Psychothérapie et école - l'équipe de crise

Auteurs

  • Mischa Skorecz

Résumé

Description du projet: J’ai fondé cette équipe il y a sept ans avec une collègue. Elle comporte actuellement quatre psychagogues-conseillères scolaires, dont deux (une collègue et moi-même) sont également psychothérapeutes. Nous travaillons pour les écoles de la scolarité obligatoire (écoles primaires, filière élémentaire, classes spéciales) dans les 18e, 19e, 20e, 21e et 22e arrondissements de la ville de Vienne, soit pour 113 écoles. Dans 59 d’entre elles, des psychagogues sont responsables des activités-conseil (pour l’ensemble de Vienne, 70% des écoles disposent de ce service). Notre clientèle potentielle se répartit donc sur 54 écoles, mais il arrive que des psychagogues travaillant dans d’autres écoles fassent appel à nous.

Un jour par semaine est réservé aux interventions de crise, ce jour étant choisi de manière flexible et en fonction des besoins. Dans la mesure du possible, les personnes qui ont besoin d’un conseil (enseignants, directeur, inspecteur, parents, enfants, ...) nous appellent elles-mêmes et nous les rencontrons soit dans leur école, soit ailleurs. On peut nous atteindre pendant toutes les heures habituelles de travail des enseignants. Maintenant notre service est bien établi.

Nous organisons un rendez-vous pour un premier entretien la même semaine. Une collègue dirige la discussion, une autre y assiste en silence, se contentant d’apporter d’éventuels compléments en fin d’entretien.
Nous décidons lors de la prochaine réunion de l’équipe - mais souvent aussi juste après l’entretien -qui va se charger du cas. Notre objectif est d’encourager une évolution au cours de dix entretiens au maximum, qui ont lieu en général une fois par semaine. Des réunions durant lesquelles les cas sont régulièrement discutés permettent de mettre à jour les processus qui se déroulent sur le terrain, parfois aussi par le biais d’une perception des processus ayant Heu au sein de l’équipe.

La coordination avec d’autres services sociaux, notre propre formation continue et une offre de perfectionnements ouverts à d’autres font partie de notre mandat.

Durant les sept années écoulées depuis l’établissement du service, nous avons travaillé à 189 cas, avec env. 4103 entretiens: en effet, notre manière de procéder (voir le cas ci-dessous) implique qu’environ dix personnes collaborent à chaque cas. Chacune d’entre elle participe à entre un et dix entretiens (heures); dans un cas particulier, nous avons travaillé en moyenne 21 heures.

Exemple de cas Le directeur d’une école nous téléphone pour demander un soutien pour une jeune enseignante. Depuis des mais les parents des élèves de sa classe se plaignent qu’elle exige trop des enfants et le problème n’a pas pu être résolu. Lors du premier entretien, le directeur répète que ce n’est pas lui qui a besoin d’aide, mais l’enseignante. Je me demande pourquoi il ne réussit pas à solutionner le problème de manière adéquate, mais je sais aussi - car nous en avons fait l’expérience - qu’il est pratiquement impossible de cerner ce qui les empêche de communiquer. En effet, nous sommes enseignantes, même si nous travaillons dans un service de consultation, et dans la hiérarchie nous nous trouvons en-dessous du directeur. Lors d’un premier entretien, l’institutrice nous dit qu’elle est à bout de nerfs, mais qu’elle voudrait être bonne dans son travail. Selon elle, cet objectif est atteint si les enfants accomplissent beaucoup. Elle exerce donc des pressions sur les élèves et attend également des parents qu’ils collaborent. Certains enfants réagissent par des problèmes de comportement (repli sur soi, agression, etc.), les parents transfèrent les pressions sur les enfants et sur l’enseignante, mais surtout sur le directeur.

Ce dernier exige d’elle qu’elle réussisse à calmer les parents et à créer une base de discussion positive. Il lui demande donc d’accomplir quelque chose sans lui apporter aide et compréhension.

Les entretiens diagnostiques que nous menons sur demande de l’enseignante avec trois enfants et les consultations auxquelles participent ensuite les parents doivent aider parents et enfants à éventuellement décider de faire une thérapie ou de recevoir un soutien. Ils doivent aussi servir de médiation entre institutrice et enfants, leur permettant de mieux se comprendre. Par ailleurs, dès que je confirme que ces enfants sont très difficiles l’enseignante se sent soutenue et reprend confiance en elle - même envers le directeur. Au fur et à mesure que j’aborde enfants, parents et enseignante avec compréhension, que je leur apporte un soutien et leur explique certaines choses, l’institutrice mobilise ses propres capacités à ce niveau. Elle réussit alors à bien s’occuper des enfants sans devoir abandonner son rôle d’enseignante, ce qui lui permet de découvrir une nouvelle dimension de son travail. Elle cesse de se concentrer sur ce que les enfants accomplissent, valorisant le rapport relation-accomplissement. De plus, une scène de son enfance lui revient, qui nous permet de l’aider à comprendre des aspects biographiques: pourquoi a-t-elle choisi cette profession? Pourquoi a-t-il fallu qu’elle s’affronte spécifiquement à ce directeur, à ces enfants, à ces parents, qui taus l’ont touchée là où se trouve son “talon d’Achille”?

Dans sa relation avec moi, elle se “permet” d’être ouverte envers elle-même et autrui (sans forcément se sentir à nouveau blessée!), ce qui fait qu’elle accepte ses propres idées et sentiments envers elle-même et envers autrui.

Cette enseignante a donc saisi que comprendre ce qui se passait dans notre relation devait aussi lui permettre de mieux comprendre sa propre situation existentielle.

Un entretien de contrôle, mené environ cinq semaines plus tard, a permis de savoir comment les personnes concernées se sentaient à ce moment, quels avaient été les effets du soutien reçu, et si ceux qui souhaitaient un autre soutien se sont rendus au service qui avait été recommandé et s’ils s’y sentaient bien traités.

Ce genre de travail implique que l’on saisisse les processus psychodynamiques qui se déroulent chez les personnes concernées et qu’on adapte les interventions en conséquence. Il faut aussi que les conflits intra- et interpsychiques soient verbalisés autant que faire se peut. Mais notre interlocuteur n’est pas une seule personne, “tous” participent à la crise. Chaque niveau du processus est un cas spécifique, mais plusieurs domaines sont toujours impliqués: familles, enseignants, école et société. Cette complexité, à laquelle s’ajoute le fait que nous impliquons activement de nombreuses personnes, rend notre travail difficile mais aussi passionnant.

En tant que part intégrante du système scolaire, nous en dépendons mais nous connaissons aussi ce contexte. Ceci nous permet de saisir rapidement les différentes facettes de „l’école“. Nous nous heurtons à certaines limites du fait que nous sommes dans une situation de dépendance; nous ne venons pas vraiment de l’extérieur du système et ne pouvons donc pas adopter une position absolument indépendante.

Biographie de l'auteur

Mischa Skorecz

Mischa Skorecz, Psychotherapeutin (Gruppenpsychotherapie), Beratungslehrerin an zwei Wiener Volksschulen, Gründerin des Krisenteams, Psychotherapeutische Praxis.

Korrespondenz: Mischa Skorecz, Duchekgasse 38, A-1220 Wien

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Publiée

1998-01-01

Comment citer

Skorecz, M. (1998). Psychothérapie et école - l’équipe de crise. Science psychothérapeutique, 6(1), 47–55. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/594