Le traitement de patients gravement traumatisés -l'approche psychanalytique

Résumé

Plus le traumatisme est grave et plus ses conséquences seront dramatiques au niveau de la relation suivante : globalité des affects traumatogènes et intensité des conflits, donc importance des mécanismes de défense et des contenus des résistances, donc archaïsme et dureté du sur-moi, donc intensité des fantasmes et tendances masochistes et narcissiques, et finalement intensité des trois fondements du processus névrotique impliquant compulsion, globalité et polarisation.

Par ailleurs, une traumatisation importante exige que les conflits inconscients soient abordés de manière indirecte : partant des conflits conscients ou pré des connections avec des fantasmes largement inconscients, le thérapeute tente d’aider le moi (observant) du patient à établir une relation avec des conflits intérieurs inconscients, mais essentiels d’un point de vue dynamique : c’est par leur biais qu’il sera possible d’intégrer les traumatismes et les affects traumatogènes. Lors de cette démarche, il s’avérera que le « déficit » dont souffre le patient est dû à la dominance des affects traumatogènes et de leur manifestation sous forme de conflits intérieurs insolubles.

On constate que le vécu des patients souffrant de graves névroses a presque toujours été marqué d’importants traumatismes, dont les effets sont devenus chroniques. En général, les principaux traumatismes n’ont pas été refoulés et la tâche centrale du psychanalyste n’est donc pas de traiter des amnésies relatives aux événements traumatiques. Il va plutôt aider le patient à verbaliser les affects et désirs, donc les conflits intérieurs qu’ils ont provoqués et qui sont demeurés largement inconscients. A ce niveau, ce sont les liens entre des contenus psychiques, ainsi que des évolutions, séquences et équations mentales qui permettront de placer le vécu intérieur dans un contexte plus large et de lui donner sens.

Un grave trouble de la régulation affective - qui résulte par définition d’un traumatisme - produit la séquence archaïque suivante :
1) sur stimulation par un événement vécu comme traumatique et insupportable, face auquel on se sent impuissant et donc contraint à la passivité ;
2) émotions violentes et conflictuelles, accompagnées de l’expérience du sentiment de « ne pas pouvoir tenir le coup » ;
3) d’être avalé, dévoré - donc images associées à l’oralité ;
4) d’excitation sexuelle et
5) de fantasmes agressifs ainsi que de violence, de cruauté.

L’équation archaïque entre tourmente d’émotions traumatiques, sexualisation et agression incite le surmoi à prendre des mesures draconiennes, sous forme de sentiments indifférenciés de culpabilité et de honte qui envahissent tout le psychisme.

Il y a menace existentielle dès lors que l’individu risque de perdre le contrôle de ses affects, c’est-à-dire que la régulation affective ne fonctionne pas et que des affects globaux - mais contradictoires - sont en conflit. Ceci renforce son sentiment d’impuissance absolue, de fragmentation et de dissociation et provoque donc une spirale faite de peur et de honte archaïques.
En résumé, pour comprendre les névroses graves il faut saisir les rapports entre, d’un coté, le traumatisme et les affects globaux et donc inconciliables qu’il provoque et de l’autre le conflit intérieur et les mécanismes de défense indifférenciés qui en résultent, y compris les exigences absolues posées par le sur-moi.