Les rapports entre le contrôle conscient et inconscient du comportement

Auteurs

  • Gerhard Roth

Résumé

Selon une conception traditionnelle, le conscient, l'intellect et la raison guident pour l'essentiel les actions de l'homme ; or, le comportement humain est en fait largement défini par l'inconscient. D'un point de vue neurobiologique et psychologique, ce dernier contient en son centre les structures psychiques de base qui déterminent notre caractère et notre personnalité. Ces traits fondamentaux sont en partie déterminés par des aspects génétiques et en partie le produit de la petite enfance (ou même de la phase prénatale) ; il est relativement difficile de les modifier à l'adolescence ou à l'âge adulte. Ils sont avant tout associés au système limbique et ce dernier commence à fonctionner dès la septième semaine de la grossesse.

Les principales structures cérébrales associées à ce système, soit l'amygdale cérébelleuse et l'hippocampe, forment un centre utilisé par le cerveau pour attribuer différentes valeurs aux expériences. Ce système évalue tout ce qui nous arrive pour définir si nous avons éprouvé du plaisir ou vécu une expérience positive - nous chercherons alors à le répéter -, ou si cela a provoqué des désavantages ou de la souffrance - et doit donc être évité à l'avenir. Ces différentes évaluations sont ensuite stockées dans une mémoire des vécus affectifs. C'est par le biais de ce mécanisme que se constitue ce qu'on appelle le caractère ou la personnalité, ceci très tôt dans la vie et de manière largement pré-consciente ; avec le temps, cette mémoire affective développe une résistance croissante contre de nouveaux vécus. Cela ne veut pas dire que notre caractère est fixé dès que nous avons trois ans ; simplement qu'avec l'âge, les « investissements» requis pour le modifier ne font que croître.

Les centres limbiques ne sont pas en mesure de saisir rapidement des situations complexes. C'est pourquoi le cortex est toujours activé lorsqu'il s'agit d'enregistrer consciemment des quantités importantes de données - surtout si celles-ci relèvent de différents modes, ou que des événements doivent être analysés en détail et dans toute leur complexité temporelle. Il en va de même lorsqu'il s'agit de connecter différents contenus de la mémoire et de planifier des actes compliqués associés à de nouvelles situations, avec une nécessité de prévoir rapidement leurs conséquences. Notons toutefois que le cortex ne joue que le rôle de «conseiller» et qu'il ne prend pas de décisions. C'est le système limbique qui gère en priorité le comportement puisque c'est à ce niveau que naissent les souhaits, que s'élaborent des plans et des objectifs et que le pas est franchi entre décision et concrétisation d'une action spécifique.

Quatre énoncés fondamentaux formulés par Freud sont globalement confirmés par les résultats des travaux menés par les neurosciences : (1) l'inconscient contrôle le conscient plus fortement que l'inverse ; (2) d'un point de vue ontogénétique, l'inconscient se développe longtemps avant le conscient et c'est lui qui, très tôt, détermine les structures de base du psychisme et du vécu conscient; (3) le moi conscient ne perçoit pas - ou très peu -les déterminants inconscients de son vécu et de son action et il n'est pas capable de se modifier lui-même dans un sens thérapeutique. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'il est souhaitable d'obtenir une modification de l'état actuel le traitement doit être mené par un ou une psychothérapeute.

D'un point de vue neurobiologique, les conflits psychiques résultent d'un conditionnement affectif «défectueux» ou de vécus traumatisants conduisant à des états de souffrance psychique. Ils sont produits par des «jonctions incorrectes » dans les réseaux limbiques. En utilisant des techniques d'imagerie médicale (tomographie par émission de positons, imagerie fonctionnelle par résonance magnétique nucléaire) on peut visualiser les activités des différentes parties du système limbique sous différents états de stress psychique, comme l'expérience de moments chargés d'émotions négatives ou le souvenir d'événements traumatisants, alors même que le patient ou le sujet ne s'en souvient pas ou ne s'en souvient que très vaguement. Ces méthodes permettent aussi de démontrer que ces centres deviennent moins actifs lorsque les troubles du vécu ou du comportement dont souffrent ces personnes s'amoindrissent.

En se fondant sur les connaissances acquises par les neurosciences, on peut considérer que la psychothérapie pourrait agir de trois manières. Premièrement, elle pourrait permettre de renforcer l'influence «modératrice» du cortex cingulaire et orbito-frontal sur l'amygdale et donc rétablir un contrôle conscient des impulsions limbiques. Cette démarche ne permet pas de modifier les réseaux du système limbique et leurs «jonctions», mais elle atténue leurs effets négatifs sur le comportement. Deuxièmement, la psychothérapie pourrait servir à « dénouer » ces mêmes jonctions. Selon une troisième hypothèse, en cours de thérapie des vécus émotionnels différents et plus positifs permettraient d'établir des «jonctions de substitution» qui pourraient être utilisées pour contourner les connections négatives et accéder directement au contrôle du comportement. Dans ce sens, la psychothérapie servirait à induire la formation de ces réseaux compensatoires.

Biographie de l'auteur

Gerhard Roth

Prof. Dr. rer. nat. Dr. phil. Gerhard Roth, Lehrstuhl für Verhaltensphysiologie,
Direktor am Institut für Hirnforschung der Universität Bremen, Rektor des HanseWissenschaftskollegs der Länder Niedersachsen und Bremen in Delmenhorst

Korrespondenz: Prof. Dr. Dr. Gerhard Roth, Institut für Hirnforschung, Universität Bremen, 28334 Bremen, Deutschland

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Publiée

2004-04-01

Comment citer

Roth, G. (2004). Les rapports entre le contrôle conscient et inconscient du comportement. Science psychothérapeutique, (2), 59–70. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/397