Encadrement psychosocial de cancéreux: state of the art

Auteurs

  • Hans Peter Bilek

Résumé

Notre travail se fonde sur la constation suivante: on considère maintenant l’encadrement psychosocial (EPS) de malades du cancer comme un complément indispensable d’une thérapie somatique. L’EPS tire ses origines du travail social, d’une part, et, d’autre part, de la psychooncologie, une discipline centrée sur une perception faisant du cancer une maladie psychosomatique. Il y a donc aussi plusieurs manières d’aborder le travail avec les malades. Comme l’indique son titre, le présent article décrit et évalue toutes les méthodes utilisées actuellement.

On définit d’abord le terme “EPS” en se référant au manuel de psychooncologie de Holland/Rowland. Cette discipline y est décrite comme suit: “... des efforts systématiques entrepris pour influencer la manière dont le malade assume (son ‘comportement de coping’) par le biais de mesures pédagogiques et psychothérapeutiques”. En s’appuyant sur un article de Schwiersch, on montre que l’ESP implique une offre très diversifiée, allant du soutien visant à aider le malade à cesser de fumer aux entretiens psychologiques individuels en passant par des exercices de gymnastique.

La partie intitulée “Considérations de base” décrit les éléments particuliers au cancer: il s’agit d’une maladie potentiellement mortelle, associée à un tabou; de plus, les responsables de l’encadrement se voient contraints - du fait qu’il s’agit d’une maladie très fréquente - de réfléchir à la manière dont ils sont concernés (malades ou victimes dans leur propre environnement social, peur de tomber malades à leur tour) afin de pouvoir adopter une attitude objective envers les patients. C’est dans ces conditions seulement qu’il devient possible d’offrir aux malades soutiens et compréhension. On souligne également que les responsables doivent parfois faire preuve d’un grand courage, pour être en mesure d’encourager les patients à entreprendre des démarches quelquefois très peu habituelles - bien qu’elles apparaissent comme nécessaires (voir l’exemple de cas de Bahnson: Sky Diving).

L’article rappelle ensuite que, selon Grawe, il faut définir l’offre en fonction de 4 aspects: son efficacité, ses effets comparés à d’autres offres, la manière dont elle est indiquée sur un plan différencié et la manière dont elle agit. On parvient à la conclusion suivante: les personnes chargées de l’encadrement de cancéreux doivent définir avec soin leur propre attitude dans le contexte de leur rencontre avec le patient et des objectifs fixés à l’encadrement.

Le passage suivant traite de la question de la manière dont l’offre est acceptée. Il souligne qu’un besoin fondamental d’aide et une disponibilité à accepter cette aide ne sont pas du tout la même chose. De plus, il est probable que la personnalité des cancéreux ne leur permet pas d’être très ouverts à des stratégies constructives.

Dans la partie intitulée “Objectifs de l’encadrement”, on effectue une distinction entre court terme, moyen terme et long terme et constate que la maladie peut clairement être subdivisée en 4 phases: phase périopératoire, rémission, récidive et phase terminale. Par analogie avec les phases décrites par Kübler-Ross pour le processus de mort, on souligne que chaque étape réclame une manière spécifique de procéder, mais que les responsables de l’encadrement doivent conserver assez de flexibilité pour être en mesure d’agir par rapport au processus dans son ensemble et indépendamment d’une phase spécifique. On rappelle en particulier que d’assez grandes fluctuations peuvent caractériser la manière dont les cancéreux se sentent, parfois indépendamment de paramètres objectifs (résultats cliniques, par exemple); les personnes qui s’occupent d’eux doivent donc savoir comment offrir une forme adéquate de soutien.

L’article traite aussi du thème de la gestion des rapports pouvoir/impuissance. Il s’agit d’une question centrale pour médecins et thérapeutes à laquelle il faut accorder une attention particulière dans le contexte du cancer, du fait des caractéristiques de cette maladie (et plus spécialement de son évolution potentiellement mortelle).

A la fin de ce passage, on mentionne le fait que des “camps ” se sont formés à ce niveau. On montre que les personnes travaillant avec des cancéreux adoptent deux attitudes très différentes. D’aucuns considèrent comme adéquate une attitude de soutien peu spécifique (oncologie psychosociale) dont le but implicite est palliatif, alors que les autres s’axent plus sur un soutien devant viser à une guérison du patient. Les avantages et désavantages de ces deux attitudes sont évalués. En conclusion, on met en rapport ‘guérison’ et ‘salut’, un aspect de l’évolution de la maladie qui peut acquérir une grande importance surtout en phase terminale.

Le chapitre suivant est consacré à la description des différentes méthodes. Il traite d’abord de la psychanalyse et souligne que la psychooncologie en particulier a repris de nombreux concepts psychanalytiques (voir entre autres le “concept de complémentarité” de Bahnson, qui constitue l’un des éléments centraux d’une perception moderne, psychosomatique du cancer). On souligne également qu’une connaissance des concepts psychanalytiques peut être très utile au niveau de l’encadrement, mais que le setting utilisé à l’origine par la psychanalyse ne convient pas dans le cas de malades gravement atteints.

La deuxième méthode décrite est la thérapie Gestalt et en particulier la notion d’“impasse”. Par “impasse” on entend des “goulets existentiels” par lesquels on doit passer (la naissance, par exemple) ou peut passer, et qui parfois se manifestent sous forme de maladie. Une manière adéquate de saisir le “phénomène de l’impasse” peut être très efficace lorsqu’il s’agit d’encadrer des cancéreux. Une deuxième notion centrale à la thérapie Gestalt, l’accent mis sur le “ici et maintenant” peut être considérée comme très utile dans le traitement d’états d’angoisse.

L’article présente ensuite la thérapie familiale (systémique). A ce niveau, on observe la famille “live” pendant ses interactions et considère ces dernières comme pathologiques en soi. Le cancer est donc perçu comme un processus interactionnel. On décrit également l’approche particulière à Hellinger, la “reconstruction familiale”, qui se centre sur la notion d’acting-out inconscient de tâches déléguées par la famille d’origine (parfois sur plusieurs générations).

Le passage suivant est consacré à l’hypnothérapie. On y rappelle qu’hypnose et transe sont des traitements curatifs archaïques et ont connu un regain de popularité ces dernières années. L’hypnose produit des résultats satisfaisants en particulier dans le traitement de la douleur. Lorsqu’elle est intégrée à une conception psychosomatique/psychanalytique plus globale (Ladenbauer), elle peut être considérée comme constituant une offre complète d’encadrement.

La cinquième méthode présentée est celle du “training Simonton”. Cette approche s’est acquis une place dans la thérapie du cancer et a beaucoup contribué à ce que l’encadrement psychosocial des cancéreux évolue jusqu’à sa forme actuelle. On tente aussi d’expliquer les effets obtenus par le biais du “processus de visualisation” élaboré par Simonton en utilisant des notions de psychanalyse (influence exercée sur le processus primaire).

Les thérapies corporelles sont présentées dans le passage suivant; on indique qu’elles adoptent de nombreuses formes et que la plupart des approches (occidentales) visent à briser la “carapace” postulée par Reich. Dans ce contexte, on indique également que Reich a formulé sa propre approche pour comprendre le cancer, à savoir la notion de “biopathie”.

On traite ensuite du concept d’autonomie développé par Bilek et Linemayr (et présenté ici pour la première fois). Ce concept représente une synthèse des notions de psychosomatique incluses à l’idée de “mélodie de vie” de Leshan, à la notion de complémentarité de Bahson et au “training à l’autonomie” élaboré par Grossrarth- Maticek. Il condense ces différentes approches et les utilise en se fondant sur l’expérience clinique, pour permettre une meilleure approche du traitement des cancéreux.

La dernière partie de l’article présente des réflexions concernant l’encadrement psychosocial pratiqué dans des institutions (hôpitaux), les évolutions à prévoir et l’influence de la psychoneuroimmunologie (PNI). Elle trace une esquisse d’une oncologie chirurgicale devant concilier de manière idéale les implications somatiques et psychosociales du traitement. En ce qui concerne les tendances actuelles, on parle du “modèle de centering” élaboré par Hartmann et souligne le fait que les concepts dans lesquels un traitement holistique est pratiqué se situent très près d’une prophylaxie valide au niveau global du domaine de la santé.

Concernant l’efficacité du traitement, on indique que ces derniers temps - et de manière générale - on tend à viser moins une prolongation de la vie qu’une qualité de vie aussi bonne que possible.

Par rapport à la PNI, on souligne que cette nouvelle approche scientifique a déjà contribué à faire revoir de nombreuses notions - concernant en particulier la fonction du système immunitaire. Par conséquent, il faut s’attendre à ce que l’EPS subisse lui aussi de nombreuses mutations ces prochaines années.

Biographie de l'auteur

Hans Peter Bilek

Dr. Hans Peter Bilek, FA für Psychiatrie/Neurologie, Lehrtherapeut der Österreichischen Ärztekammer, Psychotherapeut, Obmann der Österreichischen Gesellschaft für Psychoonkologie.

Korrespondenz: Dr. H. P. Bilek, Berggasse 20, A-1090 Wien

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Publiée

1995-04-01

Comment citer

Bilek, H. P. (1995). Encadrement psychosocial de cancéreux: state of the art. Science psychothérapeutique, 3(2), 69–80. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/675