Pour une éthique des contacts corporels

Résumé

Sachant que j'ai d'abord été formé à l'analyse classique, il est logique que je parte d'une réflexion sur la position psychanalytique pour élaborer des propositions concernant une éthique des contacts physiques en psychothérapie corporelle. Mais nombre d'entre elles sont valides à un niveau plus global pour toutes les thérapies corporelles incluant la notion d'inconscient. Il reste clair qu'en psychothérapie corporelle de type analytique la relation, y compris ses aspects inconscients, joue toujours un rôle central ; toutes les formes de contact physique, et même la simple suggestion que ce contact serait possible, doivent toujours se dérouler en prenant en compte les rapports de transfert et de contre-transfert. C'est ce qui distingue la psychothérapie corporelle analytique des autres formes de travail sur le corps, dans lesquelles l'acte concret et le toucher sont inclus des le début dans le setting thérapeutique et sont offerts sans que l'on tienne compte de l'état de la relation. C'est pourquoi je crois que cet aspect n'est pas géré de la même manière selon le courant même si, à la base, les praticiens sont d'accord pour suivre les mêmes principes éthiques. L'inclusion de contacts corporels exige une certaine discipline et de l'expérience ; elle requiert surtout que le thérapeute soit ancré de manière stable dans ce que j'appelle le «corps parental » : il doit être confiant dans ses propres réactions ; il ne doit pas agir par besoin personnel ; il doit respecter la dignité du patient et ne doit jamais le prendre au dépourvu. Il faut en outre qu'il sache quelles réactions sont prévisibles de la part du patient et qu'il prenne soin de s'assurer que ses propres touchers comme les réactions du patient soient verbalisés et discutés.

De nombreux ouvrages ont déjà été publiés sur les formes les plus basiques des abus sexuels, agressifs ou narcissiques, ainsi que sur l es problèmes d'ordre éthique et juridique qui y sont associés. C'est pourquoi, dans la seconde partie de l'article, je me centre sur des formes moins claires, plus quotidiennes, de rapports à gérer en tenant compte d'une éthique de la psychothérapie ou de la psychanalyse. Par exemple, la question de savoir que faire lorsqu'une cliente tombe amoureuse de son thérapeute ; au début, elle le fait «dehors», de sorte qu'il puisse ensuite s'agir soit d'une mise en scène, soit de l'expression de nouveaux potentiels existentiels -et souvent d'un mélange complexe de ces deux aspects.

Des questions similaires se posent sur le plan éthique lorsque « dehors », un patient a des comportements nuisibles envers d'autres personnes ou des institutions, ou qu'il se comporte de manière autodestructrice. Notre neutralité bien intentionnée peut alors être mise à dure épreuve et il peut arriver qu'au lieu de dispenser des interprétations, nous nous retrouvions dans l'obligation de lui adresser des avertissements ou même des interdictions, ou encore de le faire hospitaliser en psychiatrie.

L'analyste qui n'a aucune expérience de l'utilisation des contacts corporels tend à considérer ces derniers comme des « attouchements » (y compris les implications sexuelles de ce mot) et à y voir une érotisation ou une sexualisation de la relation thérapeutique.

De nombreux patients, et surtout ceux qui ont été élevés dans une atmosphère où le corps n'avait pas sa place, ont également peur des contacts physiques qu'ils imaginent obligatoirement sexuels ; ils sont très surpris lorsqu'ils constatent qu'en fait, ces contacts les ramènent à des phases non résolues de leur enfance.