pour rendre une certaine intervention effective. A l’avenir, la recherche sur l’effectivité des méthodes thérapeutiques devrait s’orienter plus aux contextes de leur application (qui changent sans cesse) qu’aux méthodes elles-mêmes.
Si on s’oriente vers les conséquences de notre recherche, il faut savoir qu’on ne trouve rien d’autre qu’au niveau d’hypothèses. Effectivement, on a regardé une seule thérapie. La fin de l’article présentera quand même quelques idées au sujet de ce qu’on pourrait gagner pour mieux comprendre la psychothérapie, si l’on poursuit le chemin difficile de la théorie des systèmes dynamiques non-linéaires, le chemin du “chaos”.
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