Etudes de cas qualitatives et quantitatives
Résumé
Partant d’un bref commentaire sur l’arrière-plan historique de la recherche en psychothérapie, nous traitons de problèmes spécifiques résultant du fait que la psychanalyse, “science entre les sciences” (Arnold Modell, Alfred Lorenzer), se réfère à une épistémologie particulière. L’une des grandes contributions scientifiques de Sigmund Freud fut qu’il intégra à sa théorie deux courants de l'histoire européenne, le rationalisme et le romantisme, en une dialectique situant les phénomènes psychiques dans les rapports d’insoluble tension opposant inconscient et conscient, irrationalité et raison, pulsion et culture, individu et société. C’est dans ce contexte qu’il faut saisir le statut spécifique de la psychanalyse en tant que discipline scientifique, statut qui détermine les caractéristiques pouvant rendre la recherche dans ce domaine adéquate.
L’auteure postule que la “recherche clinique centrée sur la conjonction guérison-théorie” et les “études hors-clinique”, c’est-à-dire les approches “on-line” et “off-line” (U. Moser), représentent deux manières différentes d’aborder la démarche mais qu’elles ont valeur égale et qu’elles peuvent se compléter. Toutes deux ont des qualités et des faiblesses - les chercheurs sceptiques les perçoivent et y réfléchissent, alors que ceux qui visent à découvrir des vérités et certitudes “absolues” tendent à ne pas en tenir compte et même à les nier. En d’autres termes, il semble que la confiance inébranlable accordée à la mise en évidence de structures narratives ne soit pas moins éloignée d’une recherche incluant l’autocritique que ne l’est la confiance inébranlable accordée à des données “objectives”.
Bien qu’elle soit consciente des problèmes complexes liés à la recherche psychanalytique, l’auteure tente de montrer au moins de manière fragmentaire que nous disposons actuellement de toute une série de possibilités permettant de viser à une “cohérence externe” (dans le sens de Carlo Strengers), c’est-à-dire à une garantie convenable de qualité, en utilisant par exemple l’étude de cas en tant qu’instrument de recherche et en intégrant les connaissances acquises par la communauté scientifique. Se référant à une représentation graphique élaborée par Ulrich Moser, elle tente de fournir un aperçu des analogies liant les processus conscients et inconscients de perception et d’acquisition de connaissance trouvés chez les chercheurs pratiquant les deux types de recherche mentionnés plus haut. Ce faisant, elle espère rendre mieux perceptible le genre de fiabilité qui peut être attribuée au savoir psychanalytique lorsque les processus d’acquisition de ce savoir sont soumis à une réflexion systématique. Il s’agit également d’une tentative d’établir un pont théorique entre praticiens et chercheurs.
Quelques stratégies sont présentées, qui ont été élaborées par la communauté psychanalytique pour favoriser une manière productive de tenir compte du facteur subjectif inhérent à sa recherche (culture de la supervision, études de cas descriptives et systématiques, dialogue interdisciplinaire, approche empirique de la complexité des processus psychanalytiques, etc.). Finalement, la présentation d’une étude empirique menée par l’auteure au sujet de l’évolution des processus cognitivo-affectifs durant les traitements psychanalytiques permet de concrétiser la manière dont le pont pratique-recherche peut être construit.
D’un point de vue psychanalytique, il semble toutefois important de souligner que toutes les possibilités de recherche mentionnées ne peuvent - et ne veulent -résoudre un dilemme fondamental: s’agit-il de saisir les particularités du cas individuel et unique ou de placer ces aspects dans un contexte plus global, en les comparant à d’autres? La recherche en psychothérapie et en particulier la recherche et la pratique psychanalytiques ne peuvent se fixer pour objectif de résoudre ce dilemme; mais elle doivent sensibiliser à une perception critique de cette dimension et supporter les tensions qui en résultent.
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