L'expérience sur soi dans le contexte de la formation en psychothérapie

Résumé

Actuellement la psychothérapie est la seule profession exigeant de ceux qui souhaitent s’y former qu’ils pratiquent l’expérience sur soi dans la méthode qu’ils apprennent à utiliser. La raison en est historique et ses origines peuvent être mises en évidence sur 1a base de l’histoire de 1a philosophie, de la théologie et de la médecine. Quant à l’histoire de la psychothérapie, elle montre qu’au début de son développement toutes les écoles et orientations connurent l’expérience sur soi, mais que cette dernière était considérée comme relativement peu importante. En cours d’évolution et à mesure que l’on acquérait plus d’expérience, cet élément gagna de plus en plus en importance, ce qui fit que finalement il fut institutionnalisé dans 1e cadre de la plupart des cursus de formation, dans les réglementations légales et dans les exigences globales posées à la formation. On peut dire que l’idée de l’expérience sur soi a constitué une manière traditionnelle de transmettre un savoir dans différents domaines scientifiques, pour être ensuite sacrifiée - à dater du siècle des Lumières - sur l’autel du rationalisme et des sciences naturelles. Seule la psychothérapie a maintenu cette tradition dans le contexte de son approche phénoménologique et herméneutique.

L’expérience sur soi est nécessaire et importante en psychothérapie, non parce qu’il s’agirait de cultiver une tradition historique mais du fait de l’objet particulier de cette discipline et des méthodes qu’elle a élaborées pour gérer les troubles et la souffrance. Dans ce contexte, l’acquisition parles thérapeutes de compétences spécifiques au niveau personnel et interpersonnel joue un rôle important; elle peut être soutenue par l’expérience sur soi et l’auto-thérapie. De plus, elle permet de développer (plus avant) toute une série de capacités et qualités thérapeutiques importantes (capacité à l’empathie, réflexion personnelle, contrôle de la personnalité, stabilité personnelle, etc}.

Par rapport à une approche et à une recherche scientifiques, il est important de s’occuper de ce thème et d’en faire un objet de débat et de travail, ceci pour différentes raisons: d’abord, sur la base de ses procédures rationnelles une approche scientifique peut beaucoup contribuer à systématiser, à clarifier et à mieux définir les concepts utilisés par les différentes manières d’aborder l’expérience sur soi. Il serait en outre important que la recherche assume la tâche consistant à étudier les effets de cet élément, mais aussi sa valeur relative par rapport à d’autres aspects de la formation (apprentissage d’une méthode, enseignement théorique, supervision, stages pratiques etc.).

Les articles réunis dans le présent numéro sont des contributions présentées dans le cadre d’une rencontre scientifique qui a eu lieu le printemps dernier à Graz et dont le thème était l’étude comparative de différentes conceptions de l’expérience sur soi. Seul un travail (celui de Peter Kutter) a été rédigé hors de ce contexte; il a été inclus parce qu’il traite du même sujet. Les articles mettent clairement en évidence le fait que les différentes écoles de psychothérapie (psychanalyse, logothérapie et analyse existentielle, psychothérapie centrée sur le client, thérapie du comportement, thérapie systémique) fondent chacune à leur manière l’utilité de l’expérience sur soi; de même, elles évaluent différemment sa valeur dans le cadre de la formation spécialisée.