Le traitement des douleurs chroniques à l'Hôpital universitaire de Zurich (résumé des interviews)

Résumé

Interview avec la doctoresse Monika Jaquenod

Les patients souffrant de douleurs chroniques sont traités de manière interdisciplinaire dans le cadre d'un service ambulatoire spécialisé.
Dans le courant d'une semaine, le patient voit un « rhumatologue spécialiste de la douleur», un « neurologue spécialiste de la douleur», un « psychiatre spécialiste de la douleur» ainsi qu'un « anesthésiste spécialiste de la douleur». Puis une table ronde est organisée à laquelle participent tous les médecins, ainsi qu'éventuellement le médecin de famille et le patient, en vue d'élaborer un concept de thérapie.
Une douleur est considérée comme chronique si elle dure plus de trois à six mois et si elle a cessé d'exercer sa fonction (la douleur aiguë sert d'avertissement).
Le traitement est avant tout médicamenteux, avec la prescription d'opioïdes et/ou d'antidépresseurs. Son objectif est d'activer le patient.
Les douleurs chroniques qui s'établissent sans qu'on puisse les connecter à une lésion organique sont en rapport avec des modifications moléculaires d'origine génétique dans le système nerveux, ainsi qu'avec des processus de sensibilisation au cours desquels une « mémoire de la douleur» s'établit. Les douleurs neuropathiques deviennent plus souvent chroniques que les autres. La douleur chronique a une dimension psychosociale. Des problèmes socioculturels graves favorisent cette évolution chronique. Tout état de douleur chronique a également une composante psychique, dont la part peut être plus ou moins importante. Il arrive souvent que les troubles douloureux somato-tropes soient à l'origine organiques. On rencontre fréquemment des «formes mixtes».
Souvent, on envoie les patients trop tard aux spécialistes de la douleur, c'est-à-dire une fois qu'ils ont déjà perdu leur travail et leur famille. Il faudrait qu'ils consultent au plus tard dans un délai d'un an après le début du trouble.

Interview avec Judith Humbel, lic. phil., et Marina Stahelin, lic. phil.

La clinique de rhumatologie offre un programme interdisciplinaire ambulatoire (AISP) du traitement de la douleur d'une durée de dix semaines. L'équipe base son travail sur une conception de type interdisciplinaire combinant les aspects biologiques et psychosociaux (elle se compose de plusieurs médecins, de deux psychologues, de quatre physiothérapeutes, d'une ergothérapeute et d'une travailleuse sociale). Les principaux objectifs du traitement sont le soulagement des douleurs et la découverte d'une manière de les gérer qui permettra aux patients de ne pas perdre leur joie de vivre. La plupart des patients souffrent déjà depuis de nombreuses années de douleurs multiples au niveau des muscles et du squelette. On pense qu'environ 80% des personnes souffrant de douleurs chroniques ont des symptômes musculaires et osseux. Nombre d'entre eux se replient sur eux-mêmes et se ménagent, ce qui renforce les douleurs. D'autres développent des stratégies exagérées et se forcent trop. Les études faites dans le domaine de la douleur ont montré qu'il existe différents facteurs psychosociaux de risque qui favorisent le passage à un état chronique : attitude envers la douleur, évitement au niveau des activités quotidiennes, questions liées à la compensation financière, dépression, vécus stressants et traumatismes antérieurs, etc. Le traitement consiste en une série de consultations auprès de différents spécialistes et en une offre d'activités de groupe : psychothérapie de groupe, physiothérapie médicale (MTT, une thérapie par le mouvement), relaxation musculaire progressive selon Jacobson, leçons de théorie (sur des questions comme : « qu'est-ce que la douleur?», « le stress ?»,
« les stratégies de coping ? », etc.) ainsi que thérapie aquatique.
Il est aussi très important d'aborder avec le patient ses comportements de loisirs et en particulier l'aspect « pacing » (de l'anglais, 'donner le rythme') ; il apprend ainsi à faire des efforts plus importants.