La dimension psychodynamique des troubles douloureux

Auteurs

  • Stavros Mentzos

Résumé

Comme la réaction d'angoisse, la réaction de douleur est un mécanisme de défense primaire utile. La douleur signale au cerveau qu'un organe commence ou continue à être endommagé ou ne fonctionne pas correctement. La fonction de cette réaction au niveau du corps évolue avec le développement de l'individu : peu à peu, même des événements psychiques désagréables (comme la séparation, l'abandon, les sentiments de culpabilité ou de honte) peuvent être ressentis comme «douloureux». La souffrance devient alors psychique et elle est fréquemment ressentie comme une douleur physique presque continue. On connaissait cette remarquable association entre douleur somatique et souffrance psychique grâce à des observations cliniques ; plus récemment, les résultats de la recherche sur le cerveau l'ont confirmée de manière impressionnante et ont expliqué ces phénomènes.

Pour comprendre les relations psychodynamiques impliquées dans de nombreux troubles psychiques il faut toutefois considérer qu'un «changement de fonction » en quelque sorte pathologique au niveau de la réaction de douleur joue un rôle plus important : la douleur physique se manifeste à la place de la souffrance psychique et l'on pourrait dire qu'elle l'exprime sans que la relation associant les deux niveaux soit consciente. La douleur physique est alors utilisée, par exemple, dans le cadre des stratégies « masochistes » mises en œuvre pour refouler et compenser inconsciemment des sentiments de culpabilité et de honte. Si l'on accepte cette définition du mécanisme de défense, il n'y a pas besoin d'assumer -au moins en tant qu'hypothèse - qu'il existe une pulsion masochiste (sans parler d'une pulsion de mort). La douleur qui s'est manifestée une fois persiste et devient chronique, non pas parce qu'en soi elle provoque du plaisir (donc non pas pour satisfaire la pulsion masochiste) mais simplement parce qu'elle devient une composante importante des mécanismes névrotiques de refoulement. Ceci s'applique également à des douleurs chroniques qui, à l'origine, sont engendrées à un niveau intégralement somatique et souvent pour des raisons d'ordre purement physique ; il arrive en effet que certaines d'entre elles s'amalgament - parce qu'elles leur ressemblent ou pour d'autres raisons - avec les troubles psychiques, un phénomène que nous avons choisi de désigner du terme «symptose homologue ». Cette association de deux éléments qui «sont de la même taille » s'exprime alors par le biais d'une représentation symbolique du trouble psychique, de la souffrance psychique qui se traduit en une souffrance physique. Nous avons déjà décrit un phénomène similaire en le considérant comme une réaction hystérique subsidiaire à des disfonctionnements et maladies somatiques. Ce concept permet de mieux saisir les processus psychiques qui accompagnent bon nombre d'états de douleur chronique (très souvent issus d'une maladie somatique concrète).

Ces idées et constats ne devraient pas inciter les thérapeutes à considérer que chaque douleur physique peut être éliminée en « l'expliquant psychologiquement». Cela serait une généralisation absurde qui minimiserait à tort le rôle joué par la douleur en tant que fonction primaire utile au niveau du corps. Il reste qu'il faut considérer qu'un nombre élevé d'états de douleur - en particulier chronique - peuvent être analysés de cette manière ou de manière semblable. Ajoutons toutefois que des mécanismes de conditionnement - qui sont aussi à saisir sur la base d'une théorie de l'apprentissage - contribuent à ce que s'établissent de nombreux cercles vicieux, ce qui complique beaucoup le traitement des douleurs chroniques.

Le nombre de constellations possibles sur le plan psychophysiologique et psychodynamique-psychosomatique est infini. Nous présentons deux exemples extrêmes et parfaitement opposés : celui d'une simulation d'abord, puis celui d'un homme souffrant de douleurs intenses en raison d'un trouble neurologique concret et dont la souffrance avait été diagnostiquée par erreur comme « psychogène ». Nous utilisons ces deux cas pour tenter de mettre en évidence les problèmes de diagnostic et les sources d'erreurs possibles, mais aussi pour démontrer et souligner qu'il est important de poser les diagnostics de manière adéquate et précise en prenant en compte à la fois les données somatiques et les données psychologiques.

Biographie de l'auteur

Stavros Mentzos

Prof. Dr. med. Stavros Mentzos, Psychiater und Psychoanalytiker, geboren 1930 in Athen. Seit 1957 erst in der Psychiatrischen Universitätsklinik in Hamburg und dann ab 1967 in Frankfurt am Main tätig, seit 1971 Professor und Leiter der Abteilung für Psychotherapie und Psychosomatik im
Klinikum der J.-W.-Goethe-Universität. Zahlreiche Veröffentlichungen, u. a. die Bücher „Interpersonale und institutionalisierte Abwehr“, „Hysterie“, „Neurotische Konfliktverarbeitung“, „Angstneurose“, „Psychodynamische Modelle in der Psychiatrie“, „Der Krieg und seine psychosozialen Funktionen“, „Depression und Manie“. Seit der Pensionierung 1995 Supervisionen von Psychosentherapien, zahlreiche Vorträge, Seminare etc. zur Psychosentherapie, aber auch psychosoziale Anwendungen der Psychoanalyse (Krieg, Feindbilder).

Korrespondenz: Stavros Mentzos, Beethovenstraße 15, 60325 Frankfurt am Main, Deutschland

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Publiée

2005-10-01

Comment citer

Mentzos, S. (2005). La dimension psychodynamique des troubles douloureux. Science psychothérapeutique, (4), 146–153. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/349