La relation thérapeute-client en thérapie du comportement - Fonction et signification par rapport au concept utilisé par la thérapie du comportement -ébauche d’un concept interpersonnel-interactionnel
Résumé
Le présent travail s’intéresse au concept de la relation thérapeute-client en thérapie du comportement. Il présente d’abord une brève esquisse de la manière dont la thérapie du comportement est pratiquée actuellement, la définissant en tant qu’orientation psychothérapeutique sur la base d’une série de caractéristiques (métathéorie, modèles et théories psychologiques, théories des troubles, conceptions du traitement, pratique thérapeutique). L’axe “théorie de la thérapie” joue un rôle particulièrement central lorsqu’il s’agit de saisir la relation thérapeute-client telle qu’elle est conçue par cette école: il inclut une conception du traitement, mais aussi une manière d’envisager les troubles psychiques ou somatiques et de mener le traitement concret. Dans ce sens, la thérapie du comportement se perçoit en tant qu’axée sur des objectifs précis: sa tâche primaire est de rechercher des solutions permettant au client de dominer ses problèmes.
Le concept de relation thérapeute-client correspond exactement à ce modèle et peut être défini comme une “relation de travail basée sur la coopération”, qui permet d’atteindre les objectifs thérapeutiques fixés. Dans ce cadre, la tâche du thérapeute comme celle du client est définie dans le sens de modèles de rôles structurés. Le rôle du thérapeute est celui d’“expert en résolution de problèmes” et d’‘‘assistant en évolution ”, le client jouant le rôle de collaborateur et d’exécutant.
La conception de la relation thérapeute-client formulée par la thérapie du comportement comporte quelques aspects problématiques et certains points faibles qui font qu’elle peut paraître lacunaire, ou du moins incomplète. Les trois principaux aspects portant à critique sont: 1. Elle part d’une conception trop rationnelle de l’homme et du cosmos, sans tenir compte des éléments personnels ou liés aux troubles qui peuvent provoquer des interférences dans la collaboration entre thérapeute et client; le modèle ne tient donc pas compte du fait que des schémas de relation et d’interaction influencés par les problèmes et la personnalité des participants sont part intégrante de la relation thérapeutique. 2. Deuxièmement, la conception classique de la relation thérapeute-client élaborée par la thérapie du comportement ne tient pas compte de nombreux éléments et méthodes qui pourraient être utilisés systématiquement par le thérapeute pour rendre la thérapie plus efficace. 3. Un autre problème relève du fait qu’au plan conceptuel, la thérapie du comportement a une orientation avant tout ‘technologique’ et non ‘interpersonnelle’; les praticiens et les thérapeutes en formation ne disposent pratiquement d’aucun outil leur permettant de gérer la situation interpersonnelle et donc certains aspects spécifiques d’une psychothérapie. Ceci pousse de nombreux praticiens à rechercher des alternatives en empruntant des concepts à d’autres écoles de psycho-
thérapie, ce qui enlève de leur poids aux conceptions soutenues par la thérapie du comportement.
En tant que représentant de la thérapie du comportement, Grawe a identifié très tôt certaines des lacunes manifestées par le concept de relation en thérapie du comportement; en élaborant une “thérapie interactionnelle du comportement”, il a tenté d’y pallier. Depuis, la “thérapie interactionnelle du comportement” utilise deux concepts de la relation, qu’elle applique pour maîtriser à deux des trois points faibles décrits plus haut. Il s’agit du concept de l’‘‘élaboration plan-complémentaire d’une relation”, d’une part, et de l’adaptation de concepts interpersonnels fondes sur la théorie des conflits, empruntés à la psychanalyse (le concept du test et du plan, selon Weiss).
Dans l’ensemble, le concept de la “thérapie interactionnelle du comportement” adopte une vue de la psychothérapie quelque peu différente de celle appliquée par la thérapie du comportement traditionnelle. Elle considère la psychothérapie comme un processus de changement et de construction systématique, dont l’issue est par principe ouverte. Dans son cadre il s’agit pour l’essentiel de réaliser des heuristiques thérapeutiques spécifiques; la forme qu’elle prend lui est donnée par l’application flexible de ces heuristiques. Ces dernières peuvent concerner avec différents niveaux: identification du problème, diagnostic, modification des problèmes, mais aussi établissement d’une relation. Les auteurs ont élaboré ce qu’ils appellent “l’analyse du plan”: c’est elle qui fournit des informations sur le développement de la relation thérapeutique et l’application de méthodes thérapeutiques. Elle a pour tâche de saisir simultanément les schémas et structures pertinentes par rapport aux problèmes et les objectifs et plan sous-jacents à la manière dont le client élabore la relation.
La nation d’"élaboration plan-complémentaire d’une relation” prévoit que le thérapeute adopte un comportement complémentaire par rapport aux principaux plans interactionnels du client, c’est-à-dire qu’il les affirme et les renforce. Le “concept du test” implique que, dans le cadre de la situation thérapeutique, le client teste le thérapeute, dans le but de vérifier les convictions et schémas qui sont en rapport avec ses troubles. Il procède de la sorte, entre autres, pour vérifier qu’il peut vraiment faire confiance au thérapeute, mais aussi pour s’assurer que ce dernier est capable de gérer ses problèmes et thèmes. Dans le contexte de ce modèle, le thérapeute est chargé de plusieurs tâches: il doit d’abord tenter d’identifier les thèmes de test pertinents à partir d’une analyse des troubles et du plan; d’autre part, il doit passer avec succès les tests du client et en rendre ce dernier conscient en les interprétant (= “abstraction réfléchie”).
Dans la discussion qui suit, nous signalons qu’avec ses deux concepts de la relation, la thérapie interactionnelle du comportement représente une première tentative d’intégration d’une approche interactionnelle et interpersonnelle au sein de 1a thérapie du comportement. A un niveau global il faudrait toutefois renoncer aux conceptions technologiques de 1a relation thérapeute-client en thérapie du comportement, pour en élaborer une conception plus large et plus généralement interpersonnelle. Nous traitons finalement des implications de ces idées pour la procédure
thérapeutique et la formation en thérapie du comportement -en particulier pour l’expérience sur soi et la supervision. Il faut noter que seule l’application d’une vue interpersonnelle de la relation thérapeute-client peut fournir une base théorique adéquate, qui servira de fondement à une expérience sur soi et à une autothérapie utiles dans le cadre de la thérapie du comportement.
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