Douleur, affect et attachement
Résumé
Des modèles psychodynamiques très variables ont été publiés, dont les auteurs tentent de cerner la pathogenèse des syndromes douloureux somatotropes. G. Engel, l'un des premiers spécialistes à s'intéresser aux troubles psychosomatiques, a proposé le concept de la « personnalité avec prédisposition à la douleur ». Il entendait par là un trouble du développement de la personnalité caractérisé par des sentiments de culpabilité, l'inhibition des pulsions agressives et un caractère de structure masochiste. Ce concept heuristique a été remplacé ces dernières années par une description plus différenciée de différents mécanismes psychodynamiques. Cette évolution est due en partie au fait qu'il n'avait pas été possible de collecter des données empiriques confirmant qu'il existe des personnalités prédisposées.Hoffmann et Egle ont décrit dans plusieurs textes trois formes particulières de la formation des symptômes. Il s'agit de (1) la conversion, (2) la transformation de l'affect (la douleur se substitue à ce dernier) et (3) l'utilisation de la douleur en tant que « plombage » narcissique (la douleur joue le rôle de prothèse psychologique). Ces trois formes ont été dérivées de la théorie psychanalytique et peuvent être développées et complétées pour inclure les résultats des récents travaux de recherche sur les affects et l'attachement. Les douleurs de type somatotrope sont alors principalement considérées comme relevant d'un trouble de la régulation affective.
Ces dernières années les chercheurs étudiant le phénomène de l'attachement se sont beaucoup intéressés à l'interaction mère-enfant en tant que fournissant à ce dernier la capacité de réguler ses affects. Cette capacité se développe progressivement dans un contexte plus global, celui du processus durant lequel la relation primaire permet d'acquérir, puis graduellement d'intérioriser une capacité à la régulation du Soi. De nombreux résultats d'études faites sur des animaux, mais aussi sur des humains, confirment l'hypothèse selon laquelle la régulation des affects - une fonction essentielle - s'acquiert par le biais de l'interaction avec le premier « significant other » (le parent, év. de substitution) puis est intériorisée au cours du développement.
Les syndromes douloureux qui nous intéressent ici sont associés au développement d'une représentation peu stable de l'attachement, avec en particulier des tendances à obvier ce dernier. Ceci a pu être démontré dans le cadre d'études empiriques (Waller et al. 2004). Cette tendance à l'évitement, issue d'un manque de stabilité du Soi, s'accompagne de problèmes dans le domaine affectif (perception et expression des émotions). Les traitements psychanalytiques offerts à ces patients se concentrent sur le développement et la différenciation de la capacité à percevoir les affects. Il reste qu'il ne faut pas négliger d'autres facteurs liés à la pathogenèse des états de douleur chronique. Nous pensons entre autres à la manière dont certains patients font une fixation iatrogène sur le diagnostic somatique et le traitement offert par un système médical axé sur les aspects purement biologiques. Il est important que, dans le cadre de la thérapie, les affects dissociés et non-intégrés provoquent des sentiments d'impotence et de colère au niveau du contre-transfert du thérapeute. Dans la psychanalyse offerte à ce groupe de patients, il faut essentiellement que les affects et l'aspect relationnel y associé en viennent à reformer un tout, que ce soit dans la relation thérapeutique ou hors d'elle.
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Publiée
2005-10-01
Comment citer
Scheidt, C. E., & Waller, E. (2005). Douleur, affect et attachement. Science psychothérapeutique, (4), 154–163. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/350
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