Mise en œuvre de projets de recherche sur le travail de consultation et de liaison accompli en faveur de patients souffrant de troubles psychiques dans des services hospitaliers généraux

Auteurs

  • Ulrike Ehlert

Résumé

Les statistiques concernant la prévalence de problèmes psychiques (psychiatriques, psychosomatiques et fonctionnels) indiquent des chiffres variant de 15 à 20% pour la population globale, de 25% pour les patients bénéficiant de l’offre médicale de base fournie en ambulatoire et de 30% pour les patients hospitalisés dans des services généraux. Cette même prévalence peut atteindre 60% pour les patients hospitalisés dans les services de médecine interne et de chirurgie d’un hôpital général. On peut donc dire en simplifiant qu’en ce qui concerne l’ensemble de la population, un patient sur cinq souffre de troubles psychiques; en services ambulatoires de base cette proportion est de un sur quatre et elle est de un sur trois pour les patients hospitalisés. S’il est vrai que toutes ces personnes ne requièrent pas un traitement immédiat, on ne peut négliger d’offrir ce traitement, du fait en particulier que dans la majorité des cas les \ problèmes psychiques ne sont pas simples troubles passagers. On enregistre une nette tendance à la chronicité, ceci concernant plus particulièrement les états dépressifs et les troubles somatoformes. Il arrive souvent que l’on ne décèle pas les troubles psychiques, ce qui conduit à une utilisation abusive de l’offre médicale dans le contexte du système de santé. C’est pourquoi de nombreux milieux sont d’accord pour demander que les troubles psychiques dont souffrent des patients traités en ambulatoire ou hospitalisés soient dépistés assez tôt.

Trois facteurs influencent le traitement offert aux patients souffrant de problèmes psychiques et hospitalisés dans des services généraux par des spécialistes de la santé mentale (psychothérapeutes, psychiatres): 1) la maladie dont souffre le patient, 2) les caractéristiques et les priorités du service spécialisé et 3) la profession et l’orientation thérapeutique du collaborateur spécialisé. On fait une distinction entre service psychiatrique de consultation et de liaison et service de consultation en médecine psychosomatique et du comportement. Les études concernant l’efficacité du travail de liaison et de consultation ont eu en majorité pour objet le travail effectué dans le domaine psychiatrique par des services de ce type situés, en autres, en Hollande, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis - mais pas dans des pays de langue allemande. Il est urgent d’entreprendre des études allant plus loin que la simple description du groupe de patients concernés ou de mesures thérapeutiques non-structurées. Suivant l’exemple de Cohen-Cole et al. (1986) et de Wise (1995) on peut définir quatre priorités de recherche pouvant être considérées comme spécifiques du travail de consultation et de liaison: concepts diagnostiques, mécanismes des troubles, méthodes biologiques de traitement et évaluation de mesures thérapeutiques, ainsi qu’aspects liés à l’offre. Dans ce sens, le travail en question doit s’axer aussi bien sur les aspects pratiques de l’offre fournie aux patients que sur la recherche de réponses aux thèmes de recherche mentionnés plus haut.

Le travail pratique de consultation et de liaison implique forcément une collaboration interdisciplinaire entre personnel soignant, médecins et, concernant les mesures complémentaires, thérapeutes. De plus, les spécialistes de la santé mentale doivent être très disponibles, afin que les patients puissent être traités en temps utile. Le degré auquel le travail de consultation et de liaison est accepté dépend pour une bonne part de la formulation et de la justification de diagnostics précis. Il est donc utile de fonder ces derniers sur des classifications courantes (DSM IV ou ICD 10). Il faut que les propositions en matière de thérapie aient un sens pour le médecin traitant et puissent être mises en œuvre dans un cadre stationnaire. A celles-ci doivent éventuellement s’ajouter des recommandations concernant le traitement une fois que le patient aura quitté l’hôpital. Le traitement psychothérapeutique doit être défini avant tout par la manière dont les troubles se présentent, mais il va aussi dépendre des possibilités offertes (ressources en temps et en personnel). Son objectif global devrait être de communiquer au patient des informations concernant sa maladie et le rôle joué par des facteurs psychiques au niveau de la genèse de ses troubles.

Du point de vue de la recherche, trois groupes de questions sont pertinentes: (1) parmi le grand nombre de questionnaires établis selon des critères scientifiques et d’interviews, il faut choisir celles des procédures standardisées qui permettent de dépister ou d’exclure des syndromes psychiatriques/psychosomatiques. (2) compte tenu du fait que l’on manque d’études scientifiques concernant des interventions brèves menées auprès de patients hospitalisés dans des services généraux et souffrant de problèmes psychiques, il s’agit, en une première étape, d’élaborer des concepts relatifs aux facteurs complexes qui influencent le déroulement de la psychothérapie; dans une deuxième étape il s’agira de concevoir des mesures thérapeutiques adaptées au temps à disposition et aux indications de traitement pour les groupes de patients concernés. (3) L’efficacité des mesures psychodiagnostiques et psychothérapeutiques devrait être mesurée en effectuant des comparaisons entre (a) le début, (b) la fin du traitement psychothérapeutique ambulatoire, (c) la fin d’une période de catamnèse définie d’avance et (d) un groupe de contrôle convenable. Ces mesures de comparaison doivent tenir compte des appréciations des patients, mais aussi de l’évaluation effectuée par les collaborateurs concernés au niveau somatique et psychothérapeutique.

La mise en œuvre et l’évaluation du travail de consultation et de liaison sera influencée par un grand nombre de facteurs liés aux patients et à l’institution. Les méthodes de recherche utilisées pour enregistrer des effets spécifiques doivent être choisies en fonction de la complexité des questions posées. La forme la plus révélatrice de recherche dans ce domaine est celle qui consiste à effectuer une analyse d’implémentation, suivie d’une analyse des coûts-bénéfices; il faut toutefois admettre qu’il y a très peu de chances que l’on puisse réaliser un tel projet. La forme de recherche la plus simple consiste à examiner l’efficacité d’une seule mesure d’intervention appliquée à un seul groupe de patients hospitalisés dans un service général. En différenciant progressivement les instruments de mesure et en tenant compte des variables qui interviennent, mais aussi en ajoutant des groupes de contrôle, on peut améliorer la valeur des résultats - mais la complexité des variables à étudier augmente d’autant.

La recherche s’intéressant à évaluer le travail de consultation et de liaison effectué dans des services généraux en est encore à ses débuts; c’est pourquoi il est souhaitable qu’autant d’équipes que possible, dont c’est le domaine d’activité, commencent à activement évaluer leur travail. En plus de collecter des données descriptives concernant les patients examinés et traités, en une première étape on pourrait tenter d’effectuer des mesures des types avant-après (mesures de réussite) dans des groupes de patients sélectionnés et aussi homogènes que possible, ceci en utilisant des questionnaires standardisés. Une fois que l’on aura acquis une certaine routine au niveau de la mise en œuvre de plans de recherche dans un contexte hospitalier, on pourra ajouter des mesures plus complexes de la réussite du traitement, établir des catamnèses concernant la phase post-hospitalière et inclure des groupes de contrôle à l’étude. Bien que l’évaluation de l’acte thérapeutique implique du travail supplémentaire, il faut savoir que seule l’introduction de ce type d’évaluation peut permettre de situer le travail pragmatique sur des bases scientifiques solides. En procédant de la sorte, on garantit que le travail de consultation et de liaison offert à des patients hospitalisés dans des services généraux et souffrant de problèmes psychiques puisse se poursuivre.

Biographie de l'auteur

Ulrike Ehlert

Dr. rer. nat. Ulrike Ehlert, geb. 1960, Studium der Psychologie und Soziologie an der Universität Trier. Dipl. -Psych. 1984 an der Universität Trier, Promotion 1988, Verhaltenstherapeutin und Supervisorin. Seit 1988 wissenschaftliche Mitarbeiterin an der Universität Trier, Forschungszentrum für Psychobiologie und Psychosomatik. Leiterin der Verhaltensmedizinischen Dienste der Universität Trier am Herz-Jesu-Krankenhaus und dem Mutterhaus der Borromäerinnen, Trier. Forschungsschwerpunkte: Verhaltensmedizinische Konsiliar-Liaison-Arbeit am Allgemeinkrankenhaus, psychoendokrinologische Untersuchungen in der Gynäkologie und Geburtshilfe.

Korrespondenz: Dr. rer. nat. Ulrike Ehlert, Forschungszentrum für Psychobiologie und Psychosomatik, Universität Trier, Friedrich-Wilhelm-Straße 23, D-54294 Trier 

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Publiée

1997-04-01

Comment citer

Ehlert, U. (1997). Mise en œuvre de projets de recherche sur le travail de consultation et de liaison accompli en faveur de patients souffrant de troubles psychiques dans des services hospitaliers généraux. Science psychothérapeutique, 5(2), 73–85. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/614