De l'individu à la personne: l'anthropologie en psychothérapie et les fondements philosophiques des approches centrées sur la personne
Résumé
Alors que les approches qui se centrent sur des objectifs et des méthodes jouissent d’une conjoncture relativement élevée, en partie grâce au fait que la politique sociétale tend à exiger un maximum d’efficacité, au sein des différentes écoles de psychothérapie des concepts ouverts et centrés sur la personne, ainsi qu’une perception de la thérapie en tant que devant attribuer de l’importance aux relations jouent un rôle de plus en plus important. La question se pose donc une fois de plus de l’image de l’homme élaborée par la psychothérapie et des différences fondamentales séparant les diverses approches.
La théologie et la philosophie européennes ont développé au cours des siècles deux types de tradition en rapport avec le concept anthropologique de la personne: une perception individualiste, soulignant l’indépendance, la liberté et la dignité de l’homme (être une personne dès le début) et une perception relationnelle, centrée sur l’importance des relations, de la rencontre et du dialogue (devenir une personne pendant toute une vie). Nous examinons leurs implications pour la psychothérapie. Si l’on établit des rapports fructueux entre les deux types de tradition, on peut considérer que, d’un point de vue éthique, la personne peut être entendue en tant que réponse à une communication à laquelle nait l’être humain. Ceci implique une responsabilité en retour et c’est à ce niveau que peut se situer l’un des fondements éthiques de la psychothérapie.
En plaçant la dimension personne de l’être humain et l’art des rencontres entre hommes au centre de sa réflexion et de son action, la psychothérapie centrée sur la personne a choisi il y a un demi siècle un paradigme radicalement différent - mais cette démarche n’a, à ce jour, pas été honorée. En choisissant de ne plus utiliser le terme d’approche “centrée sur le client” mais celui de “centrée sur la personne”, on a tenu compte du fait que le groupe auquel elle s’adresse est plus étendu. Mais, ce faisant, on a également choisi pour fondement une anthropologie spécifique, qui a ses racines dans l’histoire spirituelle de l’Occident, ou plus exactement dans la tradition judéo-chrétienne. Rogers a adhéré à cette tradition en se référant à ses deux “philosophes favoris”, Kierkegaard et Buber. L’approche centrée sur la personne associe leurs deux traditions de manière unique - en une tension qu’il s’agit de supporter (“Deviens celui que tu es”). Dans ce sens, cette approche tient compte d’une image de l’homme dont les sources se situent dans l’histoire de la spiritualité en Occident. Il reste encore à honorer les exigences posées par ce choix au niveau théorique et pratique, en les défendant contre toute une série de tendances à affaiblir et à bagatelliser leur nature.
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