La structure des doctrines relatives à la psychologie des profondeurs

Résumé

Il parait utile d’élaborer un modèle de la structure globale des doctrines relatives à la psychologie des profondeurs, qui puisse être utilisé comme base au moment de faire le point sur l’état de la psychothérapie pratiquée par les différentes écoles. Le modèle doit permettre d’analyser les théories et concepts compris dans ces doctrines, de les étudier, de les comparer et de les débattre sans devoir les enfermer d’avance dans un carcan qui ne correspondrait pas à leur nature.

Nous prétendons que:

(1) les doctrines relatives à la psychologie des profondeurs sont des sciences du sujet. Le sujet humain établit avec les objets et les êtres plus que des rapports dans l’espace et le temps. Au moment de développer ces rapports il leur attribue une signification donnée, fondée sur ses propres expériences subjectives et donc différente de celle élaborée par tous les autres sujets. Le sujet prend position par rapport à lui-même et à son environnement et il est capable de prendre des décisions et d’en assumer la responsabilité. Il est l’origine même de sa forme particulière d’existence. Il s’agit là d’une dimension que les sciences objectives négligent, car elles la considèrent comme sans importance du point de vue de la manière dont l’être humain se présente: l’unicité et la spécificité du sujet, la manière singulière dont il pense et agit, parle et ressent, qui le distingue d’autres sujets et fait qu’il demeure en bonne santé ou tombe malade.
(2) Les doctrines relatives à la psychologie des profondeurs soutiennent des hypothèses concernant la contribution psychique inconsciente (subliminale) apportée personnellement par les sujets aux processus de perception et aux stratégies d’action. Au moment de percevoir, de vivre et d’agir dans le monde, taus les sujets apportent des données relevant de leur propre expérience, bien qu’inconscientes; dans ce sens, leur monde est toujours spécifiquement subjectif.
La psychologie des profondeurs considère que corps et esprit forment une unité. Elle examine les influences de processus psychiques subliminaux sur le vécu et l’action, sur le conscient et le corps de l’homme. Ces contributions individuelles subliminales doivent être interprétées, du fait que les interactions entre humains peuvent aussi être vécues, remémorées, élaborées et perçues de manière différente que ne l’avait d’abord fait le sujet - il s’agit là d’une prémisse intégrée dans toutes les doctrines relatives à la psychologie des profondeurs; cet aspect joue un rôle beaucoup plus important au niveau de la psychothérapie et de l’éducation que la nation de qualités humaines qui seraient innées et donc immuables.
(3) Les doctrines relatives à la psychologie des profondeurs décrivent des rapports constitutifs du sujet à lui-même, à autrui et au monde. Elles décrivent la genèse et la signification des relations uniques qu’entretiennent les sujets avec leur environnement, considérant ces relations comme capables d’évoluer.
Pour s’orienter, le sujet doit disposer d’une cosmologie. Toute cosmologie contient, implicitement ou explicitement, une image de l’homme qui lui correspond et la complète. L’image de l’homme élaborée par le sujet est toujours un énoncé relatif à d’autres hommes. Par contre, l’image que le sujet a de lui-même comprend des énoncés du/sur le sujet, relatifs à la manière unique dont il pense, ressent et agit. La manière dont il conçoit le monde et les impératifs guidant son action se fondent sur sa perception subjective de la rationalité et de l’utilité de ce qu’il voit et fait, pour lui-même surtout.
(4) Les doctrines relatives à la psychologie des profondeurs formulent également des hypothèses sur les rapports qui existent entre ce que le sujet exprime (observable) et communique, et ses motifs.

Les psychothérapies menées selon les principes soutenus par les doctrines relatives à la psychologie des profondeurs se fondent

(a) sur les théories élaborées par ces doctrines pour expliquer un événement donné singulier en fonction de leurs propres hypothèses globales;
(b) les énoncés observables et communiqués du sujet qu’elles ont à comprendre; ces énoncés doivent être mis en rapport avec des concepts théoriques;
(c) les conclusions qui doivent être tirées de (a) et (b). Ces dernières indiquent comment interpréter l’action, le comportement, la pensée et les sentiments d’un sujet donné en tant que produits de motifs individuels et particuliers.

(5) Pour expliquer les rapports du sujet à lui-même et au monde, les doctrines relatives à la psychologie des profondeurs utilisent la méthode de l’autoréflexion du sujet.
Au niveau conscient, des perceptions contenues dans l’espace et le temps concernant des objets et des individus sont associées à une appréciation, à des émotions et à des motifs. Des expériences sont analysées dans le contexte d’un discours, c’est-à-dire que les événements dont le sujet se souvient sont examinés du point de vue de leur contenu en information, du rapport logique entre choses et individus et des sentiments, appréciations et motifs qu’il perçoit comme synchrones étant mis en évidence. Leur signification par rapport à l’opinion que le sujet a de lui-même, d’autrui et du monde est rendue consciente. On demande au sujet se pensant lui même de réfléchir, de se souvenir, de faire des associations, de comparer dans un esprit critique, d’exploiter sa liberté psychique, de résoudre ce qui a été reconnu comme problématique et de tenter progressivement d’élaborer et de mettre en œuvre une manière de vivre correspondant mieux à ses propres besoins et aux règles du jeu de la société.
(6) Ce noyau logique de toutes les doctrines relatives à la psychologie des profondeurs peut également être exprimé en formules structurelles exprimant des contenus objectifs observables.