Communication essentielle et sentiment d’appartenance : la psycho-neurophysiologie et les formes saines de relation
Résumé
Sur le plan psychophysique, l'être humain est le produit de sa communication socioculturelle. En plus de ses besoins physiologiques de base, il ressent un besoin fondamental et existentiel d'appartenance à un groupe social. La communication sociale permet de satisfaire tous les besoins du nourrisson. La manière dont cette communication essentielle a lieu influe de manière déterminante sur l'importance du sentiment d'appartenance mais aussi sur l'établissement de schémas de comportement.Le nourrisson est motivé par certaines attentes, par des valeurs prédéfinies qui l'attirent et le motivent à agir. Son parent (de substitution) doit avoir des réactions spécifiques à des activités spécifiques. Lorsqu'un enfant fait quelque chose pour recevoir de l'attention et qu'on ne lui donne que de la nourriture un schéma de comportement spécifique va s'établir, être internalisé et approprié. Le processus d'apprentissage de modèles se fait par le biais des neurones dits miroirs.
La communication débute au moment où le nourrisson exprime un besoin, ce qui provoque une poussée de l'hormone stimulante appelée noradrénaline. Les actes ciblés qui suivent, comme quêter ou crier, peuvent être récompensés par une poussée du neurotransmetteur dopamine, associée à un sentiment de plaisir, même sans que la satisfaction attendue soit obtenue. Lorsque la réaction est satisfaisante, le tout peut s'accompagner d'un plaisir orgasmique ou autre fondé sur une poussée des hormones dites de plaisir (oxytocine ou endorphi-nes). L'enfant se trouve alors dans un état de relaxation profonde, il est satisfait et il a un sentiment d'appartenance, ce qui s'accompagne de ou provoque une croissance du métabolisme de la sérotonine.
Cette communication sociale essentielle, marquée par des échanges métaboliques au niveau des neurotransmetteurs et par la formation de connexions neuronales issues de la résonance des neurones miroirs, donne naissance aussi bien à des attentes qu'à des schémas de comportement.
Si, par exemple, à chaque fois qu'il s'efforce d'obtenir de l'attention le nourrisson ne reçoit que de la nourriture, il internalise ce comportement de manière telle que, plus tard, il ne s'attendra plus à recevoir de l'attention mais bien de la nourriture.
Ce modèle de la communication essentielle explique aussi les résultats d'études ayant démontré que les dépendances et la dépression sont les produits d'un manque dans la petite enfance (Mann et Heinz 2001). L'absence de réactions et l'isolation contribuent à troubler profondément le sentiment d'appartenance.
À ma connaissance, le besoin essentiel d'un sentiment d'appartenance n'a été étudié à ce jour sous l'angle de sa pertinence pour la santé que par Grossarth-Maticek et Petzold (2007). Or, ce besoin semble si important que, pour le satisfaire, de nombreuses personnes renoncent à en satisfaire d'autres comme la sexualité, le libre épanouissement et l'autonomie ; elles préfèrent avoir le sentiment de faire partie du groupe. Certains individus vont même jusqu'à en tuer d'autres et à se laisser tuer pour atteindre cet objectif (exemples : les soldats et les membres de groupes extrémistes). L'importance de ce besoin est également démontrée par le fait que lorsqu'une tribu envoyait l'un de ses membres en exil, ce dernier finissait souvent par mourir, même s'il aurait pu trouver suffisamment de nourriture.
Le besoin d'appartenance semble constituer le moteur à la base de la communication, des comportements interactifs et de l'adaptation.
Le sentiment d'appartenance représente une sorte d'étalon interne ayant priorité au niveau de la communication essentielle ; comprendre cela nous permet de comprendre pourquoi l'être humain tend souvent à s'adapter, malgré de profondes blessures et même lorsque des besoins importants et sa dignité ne sont pas respectés. L'autorégulation autonome qui le caractérise inclut des comportements sociaux correspondant à son besoin existentiel d'appartenance ; dans son training à l'autonomie, Grossarth-Maticek tient compte de cette dimension.
Les connaissances esquissées plus haut peuvent être utilisées pour la prévention et la promotion de la santé au sein de systèmes sociaux et culturels dans le sens où l'on fournirait à tous leurs membres des possibilités de satisfaire leurs besoins essentiels dans le contexte d'un sentiment d'appartenance. Elles peuvent également contribuer à formuler de nouveaux contenus et de nouveaux settings thérapeutiques à utiliser dans le traitement de nombreux troubles et en particulier des troubles anxieux, des dépressions et des dépendances.
Téléchargements
Publiée
2007-07-01
Comment citer
Petzold, T. D. (2007). Communication essentielle et sentiment d’appartenance : la psycho-neurophysiologie et les formes saines de relation. Science psychothérapeutique, (3), 127–133. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/119
Numéro
Rubrique
Article inédit
Licence
Les auteures ou auteurs qui souhaitent publier dans cette revue acceptent les conditions suivantes:
- Les auteures ou auteurs conservent leurs droits d'auteur et autorisent la revue à effectuer la première édition sous une licence «Creative Commons Attribution» permettant une utilisation libre de leurs travaux à condition de les attribuer à leurs auteurs en citant leurs noms et d'attribuer la paternité de l'édition originale à la présente revue (conformément à la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 DE).
- Les auteures ou auteurs peuvent conclure des contrats supplémentaires de diffusion non exclusive de la version de leurs travaux publiée dans la revue à condition d'attribuer la paternité de l'édition originale à la revue (par ex. dans une publication collective ou un livre).