Donne-nous notre psycho-expert quotidien – ou un savoir solide, doté d’une visée émancipatrice? La fonction et le rôle des experts en psychothérapie dans les médias
Résumé
Dans mon article, je décris le champ de tensions dans lequel se rendent les psychothérapeutes au moment où ils s'expriment dans les médias au sujet de thèmes sociétaux, politiques et/ou actuels. Les tensions opposent deux pôles : promouvoir sa propre image d'une part et satisfaire au besoin de se montrer et de s'exprimer en tant qu'expert assumant des responsabilités d'autre part. En une brève digression, je montre qu'il peut être douloureux et angoissant de gérer la manière dont on apparaît en public ; un long processus d'apprentissage et d'expérience sur soi est indispensable si l'on veut que cette présence dans les médias soit plus qu'un achèvement personnel et devienne source de commentaires objectifs. Utilisant l'exemple de Natascha Kampusch, je définis la fascination manifestée à l'égard de son sort en tant que voyeurisme, que besoin avide de sensationnel et que pure curiosité. Dans ce genre de cas, les experts en psychologie et en psychothérapie doivent assumer des responsabilités particulières. Leurs avis risquent d'amplifier l'aspect voyeurisme. La victime sera alors retraumatisée. Ou alors, ils peuvent nommer et cerner le modèle offert par Madame Kampusch à des personnes qui se retrouveraient dans une situation fatale similaire. Les experts ne doivent pas laisser les médias les instrumentaliser. Ils devraient aussi se demander d'où vient la curiosité des journalistes, pourquoi ils établissent des rapports entre leurs propres intérêts et le thème.
Je présente une réflexion sur la manière dont je me comporte par rapport aux médias sur la base des expériences que j'ai faites dans mon propre domaine professionnel. Certains de mes collègues ont cru discerner dans mes contributions une forme néfaste de narcissisme ou un oedipe mal résolu.
D'autres m'ont encouragé à utiliser mon savoir, y compris celui qui est en rapport avec un méta-niveau peu accessible concernant la fonction en général inconsciente de l'intérêt public ainsi que les affects impliqués.
Je sais que, même si cela est objet de controverse, le savoir psychothérapeutique constitue un pouvoir. Mais je considère que j'ai également le devoir d'utiliser ce pouvoir de manière responsable. Dans ce sens, je ne suis pas du tout d'accord avec la manière dont de nombreux collègues préfèrent se taire en public.
Celui qui s'exprime et s'expose publiquement s'embrouille parfois, s'efforce péniblement de trouver les mots et les concepts exacts, a des problèmes avec le média et les questions posées, mais surtout avec lui-même. Il risque en outre que ses patients l'idéalisent moins que par le passé. Dans ce sens, celui qui s'exprime dans les médias en tant qu'expert en psychothérapie risque de se retrouver blessé, en public et sous les yeux de tous ; il risque de subir les sarcasmes de ses collègues au lieu que ceux-ci manifestent leur solidarité et leur soutien. Et pourtant ma position est claire : même s'il arrive que l'on commette des erreurs en tant qu'expert, je plaide pour que tous ceux qui le peuvent assument leurs responsabilités. D'un point de vue psychothérapeutique, il faut présenter un modèle de position mature, adulte, capable d'intégrer ce que l'on doit à sa propre image. Par rapport aux médias, cela signifie que nous devons pratiquer un difficile exercice d'équilibre entre l'orgueil et une obstination infantile à vouloir maintenir une attitude innocente. Pour moi, participer au discours qui a lieu dans les médias signifie qu'il faut prendre des décisions et ne pas garder pour soi les aspects décisifs, assumer une responsabilité tout en sachant qu'il n'est jamais possible de le faire de manière tout à fait adéquate.
Téléchargements
Publiée
Comment citer
Numéro
Rubrique
Licence
Les auteures ou auteurs qui souhaitent publier dans cette revue acceptent les conditions suivantes:
- Les auteures ou auteurs conservent leurs droits d'auteur et autorisent la revue à effectuer la première édition sous une licence «Creative Commons Attribution» permettant une utilisation libre de leurs travaux à condition de les attribuer à leurs auteurs en citant leurs noms et d'attribuer la paternité de l'édition originale à la présente revue (conformément à la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 DE).
- Les auteures ou auteurs peuvent conclure des contrats supplémentaires de diffusion non exclusive de la version de leurs travaux publiée dans la revue à condition d'attribuer la paternité de l'édition originale à la revue (par ex. dans une publication collective ou un livre).