Nationalisme, xénophobie et violence - expressions de la crise de l'adolescence

Auteurs

  • Werner Bohleber

Résumé

Au moment de la puberté, le psychisme de l'adolescent est soumis à des transformations fondamentales. Celui-ci doit se détacher émotionnellement de ses parents, intégrer sa sexualité dans son image de soi et partir à la recherche d'un objet au sens psychanalytique du terme. Lors de cette phase, il peut arriver que des phantasmes incestueux ou agressifs et même des pulsions meurtrières envahissent le conscient. L'adolescent doit alors trouver une manière de les gérer de sorte que seules les pulsions incestueuses seront refoulées, alors que le reste de sa sexualité s'exprimera librement en rapport avec d'autres objets. Il faut aussi qu'il se détache de l'autorité des parents, ce qui implique qu'il renonce à idéaliser les images parentales sans toutefois les rejeter entièrement. Il faut que le « meurtre des parents » demeure symbolique.

Le psychisme de l'adolescent est exposé à de nombreux risques tout au long de cette démarche d'intégration et de formation d'une identité ; celle-ci peut donc aboutir dans un cul-de-sac ou dans une rupture du développement, accompagnée d'actes destructeurs envers autrui ou envers soi-même. Il arrive souvent que différents aspects du soi soient présents en une cohabitation pleine de contradictions. De nouvelles pulsions sexuelles violentes ou agressives et des introjections associées à un sentiment de haine ne sont pas encore entièrement intégrées dans l'image de soi. L'adolescent souffre de sentiments extrêmes d'aliénation et de solitude ; son narcissisme lui offrirait un refuge et un moyen de se stabiliser, mais cette solution ne peut durer.

Au moment de la transformation de la personnalité qui se produit lors de la puberté les interactions entre le développement personnel et la structure sociale jouent un rôle particulièrement important. Les frontières entre le monde intérieur et le monde extérieur deviennent à nouveau perméables. En vue de surmonter les contradictions et les conflits, le moi de l'adolescent tend à externaliser et à projeter des éléments psychiques (soi, introjections, sur-moi et idéal du moi) sur des objets extérieurs. Les conflits et phantasmes inconscients sont alors concrètement mis en scène jusqu'à ce que des solutions soient trouvées. Dans ce sens, les adolescents agissent souvent pour des raisons qui n'ont que peu de rapport avec l'action en soi. Ceci s'applique également aux phénomènes de violence qui sont observés à cet âge. Cette dernière peut avoir pour fonction de projeter sur un objet extérieur des aspects faibles, méprisés ou impotents du psychisme pour les détruire (en exerçant de la violence à l'égard de la victime), ce qui permet à l'adolescent de s'en libérer et de maintenir une image de force. Si ces processus de constitution d'une identité ne sont pas arrêtés, l'adolescent va perdre tout contact avec les contenus correspondant aux projections. Le vide intérieur qui en résulte devra alors être comblé artificiellement - c'est à ce niveau qu'interviennent les idéologies de groupe et en particulier les idéologies politiques radicales encourageant la xénophobie et l'idéalisation de la patrie. Nous présentons un cas qui illustre bien la fonction que peut avoir l'identification à un objet idéalisé (la nation) pour un adolescent dont l'évolution est bloquée. Le nationalisme permet de projeter sur l'Autre des peurs et des conflits intérieurs ; il permet aussi de satisfaire à des phantasmes inconscients dans le sens où il fait de la nation une « communauté imaginaire» (B. Anderson). Il s'exprime par le biais de métaphores en rapport avec des idéaux et avec le corps, soulignant la notion de communauté ethnique ou nationale. Il utilise toute une série de symboles qui semblent résoudre les problèmes d'identité politique et sociale, ou du rapport entre l'intérieur et l'extérieur, ainsi que ceux qui sont associés aux questions de frontières (du moi), de pureté, d'homogénéité, etc. Nous présentons en détail l'un de ces systèmes symboliques qui, bien que relevant du phantasme, permet de répondre au besoin de sécurité et aux tendances à la concurrence qui s'exacerbent au moment de l'adolescence. La dernière partie de l'article traite de la notion de limites et du rôle que pourraient jouer les institutions sociales. Leur fonction de repères et de soutien est particulièrement importante au moment où les crises de la puberté menacent de « dérailler» dans la violence prônée par les mouvements d'extrême droite.

Biographie de l'auteur

Werner Bohleber

Werner Bohleber, geb. 1942, Dr. phil., Dipl.-Psych., Psychoanalytiker in eigener Praxis, Lehranalytiker der Deutschen Psychoanalytischen Vereinigung (DPV). Herausgeber der Zeitschrift PSYCHE. Wissenschaftliche Arbeiten zu Adoleszenz und Identität, zur psychoanalytischen Erforschung der nationalsozialistischen Vergangenheit, zu Fremdenhass und Antisemitismus, zur Traumaforschung.Letzte Buchveröffentlichungen: Adoleszenz und Identität (Stuttgart 1996); mit Sibylle Drews (Hrsg.), Die Gegenwart der Psychoanalyse - die Psychoanalyse der Gegenwart (Stuttgart 2001).

Korrespondenz: Dr. phiI . Werner Bohleber, Kettenhofweg 62, 60325 Frankfurt 

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Publiée

2003-10-01

Comment citer

Bohleber, W. (2003). Nationalisme, xénophobie et violence - expressions de la crise de l’adolescence. Science psychothérapeutique, 11(4), 182–190. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/416