«?Les?tirs?après?les?tirs?»?ou?le?traumatisme?médiatique?d’Erfurt
Résumé
Dans le présent article, je décris les conséquences de l'intérêt des médias pour les événements qui ont eu lieu au lycée Gutenberg (Erfurt), ceci de mon point de vue personnel en tant que thérapeute spécialisée dans les traumatismes et en tant que coordinatrice en charge du projet de suivi psychologique offert dans cette école. Mes réflexions concernent la manière dont les médias ont interagi avec la population d'Erfurt, peu après la fusillade. Je montre que les journalistes « veulent toujours être aussi près que possible de l'événement » pour faire leur travail de manière efficace. Je cerne de plus près la dynamique issue des rapports avec les médias, la falsification de la situation qui en résulte et la manière tendancieuse dont les faits sont rapportés. L'information du public touche clairement à la sphère privée, intime des gens d'Erfurt qui sont impliqués. Lorsque l'événement est aussi violent, les médias donnent des informations fondées sur tout ce à quoi ils ont accès. Que ce soit les photos de vacances de l'élève à l'origine de la fusillade - qui s'est également tué lui-même -ou que ce soit les déclarations spontanées des personnes impliquées qui, devant la caméra, ressemblent à des « robots télécommandés »». Se retrouver sous le feu des projecteurs contribue en fait à renforcer la peur et les symptômes de stress aigu. Ensuite, les responsables des différentes rédactions sélectionnent les images et le son original, les retravaillent de telle manière qu'ils collent avec leur propre scénario ; le produit qui en résulte reflète plus l'intérêt des médias qu'il ne décrit de manière adéquate la situation sur place. En effet, élaborer une image dans les médias en assemblant différentes pièces du puzzle fait monter l'audimat. Pour moi, cela provoque en réalité un nouveau traumatisme.Celui-ci se répète à chaque fois que des articles ou des émissions sortent, à l'occasion des dates anniversaires de l'événement par exemple.
De manière absolument semblable à celle dont les acteurs de ce dernier sont utilisés et exploités, les psychothérapeutes sont utilisés et exploités. Ils sont souvent instrumentalisés et sont fréquemment incapables de gérer leurs contacts avec les journalistes qui « dépassent les bornes » et ne cessent d'exercer une pression.
Les différents processus de traumatisation secondaire ont des effets aussi bien psychiques que sociaux. Il est par exemple arrivé qu'à Erfurt des journalistes se soient fait passer pour des élèves afin de pouvoir s'introduire chez les autres élèves du lycée.
Je montre par ailleurs aussi le travail positif effectué par les journalistes dans le sens où les élèves ont pu faire de nouvelles expériences au niveau des rapports avec les médias dans le cadre de séances de thérapie du comportement. Même si au début ils furent plutôt les victimes des médias, ils ont appris à adopter une position plus solide et plus autonome.
Enfin je me déclare favorable à ce que les psychothérapeutes gèrent de manière proactive leurs rapports avec les médias, malgré les risques ; je rappelle toutefois que des exigences énormes leur sont posées.
À chaque fois qu'une psychothérapeute s'exprime au sujet d'événements aussi horribles que celui du lycée d'Erfurt, il est important qu'elle entretienne son propre équilibre psychique.
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Publiée
2007-10-01
Comment citer
Wilms, I. A. (2007). «?Les?tirs?après?les?tirs?»?ou?le?traumatisme?médiatique?d’Erfurt. Science psychothérapeutique, (4), 179–182. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/111
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