Contradiction et antinomie. Deux phénomènes logiques différents qui jouent un rôle en psychothérapie
Résumé
Selon Bateson, Watzlawick, Laing et d’autres, une communication du type « double bind « peut provoquer une schizophrénie. Cette hypothèse des années soixante et septante du 20ième siècle ne s’est pas confirmée. Néanmoins, selon G. Fischer (1998) une interaction incohérente et/ou paradoxale paraît être favorable à la genèse d’une névrose ou même d’une psychose.
Dans cet article l’auteur poursuit deux visées : (1) analyser les caractères logiques d’une contradiction et d’une antinomie et (2) appliquer les résultats de cette analyse à la psychothérapie. Il défend l’hypothèse selon laquelle les traumatismes psychologiques (ou psychopathologiques) dépendent en bonne partie du type d’interaction humaine auquel ils sont dus. Une interaction purement contradictoire produit en général des conséquences psychiques moins graves qu’une interaction du type antinomique.
L’auteur procède en deux étapes : (1) Dans la première partie du texte, il élabore les différences entre une contradiction et une antinomie. Dans la communication humaine les contradictions, par exemple entre des opinions opposées, sont assez fréquentes. Une bonne partie de la communication sert en fait à éliminer ces contradictions. Cependant, les contradictions d’un type particulier - les contradictions dites « dialectiques « - sont plus graves : elles demeurent fréquemment irréfléchies et créent un malaise indéfini. Un exemple est fourni par la proposition « Il n’y a pas de vérité «. Le contenu de cette proposition est en contradiction avec sa forme ; la possibilité que cette proposition soit vraie est donc éliminée. Un autre exemple est l’ordre positiviste qui exige que la science soit impartiale par rapport aux questions de valeurs. Cet ordre est contradictoire, parce que l’impartialité par rapport aux questions de valeurs est elle-même une valeur. - Les contradictions ont une seconde qualité : si on nie une proposition qui implique une contradiction, on aboutit à une proposition qui non seulement est vraie, mais qui l’est nécessairement, c’est-à-dire pour des raisons non empiriques. La négation d’une proposition contradictoire produit donc une vérité inébranlable (a priori, dans le langage de Kant). La proposition « il pleut dehors et il ne pleut pas dehors « est contradictoire. Sa négation est vraie pour des raisons purement logiques. Si l’on prétend qu’il n’y a pas de vérité ou si l’on défend le prédicat « être impartial par rapport aux questions de valeurs «, on aboutit aussi à une contradiction (de type « dialectique «). La négation de ces expressions nous mène à des vérités « a priori « : Certaines vérités existent et il est inévitable de prendre parti par rapport aux questions de valeur.
Les qualités d’une antinomie sont différentes. Prenons l’exemple de la proposition auto-référentielle suivante (p) : « La proposition (p) n’est pas vraie. « Si on analyse cette proposition, on se rend facilement compte qu’elle est vraie si elle est fausse et qu’elle est fausse si elle est vraie. Sa valeur de vérité oscille. La présomption qu’elle est vraie nous mène autant dans une contradiction que la présomption inverse ! Et le prédicat « non auto-référentiel « s’avère être non-autoréférentiel s’il est auto-référentiel, et il est auto-référentiel s’il ne l’est pas. L’antinomie est donc une super-contradiction ! C’est pourquoi elle manifeste une seconde qualité particulière : la négation d’une proposition ou d’un concept antinomique ne nous conduit pas à une vérité « a priori «, mais, tout au contraire, à une proposition dont la valeur de vérité est indéterminable (ou à un concept dont l’information est indéfinissable). La proposition p’, par exemple - « (p’) : la proposition p’ est vraie « - peut être vraie ou fausse. Et le prédicat « auto-référentiel « peut lui-même être auto-référentiel ou non.
Dans la seconde partie, l’auteur présente ses conclusions concernant la psychothérapie. Aucun des psychothérapeutes mentionnés au début n’a fait une distinction entre contradiction et antinomie. L’auteur soutient l’hypothèse que les conséquences psychiques d’une interaction antinomique sont plus graves que celles d’une interaction simplement contradictoire. La victime d’une interaction de structure contradictoire peut y échapper plus facilement : La négation du message contradictoire lui fournit une vérité indéniable. La victime d’une interaction de structure antinomique, par contre, n’a aucune chance d’y échapper sans briser le système d’interaction lui-même. Pour illustrer son hypothèse, l’auteur, qui n’est lui-même pas psychothérapeute, se sert de trois exemples psychothérapeutiques donnés par G.Fischer qu’il réinterprète à la lumière des distinctions logiques introduites dans la première partie. Pour résumer le résumé : Une interaction habituellement contradictoire peut engendrer une névrose, tandis qu’ une interaction habituellement antinomique engendre plutôt une psychose.
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