Envisager la souffrance des enfants comme un défi politique

Résumé

Cet article présente les résultats d’une recherche sur les conséquences à long terme de la guerre sur les enfants et propose des réflexions sur le soutien des enfants confrontés à des problèmes extrêmes, également dans des sociétés développées.

Une analyse empirique menée en Erythrée se trouve au cœur de cette étude : 30 Erythréennes et Erythréens nés pendant la guerre ont été interrogés et ont livré leur interprétation personnelle de la guerre et de l’après-guerre. L’analyse de ces interviews a été effectuée sur la base de la théorie du traumatisme séquentiel développée par Hans Keilson (2005) qui conseilla des enfants juifs persécutés après la Seconde Guerre Mondiale, et a été reprise par David Becker (2004, 2006) qui apporta une aide psychologique aux victimes de tortures sous le régime de Pinochet au Chili. Cette théorie est applicable dans divers contextes avec un potentiel de traumatisme spécifique, dans lequel résident les causes d’une souffrance psychique individuelle.

L’analyse menée en Erythrée a confirmé qu’il existe un lien évident entre les symptômes psychiques (peurs intenses, souffrances extrêmes, maladies physiques, etc.) et la violence qui résulte de la guerre, la destruction et la pauvreté, même si ces symptômes ne sont reconnus que 20 ans plus tard. Il a également clairement été démontré que les phases d’après-guerre, de par leurs conséquences psycho-sociales et économiques et une transformation sociale rapide, possèdent un potentiel de traumatisme spécifique et souvent sous-estimé.

L’âge et le degré de maturité des enfants confrontés pour la première fois à une violence extrême sans aucune protection sont des facteurs déterminants, aussi bien chez Keilson que dans le groupe érythréen. Il est apparu qu’une guérison totale après une confrontation précoce à une violence politique et la peur de la mort qui en résulte est impossible.

Cependant, un soutien psycho-social précoce a permis à un grand nombre de victimes de devenir des adultes capables d’agir de façon individuelle et de s’engager au niveau social dans une réalité pour le moins difficile. Les éléments qui se sont révélés bénéfiques pour le développement de leur personnalité furent en premier lieu : la création d’une sécurité au moins relative dans une dimension physique ainsi que sociale et émotionnelle, l’expérience d’une cohésion sociale et de relations réciproques également dans des contextes de guerre, l’incitation à l’apprentissage, une estime socioculturelle dominante pour les enfants, ainsi que la médiation vivante et adaptée en fonction de l’âge d’un espoir politique pour un avenir meilleur.

En conclusion, l’article présente un des programmes de soutien aux enfants connu dans de nombreux pays africains, le programme Early Childhood Care and Development, orienté vers les familles et leurs enfants, du plus jeune âge jusqu’à leur entrée à l’école. Grâce au conseil en éducation intégré apporté aux parents et défini par l’expression parenting enrichment, la favorisation de réseaux sociaux et la participation des groupes cibles, il est possible, malgré la faiblesse des ressources, d’intégrer un grand nombre de familles confrontées à des situations difficiles.

Des programmes aux composantes similaires pourraient également être instaurés dans des pays développés pour encourager la responsabilité politique au niveau social et familial, afin de pouvoir agir en faveur des enfants face aux crises économiques mondiales, à la pauvreté croissante et à la souffrance psychologique.