Psychomédias:?la?psychothérapie?et?les?psychothérapeutes?dans?les?masse?médias

Résumé

Comparée à celle des dernières décennies, l'image publique de la psychothérapie et des psychothérapeutes a changé drastiquement. Ce ne sont plus seulement les publications spécialisées qui publient à ce sujet, mais de plus en plus souvent les différents masse médias. Cette attention ciblée a des conséquences. Le présent article présente quelques ébauches d'idées en rapport avec les dimensions spatiales et temporelles, avec celles qui concernent le contenu, ainsi qu'avec la commercialisation de la psychothérapie. Il s'agit d'abord de la « distance spatiale » séparant la vie publique de la vie privée et, entre autres, de la manière dont l'identité subit une modification de son contenu dans le contexte de la société d'information. La dimension temporelle est en rapport avec la manière dont le grand public saisit de manière différente les événements et les processus. Enfin, l'auteur souligne l'importance de l'attention (de la collectivité) en tant que capital social - un capital qu'accumulent de plus en plus même les psychothérapeutes.

Je traite en détail de la théorie de type systémique élaborée par Niklas Luhmann, afin de mieux saisir le phénomène de la « réalité des masse médias ». Je décris l'axe de tensions qui s'établit entre le fait que nous disons que ce que nous savons au sujet de la société et du monde dans lequel nous vivons nous est transmis par les masse médias et la réalité qui veut que nous en savons maintenant tellement au sujet de ces derniers que nous ne pouvons plus faire confiance à leurs sources. À titre d'exemple, je décris ce que l'on entend lorsque l'on parle d'une psychologisation de la société et de l'invasion du marché par la vie privée. Dans ce contexte, la psychothérapie et les thèmes auxquels elle s'intéresse sont devenus « présentables ». On enregistre aujourd'hui une fusion croissante entre la sphère publique et la sphère privée. La frontière entre les deux domaines s'efface progressivement. De nos jours, n'importe qui peut être à la fois producteur et consommateur de l'offre des médias, pour adapter en conséquence la manière dont il se présente à ces derniers.

Dans la seconde partie de l'article, j'esquisse les conséquences qu'a cette présentation de soi sur le plan de la socialisation et de la construction d'une identité au sein de la société médiatisée. Il existe des théories contradictoires à ce sujet ; elles sont présentées brièvement. À ce niveau, je suis fondamentalement opposé à l'attitude pessimiste adoptée par les nombreux psychothérapeutes qui regrettent la disparition du sujet. Par contre, j'enregistre avec satisfaction le fait que la psychothérapie fournit un cadre de réflexion essentiel permettant de décrire et d'expliquer la manière dont le privé et le public se différencient, se recoupent et sont confondus.

Je présente également de manière plus précise la manière dont j'envisage les différents schémas temporels qui sont imposés à la psychothérapie d'une part, à la mise en scène de problèmes par les médias d'autre part. Ce phénomène fait que les processus de perception et de gestion des aspects concernés passent par des processus différents.

Les psychothérapeutes ont une attitude ambivalente envers les masse médias ; ils sont d'autre part hésitants quant à la manière dont ils pourraient les utiliser et y participer. À une époque aussi médiatisée, l'attention est un bien précieux. Capitaliser de l'attention tout en sachant que celle-ci n'aura que des effets limités - un grand défi auquel les psychothérapeutes doivent faire face. De plus ce capital n'est pas matériel mais il peut, en réalité, être investi ou encaissé comme de l'argent. Le psychothérapeute qui intervient dans les médias jouit de l'attention du public et cette attention peut même faire qu'il devient une célébrité, ce qui lui permet de jouir d'encore plus d'attention. Il peut arriver que ses revenus augmentent. Il reste qu'à mon avis, il est important d'effectuer une distinction entre célébrité et réputation.