Le récit de cas en tant que nouvelle : un plaidoyer pour un concept désuet

Résumé

Ecrire est l'une des activités pratiquées au quotidien par les psychothérapeutes. Des milliers de documents (anamnèses, courrier au médecin, etc.) sont rédigés chaque année. Les priorités ont toutefois évolué au cours des dernières décennies (du moins dans les textes en langue allemande) : les données concernant la biographie et la situation sociale du patient occupent moins de place alors que les descriptions de la relation patient-thérapeute sont devenues plus longues. Cet état de faits peut être le produit des exigences constamment posées par des scientifiques selon lesquels les «récits de cas» au sens classique - qui, d'après Freud, devraient se lire comme des nouvelles - sont trop subjectifs ; il faudrait donc les remplacer par des rapports indiquant de manière aussi précise que possible ce qui s'est passé entre ce thérapeute et ce patient. Ceci permettrait d'éliminer un soit-disant arbitraire qui se retrouverait dans les dossiers médicaux rédigés comme des récits, donc de parvenir à une objectivité souhaitable en sciences sociales empiriques - ce qui ne serait pas possible avec le rapport de cas classique. Or, Freud avait déjà objecté qu'il ne fallait pas éliminer du dossier le matériel qui constitue sa base même. Mais il savait aussi très bien que la manière dont les thérapeutes travaillent fait que ceux-ci ne peuvent pas se souvenir de tout et que les dossiers ne peuvent contenir que des descriptions rédigées après les faits. Dans notre article, nous nous référons en détail à ce que Freud a écrit sur ce thème. Nous soulignons aussi que notre mémoire fonctionne sur un mode narratif et que de toute manière nous sommes contraints de faire une synthèse de tous les événements (de tous les vécus) pour en extraire une structure et donc un sens et une signification. C'est pourquoi il faudrait à nouveau considérer le « récit de cas en tant que nouvelle» comme adéquat.