Thérapie systémique: entre les chaises

Auteurs

  • Tom Levold

Résumé

En tant qu’orientation de base autonome la thérapie systémique a réussi à acquérir une place d’outsider couronné de succès au sein du paysage psychothérapeutique en Allemagne ; mais jusqu’à maintenant elle n’a pas le statut de méthode reconnue qui lui permettrait d’accéder au système d’offres remboursées. L’auteur décrit en détail l’organisation et les institutions de thérapie systémique en Allemagne, y compris les points où elles se recoupent et ceux où elles diffèrent. Il pose l’ intéressante question dominant actuellement le discours mené au sein de cette orientation : l’approche systémique pourra-t-elle garder son identité lorsqu’elle devra assumer les conséquences d’une éventuelle homologation ?

Dans son article, il montre qu’une certaine ambivalence a toujours caractérisé les intérêts politiques de praticiens visant le pouvoir dans le cadre d’un champ de tension opposant une ouverture conceptuelle (« brokerage ») à une attitude fermée (« closure »). Cette ambivalence traverse toute l’histoire de l’orientation systémique, dans la mesure où celle-ci doit être considérée moins comme un courant de psychothérapie que comme un « mouvement ». Or, en fonction du point de vue adopté, il est possible de considérer la psychothérapie systémique comme une orientation autonome. Elle constitue certainement une approche de base.

Pour l’auteur, cet aspect n’a pas forcément à voir avec le « concept d’orientation ». Il se réfère à la situation avant la promulgation en Allemagne de la loi sur la psychothérapie (1997) et à la période qui a suivi. Il s’intéresse aux aspects relatifs aux rapports entre une « orientation psychothérapeutique » et la manière dont les méthodes sont acceptées au sein du système de santé publique. Se référant à Kriz, il qualifie le travail effectué par le « conseil scientifique psychothérapie » de partial.

Le phénomène de la formation d’écoles est ensuite examiné en détail sur la base de concepts empruntés à la sociologie de la science. L’auteur effectue une distinction entre les disciplines qui se sont développées dans les « trous structurels » laissés ouverts par les différents systèmes de référence - c’est ici que de nouvelles orientations peuvent s’établir - et les activités associées au domaine central des systèmes scientifiques ; ici, il s’agit avant tout d’unifier des modèles, de développer et de renforcer des structures, d’établir des standards, de prononcer des sanctions contre les dérives et de promouvoir l’identité du système.

Selon les sociologues s’intéressant aux sciences, une orientation peut être comparée en ses débuts à une communauté religieuse, à une secte ou à une fraternité. Ses membres sont portés par le sentiment qu’ils ont une mission intellectuelle à remplir. L’auteur fait alors un rapprochement avec l’histoire du développement de la psychanalyse et les efforts entrepris par Freud pour établir cette dernière en tant que science.

De manière similaire à la démarche menée par Fürstenau pour la psychanalyse, incluant une distinction entre la « psychanalyse ésotérique » et la « psychanalyse exotérique », il analyse l’évolution de l’approche systémique. Il en conclut que la situation est différente pour la thérapie systémique, dans la mesure où - contrairement à ce qui s’est passé pour la psychanalyse dans la tradition viennoise - l’approche systémique a changé de modèle et ses concepts ont été élaborés en des endroits très variés du monde.

Dans ce sens, il serait en effet possible de voir l’orientation systémique comme un « mouvement social ». En mettant en évidence ses différents courants principaux et en les contrastant, l’auteur montre que « ces différentes perspectives coexistent » sans problème. Selon lui, cette coexistence pacifique joue un rôle d’autant plus important que, dans
l’ensemble, les praticiens de cette orientation sont aussi peu « organisés » que possible. Il reste qu’il existe par exemple des directives concernant la formation, des contrôles de qualité à respecter, ainsi qu’une démarche de certification des instituts membres. La question de la reconnaissance de la thérapie systémique s’est posée - et c’est intéressant - plus pour des raisons d’ordre politique que parce que la méthode était controversée au niveau scientifique. Elle sera donc résolue à ce même niveau politique (et non pas scientifique).

Il reste à attendre de voir comment le « grand écart » entre les contenus va évoluer - l’écart séparant la thérapie systémique en tant que processus relationnel qui ne peut pas être reproduit d’autres concepts psychothérapeutiques « agissant comme un médicament ».

À la fin de son article, l’auteur examine le processus de maturation subi par cette orientation au niveau de son organisation, un processus qui n’a pas été sans luttes internes pour le pouvoir, sans prises de position et sans institutionnalisation. Il pense qu’il existe un risque que l’ensemble développe son propre dynamisme, en particulier dans le contexte politique, et devienne une fin en soi. À son avis, l’avenir de la thérapie systémique ne pourra pas être décidé « sur la base d’un vote majoritaire».

Biographie de l'auteur

Tom Levold

Tom Levold, Jg. 1953, Diplom-Sozialwissenschaftler, Lehrtherapeut, Lehrender Supervisor und Lehrender Coach (SG), Systemischer Psychotherapeut, Supervisor, Coach, Organisationsberater und Publizist, Mitbegründer der Systemischen Gesellschaft. Herausgeber von „Kontext“ und „systemagazin - Online-Journal für systemische Entwicklungen“.

Korrespondenz: Tom Levold, Institut für psychoanalytisch-systemische Praxis, Eiler Straße 18, 51107 Köln, Deutschland

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Publiée

2008-10-01

Comment citer

Levold, T. (2008). Thérapie systémique: entre les chaises. Science psychothérapeutique, (4), 162–171. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/68