La psychothérapie de liaison en hôpital général: ses tâches et les problèmes rencontrés au moment d'établir des services psychothérapeutiques
Résumé
L’amendement à la loi autrichienne sur les établissements hospitaliers (1993) prévoit que les hôpitaux offrent des traitements psychothérapeutiques et un soutien psychologique. Selon cette législation, il faut que dans les établissements dont la fonction et l’offre le justifient, un soutien au niveau de la psychologie clinique et de la psychologie de la santé ainsi qu’une offre suffisante en psychothérapie soient fournies. Ceci signifie que les responsables des établissements, leurs directions médicales, les sociétés professionnelles et les médecins et psychologues cliniques qui y travaillaient déjà se voient confrontés à de nouvelles tâches: il ne s’agit plus seulement d’établir une offre plus large, il faut aussi élaborer des standards de qualité concernant cette dernière. Le ‘modèle d’Innsbruck’ que nous décrivons ci-dessous a compris l’établissement progressif d’une offre en psychothérapie et celui d’une collaboration interdisciplinaire dans un contexte hospitalier; il apporte une contribution dans le sens mentionne plus haut.
Au moment de créer des services de psychothérapie nous nous sommes fixé deux objectifs: il s’agissait d’une part de ne pas enlever aux médecins et au personnel soignant la responsabilité du soutien psychosocial de base offert aux patients, mais de confier aux nouveaux services la charge d’établir un diagnostic et de mener des interventions psychothérapeutiques dans les cas particulièrement graves ou dans ceux de patients “difficiles ". D’autre part, nous visons à établir un modèle de coopération étroite, ceci devant permettre à long terme de fournir aux collègues avec lesquels nous collaborons une perception intégrale des troubles - incluant les aspects biologiques, psychologiques et sociaux - et d’améliorer leurs compétences dans le domaine psychosocial. Pour atteindre ces objectifs, il faut beaucoup investir (personnel et temps) pour obtenir une coopération durable; un modèle de coopération au sens propre (modèle de liaison) est plus utile à ce niveau qu’un service de consultation.
Le modèle que nous avons mis en œuvre comprend deux axes: le diagnostic et le traitement psychothérapeutique direct de patients (consultations à heures régulières, participation aux visites), accompagné d’un soutien de la famille d’une part; des activités en équipe, d’autre part (discussions de cas, groupes Balint, formation continue). Nous nous efforçons d’obtenir que nos collègues médecins participent à l’élaboration d’un diagnostic psychosomatique (en organisant avec eux des entretiens auxquels participe le patient et qui servent à discuter du diagnostic) et au traitement psychothérapeutique. Leur collaboration à ce second niveau se fait par le biais de programmes de thérapie de groupe structurée et interdisciplinaire, destinés à certains groupes de patients (ceux qui souffrent de douleurs chroniques, par ex., ou les cancéreux).
Certains problèmes se présentent plus particulièrement dans la phase d’établissement d’un service psychothérapeutique de liaison qui, en général, sont le produit d’attentes peu réalistes. Les participants seront rapidement déçus par un projet qu’ils avaient initialement idéalisé si, d’une part, les médecins ne renoncent pas à l’idée que leur collègue psychothérapeute va les “libérer" de patients difficiles en obtenant rapidement de bons résultats et, d’autre part, le psychothérapeute de liaison n’abandonne pas très vite l’espoir qu’il sera immédiatement accepté comme membre à part entière d’une équipe interdisciplinaire de traitement. Si, d’autre part, les organes directeurs responsables du personnel soignant et médical ne garantissent pas la coopération il devient difficile d’établir le service sur une base durable, même si médecins et infirmiers/infirmières s’engagent beaucoup. Finalement, le temps accordé à la création du service peut être insuffisant et ceci peut provoquer l’échec: lorsque, par exemple, les autorités compétentes n’autorisent qu’un emploi pour une période d’un an, ceci devant suffire pour apporter preuve de son succès. Nous ne pouvons que nous rallier à l’avis de Pontzen (1990) qui, sur la base de son expérience, considère qu’il faut au moins deux ans pour établir un service de liaison et que ce n’est qu’au bout de trois à cinq ans que ce dernier remplit entièrement sa fonction.
En cours de collaboration, toute une série de problèmes logistiques typiques se manifestent: les psychothérapeutes sont difficiles à atteindre ou réagissent trop tard, les patients ne sont pas suffisamment informés, le médecin ayant adressé le patient a mal formulé le problème ou la sphère privée du patient est mal protégée. Mais ces problèmes en cachent souvent d’autres, situés au niveau de l’interaction entre les différents professionnels (médecins, psychothérapeutes, personnel soignant, personnel médico-technique). Des problèmes liés à la manière dont tous les participants perçoivent leur propre valeur jouent un rôle central. Au niveau des patients et de la collaboration, des difficultés particulièrement importantes et durables apparaissent lorsqu’il s’agit de personnes qui souffrent de graves problèmes d’auto-valorisation et de conflits d’ambivalence; elles projettent alors sur le personnel traitant leur constante oscillation entre le sentiment de ne rien valoir et la “grandiosité". Une collusion inconsciente (transfert / contre-transfert non résolus) se produit alors, faisant que médecins et psychothérapeutes risquent de tomber dans le piège d’une idéalisation initiale du patient puis de sa dévalorisation. Seule la réflexion menée à intervalles réguliers lors de discussions de cas et une ouverture permettant aux participants d’admettre leurs propres limites peuvent permettre d’échapper au cercle vicieux liant idéalisation et dévalorisation réciproques.
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