Guérison et recherche. L'état de la psychothérapie scientifique en Autriche

Auteurs

  • Elisabeth Jandl-Jager
  • Eva Presslich-Titscher
  • Marianne Springer-Kremser
  • Fritz Maritsch

Résumé

Freud avait signalé que guérison et recherche sont interdépendantes; ce constat ne vaut pas que pour 1a psychothérapie classique, mais est l’une des caractéristiques du traitement psychothérapeutique en général. On pourrait dire: le déroulement des traitements permet aux praticiens d’acquérir des connaissances qui peuvent être intégrées à la fois au processus thérapeutique et, en tant qu’accumulation d’impressions, à une réflexion théorique - ceci dans le sens d’une première démarche d’abstraction. Une fois communiquées aux spécialistes, ces connaissances influencent considérablement l’élaboration et l’avancement des théories cliniques pertinentes.

Que le travail psychothérapeutique pratique implique forcément la recherche, ou que les praticien/nes de la psychothérapie puissent prétendre à juste titre diposer d’un savoir spécialisé considérable, acquis par le biais de leur formation et de leur expérience, ne compte pas dès lors que l’on applique les critères de ce qui est actuellement considéré comme recherche scientifique (cf. Wolfe, 1994). Du point de vue de la recherche en psychothérapie de type quantitatif et statistique, la recherche sur des cas n’est pas scientifique; on a bien commencé récemment à réattribuer de la valeur à l’étude de cas individuels (cf. Leuzinger-
Bohleben, 1995), mais on considère encore de manière générale les deux perceptions de la recherche - liaison guérison-recherche I recherche scientifique - comme irréconciliables, oubliant qu’elles ont chacune leur fonction. En psychothérapie, la recherche empirique exerce avant tout une fonction de contrôle. Elle s’intéresse surtout aux effets de la thérapie, aux changements mesurables statistiquement que cette dernière peut apporter. Par contre, l’association guérison/recherche permet de vérifier les hypothèses qui jouent un rôle par rapport au concret de la thérapie. A un niveau plus global, mesurer les effets des traitements implique un contrôle politique et social: cette approche prétend sélectionner les écoles qui seront habilitées à mener des traitements, celles qui auront le droit de former des thérapeutes ou de diffuser leur savoir; il s’agit finalement de définir ce qui doit être financé par une communauté solidaire (par les caisses maladie). L’une des tâches importantes assumées parla théorie scientifique est donc d’élaborer un système permettant d’examiner de manière systématique les différentes conceptions du traitement clinique (cf. Orlinsky, 1994).

Les trois niveaux de la recherche (cf. il. 1) se reflètent également dans les publications parues dans ce domaine. Dans le cadre d’une enquête empirique intitulée “L’état de la psychothérapie scientifique en Autriche” (Springer et al., 1994), on a tenté d’analyser les résultats publiés, entre autres, en fonction de ces trois niveaux. Les résultats de cette étude concernent la période 1972-1992.

Le but de notre travail était de présenter une description des travaux et des rapports de projets sur le thème de la psychothérapie publiés en allemand par des auteurs autrichiens. Au centre de notre enquête se situe la définition de catégories permettant de classer les 475 travaux examinés.

Les résultats que nous avons acquis montrent clairement qu’en Autriche on a très souvent procédé à une évaluation clinique pouvant être appliquée dans la pratique, en d’autres termes que l’on dispose de résultats permettant de définir l’efficacité des procédures et des approches. Mais les résultats de la recherche quantitative ne correspondent pas forcément à un savoir concernant la pratique; en effet, du fait qu’ils sont relativement abstraits il est souvent difficile de transférer ces résultats à des interventions pratiques. On n’accorde encore que peu de valeur à une “science fondée sur la pratique”, c’est-à-dire à des connaissances développées à partir de la pratique et testées dans le contexte de cette dernière (cf. également Fäh-Barwinski, 1995).

Un débat sur la pratique de la thérapie est actuellement mené dans le cadre de nombreuses écoles. Il est devenu plus âpre ces derniers temps, comme le montrent clairement diverses déclarations faites au
sujet de la nature scientifique de la psychothérapie ainsi que, parallèlement, au sujet de la question de savoir si les traitements doivent être reconnus par la loi et remboursés. Le risque existe qu’en exigeant que la psychothérapie produise des résultats positifs mesurables, on néglige de tenir compte de l’interdépendance entre guérison et recherche qui joue un rôle si central au niveau de notre discipline. Il ne faudrait pas oublier que l’élaboration de méthodes de recherche adaptées à la psychothérapie ne fait que débuter. Le fait que les travaux accomplis en Autriche tiennent compte de la pratique doit être souligné, car il est positif; de même, il est bien que dans ce pays existent de nombreuses institutions et personnes s’intéressant à la psychothérapie. Il est évident qu’une recherche en psychothérapie axée sur la pratique n’est pas un domaine exclusif, réservé à quelques institutions ou chercheurs. La recherche pratiquée en Autriche est en outre caractérisée par un second aspect positif: elle a inclue relativement souvent un discours global, indépendant des différentes écoles. Ce point fort de la recherche autrichienne se retrouve au niveau de la loi sur la psychothérapie élaborée par notre pays et il ne faudrait pas considérer cette donnée comme évidente. Comme le montre l’exemple de l’Allemagne, la capacité à mener un discours incluant les différentes écoles n’est pas du tout donnée à tout le monde. En Autriche, elle a été acquise au cours d’un processus très difficile, qui a duré de nombreuses années, jusqu’au moment où elle a pu être utilisée pour que soient menées des recherches dont les praticiens puissent profiter.

 

Bibliographies de l'auteur

Elisabeth Jandl-Jager

Univ.-Doz. Mag. Dr. Elisabeth Jandl-Jager, Universitätsassistentin an der Universitätsklinik für Tiefenpsychologie und Psychotherapie der Universität Wien, Mitglied des Wiener Arbeitskreises für Psychoanalyse und der ÖGWG; Forschungsschwerpunkte: Psychotherapieforschung, Medizinsoziologie, Organisationssoziologie.

Korrespondenz: Doz. Dr. Elisabeth Jandl-Jager, Universitätsklinik für Tiefenpsychologie und Psychotherapie, Währinger Gürtel 18-20, A-1090 Wien

Eva Presslich-Titscher

Dr. Eva Presslich-Titscher, Universitätsassistentin an der Universitätsklinik für Tiefenpsychologie und Psychotherapie der Universität Wien, Lehranalytikerin des österreichischen Vereins für Individualpsychologie; Forschungsschwerpunkt: Psychotherapieforschung

Marianne Springer-Kremser

Univ.-Prof. Dr. Marianne Springer-Kremser, Vorstand der Universitätsklinik für Tiefenpsychologie und Psychotherapie der Universität Wien, Lehranalytikerin der Wiener Psychoanalytischen Vereinigung; Forschungsschwerpunkte: Psychoanalyse, Psychosomatik

Fritz Maritsch

Dr. Fritz Maritsch, Gesundheitspsychologe; Forschungsschwerpunkte: Psychotherapieforschung, klinisch-pharmakologische Forschung.

Téléchargements

Publiée

1997-01-01

Comment citer

Jandl-Jager, E., Presslich-Titscher, E., Springer-Kremser, M., & Maritsch, F. (1997). Guérison et recherche. L’état de la psychothérapie scientifique en Autriche. Science psychothérapeutique, 5(1), 1–7. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/622