Quelques expériences faites dans le cadre de la filière propédeutique

Auteurs

  • Elisabeth Jandl-Jager

Résumé

La loi fédérale [autrichienne] sur la formation en psychothérapie (1991) a défini un parcours obligatoire de qualification. Depuis, la formation se fait en deux parties : d'abord une filière propédeutique en psychothérapie, puis une formation spécialisée. Seules les personnes ayant terminé la deuxième partie sont autorisées à pratiquer. Dans le commentaire de la loi, l'exigence d'une filière propédeutique est justifiée par la nécessité de placer à un même niveau de qualification spécifique tous les groupes admis à la formation en psychothérapie ; or, ceux-ci sont issus de différentes disciplines et il faut donc établir un niveau de base uniforme. La filière propédeutique enseigne les compétences de base pertinentes et cela qualifie les candidats qui veulent suivre la formation dans un courant psychothérapeutique donné.

En Autriche, la formation professionnelle des psychothérapeutes a ceci de particulier qu'elle présuppose une autre formation - dans une « profession de base». Ceci implique qu'elle est considérée comme une sorte de deuxième « pilier professionnel » (Kryspin-Exner, 2001). La filière propédeutique comprend 765 heures d'enseignement théorique et 550 heures d'enseignement pratique. Un stage pratique doit permettre aux futurs thérapeutes d'entrer en contact aussi tôt que possible avec le domaine dans lequel ils travailleront ; il doit également être l'occasion pour le candidat d'établir des liens entre la théorie et la pratique et d'évaluer sur cette base ses propres capacités et motifs. La partie pratique de la filière propédeutique inclut un minimum de 50 séances d'expérience sur soi (en setting individuel ou en groupe). Cette dernière doit permettre aux participants de développer leur capacité à l'introspection et de faire l'expérience sur eux-mêmes de la méthode psychothérapeutique. Sont également exigées 480 heures de stage pratique dans une institution accueillant des personnes souffrant de troubles psychiques ou du comportement. En parallèle, ce stage doit être supervisé, ce qui permet aux candidats de réfléchir aux expériences et vécus provoqués par le travail, de les gérer et de devenir conscients de leurs propres réactions.

En janvier 2002, 15 filières propédeutiques avaient été homologuées par le Ministère fédéral de l'action sociale (BMSSG). Six filières sont offertes par des associations à caractère privé (dont cinq associations professionnelles), cinq filières se déroulent dans le cadre d'universités et trois sont gérées par des responsables de droit public (Landesakademie Niederösterreich, Arbeiterkammer Salzburg, Schloss Hofen Vorarlberg). En Autriche, il n'est pas possible d'acquérir un diplôme de psychothérapie à l'université.

En 1997 et en collaboration avec 10 des 13 organes homologués a l'époque, une évaluation des filières a été menée. Les premières filières avaient été lancées au printemps 1992. Un peu plus de cinq ans plus tard, il sembla utile d'effectuer une première synthèse. Les indications ci-dessous se réfèrent à cette évaluation.

A l'époque, l'objectif du projet était d'élaborer un premier aperçu sur les participants (y compris ceux qui avaient terminé la filière et ceux qui l'avaient quittée). Il s'agissait aussi de collecter des données devant permettre d'améliorer la formation et de comparer son évolution avec les intentions définies par la loi.

Méthode
Avec le soutien des responsables de filières, quatre groupes de personnes ont reçu par la poste un questionnaire structuré : participants, personnes ayant terminé la filière, personnes l'ayant quittée ou interrompue et enseignants. Un rapport final concernant l'ensemble de l'enquête fut publié (Jandl-Jager et al. 1998). Le taux de renvoi du questionnaire se situa entre 31 % et 47%.

Données démographiques concernant les participants : presque 4/5 d'entre eux sont des femmes. Le groupe des 25-34 ans représente 56% du total, celui des 35-39 ans 18%. Données démographiques concernant les diplômés : il y a 75% de femmes et 25% d'hommes, ce qui signifie que proportionnellement, plus d'hommes terminent la filière. La proportion des 25-34 ans s'élève à 47.5%, celle des 35-39 ans à 24%. Les diplômés sont donc en moyenne un peu plus âgés.

Motifs pour suivre la filière : une large proportion (71.5% et 63%) de ces deux groupes mentionne le motif «développement personnel », suivi d'un besoin de réorientation professionnelle (48% et 45%), et en particulier de l'acquisition de meilleures qualifications dans le domaine pratique (42% et 51%). L'aspect« expérience sur soi » est considéré comme important par le quart de ces deux groupes. Par contre, la perspective d'une amélioration des chances professionnelles et des revenus ne joue aucun rôle. Les 65% des participants considèrent que les coûts de la filière représentent une charge importante, 47.5% des diplômés disent la même chose de manière rétrospective mais tendent à considérer ces coûts comme justifiés. Plus de la moitié des enquêtés appartenant a ces deux groupes investissent plus de dix heures par semaine dans leurs études.

Évaluation des contenus de la filière : une bonne partie de l'enquête fut consacrée à cet aspect, y compris la valeur attribuée par les répondants aux différents contenus. L'aspect souhaité «expérience sur soi» se reflète au niveau des objectifs fixés par les enseignants. Des visées comme l'enseignement de la capacité a la réflexion, a l'empathie et a la stabilité personnelle se trouvent en tête de classement. A l'autre bout de l'échelle se trouvent des contenus comme l es principes de base de la réhabilitation et la méthodologie scientifique.

Évaluation de la filière dans son ensemble : 42.5% des participants (et 48% des diplômés) considèrent qu'elle a de la valeur (8.5% et 6.5% sont d'avis contra ire).

Discussion des résultats
La loi sur la psychothérapie visait à permettre un large accès à la formation en psychothérapie ; cet objectif semble avoir été atteint. Elle voulait aussi que s'établissent de bonne heure des contacts avec le domaine pratique et professionnel, ce qui correspond tout a fait aux souhaits des participants, des diplômés et des enseignants. Tous les enquêtés attribuent une valeur prioritaire aux parties pratiques de la filière. Les objectifs d’apprentissage comme la capacité a la réflexion, a l'empathie, ainsi que la stabilité - qui tous font partie du développement de la personnalité - sont atteints avant tout par le biais de l'expérience sur soi et de la supervision. Environ un participant ou diplômé sur quatre avait déjà fait une psychothérapie personnelle avant de suivre la filière ; leurs motifs étaient donc plutôt de pouvoir suivre la formation spécialisée. La haute proportion de femmes (75-80%) s'est établie durant une période de dix ans ; en Autriche, la psychothérapie est une profession de femmes (Jandl-Jager et Stumm, 1988). Plus de 26% des diplômées de la filière projettent de suivre une formation spécialisée, alors que 2% sont sûres de ne pas le vouloir. De celles qui suivront une formation spécialisée, 67% souhaitant le faire immédiatement. Il semble qu'il y ait une forte proportion de personnes qui ne sont pas sûres de ce qu'elles veulent faire. Selon les renseignements fournis par les responsables de formations spécialisées, moins de 67% des personnes ayant suivi la filière propédeutique continuent. Il semble en fait que la filière propédeutique corresponde à une formation de base dans le domaine psychosocial qui ouvre aux participants d'autres options que celle de la formation spécialisée en psychothérapie. Au moins un tiers des participants et diplômés l'utilise comme base pour pratiquer d'autres activités. Concernant une partie des participants et diplômés, il semble dès lors que la filière ne remplit pas son rôle de première partie de la formation en psychothérapie. Par contre, elle semble satisfaire ces deux groupes en leur offrant une phase d'expérience sur soi et de réflexion sur leurs objectifs professionnels.

Biographie de l'auteur

Elisabeth Jandl-Jager

Elisabeth Jandl-Jager, Soziologin, Ordentliches Mitglied der ÖGwG und des Wiener Arbeitskreises für Psychoanalyse, a.o. Univ.-Prof. an der Universitätsklinik für Tiefenpsychologie und Psychotherapie.

Korrespondenz: Prof. Dr. Elisabeth Jandl-Jager, Universitätsklinik für Tiefenpsychologie und Psychotherapie, Währinger Gürtel 18-20, A-1090 Wien

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Publiée

2002-10-01

Comment citer

Jandl-Jager, E. (2002). Quelques expériences faites dans le cadre de la filière propédeutique. Science psychothérapeutique, 10(4), 189–194. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/446