Un vécu corporel. La thérapie par le mouvement concentré en clinique psychiatrique

Auteurs

  • Karin Schreiber-Willnow

Résumé

En Allemagne, certaines cliniques offrant des traitements psychothérapeutiques ont regroupé différents éléments en une approche thérapeutique intégrée. Cette dernière inclut très souvent une thérapie par le mouvement concentré (TMC), à savoir une forme de thérapie corporelle qui est appliquée soit en setting individuel, soit en groupe. La présente étude a visé à développer plus avant la recherche s’intéressant aux groupes de TMC; nous présentons les résultats d’un premier travail clinique.

Nous exposons un cas illustrant la manière dont procède la TMC: dans le cadre d’un groupe, une patiente remet en scène son sentiment d’être déchirée entre ses parents divorcés. Elle se vit comme attirée à tour de rôle par deux autres membres du groupe, dont l’un représente la fierté de son père et l’autre le souci que sa mère se fait pour elle. Elle découvre
qu’elle craint encore de devenir indépendante en exerçant une profession. Durant les séances qui suivent, elle parvient à prendre sa propre décision.

La description de ce cas met en évidence les idées fondant la TMC: au sein du groupe, c’est une attention portée aux perceptions et vécus corporels, ainsi qu’à la signification symbolique du mouvement, des gestes et des actions qui occupe une place centrale, le tout étant perçu en fonction de données biographiques personnelles. Un aspect essentiel de la TMC de groupe est la verbalisation du vécu corporel, qui permet de le transformer en une représentation verbale sur laquelle il est possible de travailler.

L’étude clinique examine les facteurs permettant à la TMC d’avoir des effets. Partant des résultats publiés par Yalom (1989), qui a défini 12 facteurs actifs dans diverses thérapies de groupe, nous considérons que ceux-ci doivent se retrouver dans les groupes de TMG. Nous proposons une hypothèse selon laquelle le fait qu’en TMC les patients ont accès à leur corps et à leurs propres sensations, représente un facteur spécifique. Nous présentons ensuite un aperçu de travaux empiriques plus anciens, concernant la TMG.

Structure et résultats de l’étude clinique

L’étude concerne 12 patients hospitalisés dans une clinique psychosomatique. Ils ont été traités selon un concept intégré par le biais de thérapies individuelles et de groupe, groupes TMC compris. Du point de vue du diagnostic, le groupe compte (selon l’ICD 9) 25% de troubles névrotiques, 40.3% de troubles de la personnalité, 16.1°% de troubles fonctionnels d’origine psychique, 6.9% de troubles de l’alimentation, de la douleur ou du sommeil, 6.9% de troubles de l’adaptation, 2.8°% de somatopsychoses et 1.4°% de psychoses. En moyenne la durée du traitement est de 93.8 jours (s = 24.9 jours).

Le succès du traitement est analysé à cinq niveaux : symptômes (SCL-90), problèmes interpersonnels (IIP-D), structure de la personnalité (GT), manière dont les patients considèrent avoir atteint leurs objectifs et évaluation globale par le médecin. Ces critères sont associés pour calculer un taux de succès (split médian , modifié). Le résultat est positif pour 32 et moins positif pour 40 patients.

Les modifications du vécu corporel typiques de la TMC sont saisies par le biais d’un questionnaire individuel (évaluation du propre corps / FBeK) et d’un questionnaire adressé au groupe (expérience du groupe / GET TMC). Elles sont ensuite comparées pour les deux catégories de patients ci-dessus.
En début de traitement les deux groupes manifestent le même niveau de perception corporelle; mais en fin de traitement, cette perception s’est améliorée de manière significative chez les patients pour lesquels la thérapie a été positive sur le plan clinique.

En cours de thérapie et en particulier durant la deuxième moitié du traitement, ces derniers sont mieux à même d’accéder à leur vécu corporel et de décrire leurs sensations ; un processus d’apprentissage leur permet de mieux comprendre ce qui se passe. Ils se sentent aussi plus confiants et leur sentiment de bien-être corporel s’est amélioré. Ces progrès ne sont pas enregistrés chez les patients pour lesquels la thérapie a eu moins de succès.

La durée du traitement constitue un facteur important: lorsqu’elle est courte (moins de 10 semaines) les effets mentionnés plus hauts ne se manifestent pas (encore).

En allemand, le mot «der Leibhaftige» (littéralement: ‘celui qui est incarné’) désigne le diable. Le Christianisme et l’attitude négative qu’il a adopté pendant des siècles envers le corps (et les femmes) sont responsables de l’association corps = diable. Gr, la rencontre avec le corps ne peut avoir lieu que si elle est vraiment vécue - au lieu de se dérouler à un niveau spirituel ou intellectuel. Concernant la thérapie, elle peut mener à l’intégration d’éléments dissociés ou réprimés au niveau du corps qui se manifestent alors sous forme de symptômes. A partir du moment où le patient a la possibilité de découvrir et de nommer ces éléments, ils cessent d’être symptômes pour acquérir une signification dans sa biographie. Dans ce sens, en tant qu’approche corporelle intégrée dans un contexte clinique, la TMC peut apporter une contribution salutaire.

Biographie de l'auteur

Karin Schreiber-Willnow

Dr. rer. medic. Dipl.-Math. Karin Schreiber-Willnow, wissenschaftliche Mitarbeiterin und Therapeutin für Konzentrative Bewegungstherapie an der Rhein-Klinik Bad Honnef. Forschungsschwerpunkte: stationäre Gruppentherapie, KBT. Mitglied im DAKBT, DKPM.

Korrespondenz: Dr. rer. medic. Karin Schreiber-Willnow, Rhein-Klinik, Krankenhaus für Psychosomatische Medizin und Psychotherapie, Luisenstraße 3, D-53604 Bad Honnef

Téléchargements

Publiée

2001-04-01

Comment citer

Schreiber-Willnow, K. (2001). Un vécu corporel. La thérapie par le mouvement concentré en clinique psychiatrique. Science psychothérapeutique, 9(2), 86–96. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/502