Les troubles psychiques chez les personnes âgées – Importance et particularités

Auteurs

  • Ursula Schreiter Gasser

Résumé

Environ un quart des plus de 65 ans souffrent d'un trouble psychique ; en Suisse, près d'un quart de million de personnes sont concernées. La morbidité globale n'est pas forcément plus élevée chez les aînés que dans des groupes de personnes plus jeunes - mais elle est répartie autrement :

A l'adolescence et au début de l'âge adulte, on enregistre avant tout des dépendances, des dépressions et des troubles anxieux. Le risque de psychose augmente chez les adultes (jusqu'à l'âge moyen) alors que les troubles mentaux organiques sont de plus en plus fréquents chez les personnes âgées. L'ensemble de la morbidité psychiatrique passe rapidement chez les plus de 70 ans de 30% à 70%. Le taux de dépressions s'élève à 20 à 30% dans cette catégorie, ce qui n'est pas plus élevé que chez des personnes plus jeunes. Par contre, le taux de démences augmente énormément - une personne de plus de 85 ans sur quatre souffre d'une démence organique et dans les EMS, jusqu'aux deux tiers des résidents sont touchés.

Démences
Les personnes souffrant de démence ont rarement subi des examens complets. Il arrive donc souvent que des démences dont on pourrait traiter les causes de manière utile et qui pourraient être guéries ne soient pas diagnostiquées. On n'offre ni thérapie ni conseils à des patients souffrant de démence neuro-dégénérative. Tant que nous ne disposons pas d'une thérapie permettant de traiter les causes de ces troubles dégénératifs, comme la maladie d'Alzheimer, notre seul objectif est de stabiliser les capacités cognitives du patient, d'atténuer les symptômes psychiatriques et les troubles du comportement mais aussi d'améliorer la qualité de vie du patient comme de ses proches. Une thérapie incluant des médicaments contre la démence et des neuroleptiques permet de traiter les symptômes cognitifs et psychopathologiques. Des thérapies non-médicamenteuses - adaptation de l'environnement et conseils aux proches - représentent des éléments essentiels dans le traitement des démences.

Dépressions
Il arrive aussi trop souvent qu'on néglige de diagnostiquer une dépression et, lorsqu'on le fait, qu'on applique un traitement inadéquat. Lorsqu'une personne âgée souffre pour la première fois d'une dépression, il faut envisager la possibilité qu'il s'agisse d'une réaction à une authentique baisse de la qualité de vie. Les symptômes dépressifs apparaissent très souvent dans une période de changement ou de perte, comme l'apparition de handicaps physiques ou le décès de proches et d'amis. Il est typique de l'état de dépression que le processus de deuil et d'acceptation soit bloqué. Un cercle vicieux s'établit car des pertes au niveau de la qualité de vie conduisent à une humeur dépressive qui, à son tour, empêche le patient d'exploiter les potentiels encore présents pour améliorer sa satisfaction existentielle. La dépression peut devenir si grave que la personne ne voit plus que le suicide comme échappatoire. Le tiers environ des suicides commis en Suisse le sont par des personnes âgées, avec les hommes âgés ayant perdu leur conjointe par la mort ou le divorce comme groupe particulièrement à risque.

Il est important de faire savoir aux patients qu'une dépression se traite, par les médicaments et par la psychothérapie.

Une psychothérapie peut être l'occasion de s'affronter à la nouvelle situation existentielle et de la gérer ; elle offre aussi une chance de remettre dans un contexte positif des événements réprimés. Ce n'est parfois qu'à partir d'un certain âge que l'individu a suffisamment de distance, de confiance en soi et de force pour oser ce genre de processus.

Mais on trouve aussi dans les institutions psychiatriques un grand nombre de patients qui ne sont pas disposés à entreprendre une psychothérapie au sens étroit. Il va alors s'agir d'établir une relation avec eux pour leur permettre de se sentir vus, compris et portés - une démarche d'accompagnement et de soutien à long terme.

Un accompagnement de soutien s'est également révélé utile pour les proches des malades. Ils sont en général eux-mêmes âgés, souffrent de maladies somatiques et le trouble psychiatrique atteignant le patient représente une charge considérable. Il s'agit de prendre au sérieux leurs besoins et leurs problèmes, de leur apporter un soutien dans les situations critiques, d'analyser avec eux les comportements problématiques et le contexte, de leur fournir une aide concrète - tous ces éléments peuvent permettre d'améliorer les rapports avec le malade et donc de modifier de manière importante la manière dont le trouble psychique se manifeste.

Prévalence des troubles psychiques
Les aînés souffrent avant tout de démence et de dépression, avec les troubles anxieux au troisième rang, même si on néglige souvent de les diagnostiquer car les traitements se concentrent sur les symptômes somatiques. On sous-estime aussi l'importance des troubles de la dépendance chez les personnes âgées, même chez celles qui séjournent en EMS. L'offre de thérapie destinée aux aînés est extrêmement restreinte. Sont aussi fréquents les délires paranoïaques - les patients se sentent menacés ou lésés par les autres. Nous disposons aujourd'hui de meilleurs traitements médicamenteux, mais une relation de confiance est l'élément le plus important de la thérapie. Les délires sont fréquents chez les personnes âgées, surtout dans les hôpitaux et les EMS.

Le fait que la plupart des personnes âgées souffrent simultanément de plusieurs maladies - plus d'un tiers ont des rhumatismes, un quart une insuffisance cardiaque, plus de 10% un diabète mellitus et près de 90% prennent régulièrement un ou plusieurs médicaments - représente l'un des grands défis posés au traitement des aînés atteints d'un trouble psychique. A ce niveau la collaboration avec les médecins de famille, les services de soins à domicile et les soignants joue un rôle important.

Biographie de l'auteur

Ursula Schreiter Gasser

Schreiter Gasser Ursula, Privatdozentin,

Dr. med. FMH. Fachärztin für Psychiatrie und Psychotherapie, ehem. Leiterin des Schwerpunkts Alzheimersche Krankheit am ZI Mannheim, ehem. Chefärztin des Gerontopsychiatrischen Zentrums Hegibach der Psychiatrischen Universitätsklinik Zürich, Habilitation über die Alzheimersche Krankheit an der Universität Zürich. Praxis in Zürich, Schwerpunkt Alterspsychiatrie und -psychotherapie.

Korrespondenz: Forchstrasse 364, 8008 Zürich, Schweiz.

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Publiée

2006-01-01

Comment citer

Schreiter Gasser, U. (2006). Les troubles psychiques chez les personnes âgées – Importance et particularités. Science psychothérapeutique, (1), 7–11. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/335