La gestion de qualité hors du domaine de la santé publique
Résumé
Une meilleure qualité des résultats de traitements psychothérapeutiques peut être obtenue par le biais de l’application avisée de concepts de qualité et des méthodes s’y rapportant. Dans les secteurs des prestations et de la production la notion de qualité est clairement définie par des normes internationales comme l’ISO-9000. ISO signifie ‘International Standardization Organisation’; il s’agit d’une association internationale qui s’est donné pour tâche d’unifier, de standardiser et de définir concepts, produits et procédures et d’uniformiser les différentes normes nationales. La définition de ‘qualité’ incluse dans la série de normes 9000 et élaborée en 1990 par l’ISO est la suivante: ‘Qualité’ est l’ensemble des caractéristiques et signes distinctifs d’un produit ou d’une prestation permettant à ces derniers de satisfaire aux exigences spécifiques qui leur sont associées” (notre traduction).
La ‘qualité’ consiste donc en un ensemble de caractéristiques. Celles-ci sont en rapport avec le degré auquel le produit ou la prestation satisfait aux attentes formulées à son égard. Le concept de qualité défini par l’ISO-9000 est donc clairement dérivé d’une conception applicable au commerce et à l’industrie. Les normes de la série IS0-9000 ont été explicitement élaborées dans le but de clarifier les rapports entre producteurs et consommateurs, les deux groupes en retirant un avantage. L’objectif de ces normes est de donner à ceux qui fournissent produits et prestations des directives en matière de production ou d’offre en services, de manière que leur qualité demeure constante. Si producteurs et fournisseurs de prestations s’en tiennent aux normes IS0-9000, le consommateur peut être certain que les produits correspondent à ses attentes, sans devoir vérifier à chaque fois que les promesses des fournisseurs ont été tenues (ebda. 1993). Cette conception de la qualité est axée sur les consommateurs et non sur la qualité de 'l’objet en tant que tel’. Il ne s’agirait pas de savoir, par exemple, si un traitement psychothérapeutique donné présente l’ensemble de caractéristiques requises pour satisfaire aux critères de qualité des spécialistes. Dans ce sens, qualité ne peut pas être définie de manière unilatérale. Elle l’est toujours par rapport à la “relation clientfournisseur” (customer-supplier relationship). Dans le cas de la psychothérapie, la question de savoir si le traitement satisfait aux attentes du client jouerait un rôle essentiel. De plus, ces attentes peuvent être soit formulées clairement et explicitement parle client, soit - comme dans le cas de la psychothérapie - demeurer implicites.
L’évolution historique du concept “industriel” de qualité se fit à partir des contrôles de qualité (quality control inspection) effectués dans l’industrie au début du siècle, puis des garanties de qualité (quality assurance) offertes plus tard, pour aboutir finalement à la gestion de qualité pratiquée actuellement (quality management, strategic quality planning, total quality management). La marche triomphale des industries électronique et automobile japonaises a montré que si l’on gère la qualité de manière adéquate et en tient compte en cours de production déjà, les produits deviennent meilleur marché et meilleurs que ceux des concurrents. La qualité est progressivement devenue un facteur important au niveau de la concurrence mondiale.
La gestion de qualité dans le secteur de la santé publique
En 1990 les experts de l’“Institute of Medicine” (Etats-Unis) ont élaboré une définition du concept de qualité en matière d’offre sanitaire. Gomme dans toutes les définitions modernes concernant la qualité, celle-ci est constituée essentiellement par les facteurs suivants: il est possible de prouver que les besoins du client et les attentes de la société en matière de qualité desproduits et prestations ont été satisfaits. A ceci s'ajoutent toutefois des exigences concernant l’importance des bases scientifiques sur lesquelles se fondent les connaissances spécialisées et le rôle joué par la responsabilité professionnelle du fournisseur de prestation envers son client: “La qualité de l’offre se mesure au degré auquel les prestations de santé contribuent à produire les résultats souhaités auprès d’individus ou de groupes de population. Les prestations de santé doivent correspondre au niveau actuel des connaissances spécialisées” (notre traduction).
Cette définition se fonde sur une conception multidimensionnelle de la santé (illustration 1). A ce niveau, il doit être possible de démontrer l'amélioration d’un état de santé par rapport à cinq niveaux au moins: biologique, physiologico-fonctionnel, psychique, social et bien-être. De plus, la définition mentionne le bien-être et la satisfaction du patient, ainsi que le processus de communication entre thérapeute et client, concernant les souhaits de ce dernier. Par rapport à la définition sus-mentionnée, le processus de communication au sujet des attentes et des souhaits, et les limites concrètes au traitement posées par le savoir actuel (à disposition du thérapeute) jouent un rôle décisif.
Tâches de la psychothérapie: fournir des preuves de qualité au grand public (1)
En Autriche, certains clients mais aussi la société dans son ensemble s’intéressent de plus en plus aux résultats de la psychothérapie. Ce regain d’intérêt a été provoqué par l’élaboration d’une réglementation en matière de psychothérapie et de prestations remboursées par les caisses maladie depuis 1991. En accord avec la définition de la notion de qualité par l’ISO-9000, la psychothérapie et les fournisseurs de prestations doivent satisfaire aux exigences du public concernant les “caractéristiques souhaitées et souhaitables” de leur traitement. C’est ainsi que, par analogie avec la médecine, la société admet implicitement que les psychothérapeutes ne nuisent pas à leurs clients (nihil nocere). Il reste toutefois à fournir une démonstration quantitative de l’utilité et de l’efficacité des traitements généralement pratiqués en Autriche. Cette démarche pourrait être effectuée au moyen des méthodes et instruments existant déjà dans le domaine de la santé et de la recherche en matière de résultats (health outcome research). Une mesure de la qualité de vie en rapport avec la santé (health related quality of life = HQOL) permet en particulier de démontrer l’efficacité des prestations du point de vue du client et indépendamment de toute école de psychothérapie. On pourrait donc réussir à démontrer sous une forme actuelle que l’objectif défini par Freud - reconstitution de la capacité à aimer et à travailler -a été atteint par les groupes de patients concernés; il serait également possible de mesurer le degré d’amélioration de leur état.
Tâches de la psychothérapie: gérer la qualité sur le plan interne (2)
Les structures, processus de traitements et résultats peuvent être améliorés par le biais de l’application de méthodes servant à garantir la qualité au niveau interne, ceci dans tous les cadres de traitement -cabinet privé ou service hospitalier (voir illustration 2). On sait que dans le domaine de la médecine la qualité des résultats ne dépend qu’indirectement de la qualité de la formation. Par contre, l’organisation des procédures a une influence considérable sur les résultats. Il faudrait encore débattre de la manière dont ce principe peut être appliqué à la pratique de la psychothérapie. Quelques possibilités sont envisageables dès maintenant: le/la thérapeute devrait s’informer systématiquement des résultats (à long terme) de son traitement. Il/elle devrait avoir l’occasion d’acquérir un savoir global - indépendant de toute école - concernant l’efficacité des processus psychothérapeutiques et
l’appliquer dans la pratique. Des séances d’intervision ou de supervision avec des collègues jouent un rôle important: elles permettent de comparer les processus dont le/la thérapeute fait l’expérience dans sa pratique avec ceux d’autres collègues, de débattre de la notion de qualité et de ses conséquences pratiques et d’améliorer les prestations offertes. Les associations professionnelles devraient encourager leurs membres à entreprendre des recherches en matière de pratique.
En milieu hospitalier les psychothérapeutes assument des responsabilités importantes dans le domaine de la supervision; ils/elles peuvent encourager les équipes de traitement à travailler d’une manière axée sur les patients. Rappelons que les méthodes modernes de gestion de qualité tentent explicitement de concilier les besoins des soignants et les souhaits des patients -même si les deux catégories semblent parfois contradictoires. Des procédures inefficaces, des réglementations peu claires, le mépris manifesté pour le point de vue des patients, et le manque d'informations fournies aux soignants concernant les processus et évolutions de la santé des patients constituent des domaines problématiques, au niveau desquels supervision et systèmes visant à améliorer la qualité sont étroitement liés.
Une supervision réussie est celle qui s’avère capable d’articuler les problèmes et qui a le courage - et la liberté - de proposer des solutions. Elle peut aussi servir de base à une amélioration continue de la qualité des traitements fournis par les hôpitaux. Dans l’industrie des années trente, on a commencé par encourager les ouvriers à proposer des idées concernant l’amélioration de la qualité; cette manière de procéder pourrait devenir réalité dans des hôpitaux de plus en plus nombreux, ce dont profiteraient les patients recevant des traitements continuellement améliorés.
Téléchargements
Publiée
Comment citer
Numéro
Rubrique
Licence
Les auteures ou auteurs qui souhaitent publier dans cette revue acceptent les conditions suivantes:
- Les auteures ou auteurs conservent leurs droits d'auteur et autorisent la revue à effectuer la première édition sous une licence «Creative Commons Attribution» permettant une utilisation libre de leurs travaux à condition de les attribuer à leurs auteurs en citant leurs noms et d'attribuer la paternité de l'édition originale à la présente revue (conformément à la licence Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivs 3.0 DE).
- Les auteures ou auteurs peuvent conclure des contrats supplémentaires de diffusion non exclusive de la version de leurs travaux publiée dans la revue à condition d'attribuer la paternité de l'édition originale à la revue (par ex. dans une publication collective ou un livre).