L'apprentissage de compétences en fonction de troubles spécifiques -une expérience concernant son applicabilité et son acceptation en milieu hospitalier
Résumé
La thérapie comportementale de type dialectique selon Marsha M. Linehan (Dialectic Behavioral Therapy, DBT, Linehan, 1993) est un traitement béhavioro-cognitif à large spectre utilisé en tant qu’approche spécifique au cas de patients souffrant de troubles de la personnalité (type borderline). Elle combine thérapies individuelle et de groupe sous for- ' me d’un apprentissage de compétences, structuré en quatre modules (exercices de concentration, gestion des affects, compétences interactionnelles et tolérance au stress). Ceux-ci doivent servir à améliorer les capacités des patients aux niveaux émotionnel et interpersonnel tout en éliminant en partie les schémas désadaptés de pensée et d’action. De premiers travaux scientifiques ont confirmé l’efficacité de cette approche (Linehan et al., 1991, 1994). Elle n’avait toutefois pas encore été appliquée pour traiter des patients souffrant d’autres troubles de la personnalité. Nous avons donc mis en chantier une recherche qui, dans le cadre d’un projet pilote, visait à offrir ce traitement à des patients souffrant de différents troubles de la personnalité et hospitalisés en psychiatrie, de manière ciblée par rapport à leurs troubles mais indépendamment du diagnostic posé à leur égard; nous voulions également déterminer comment cette méthode serait acceptée et cerner son applicabilité.
27 patients hospitalisés en département de psychiatrie (25 femmes et 2 hommes) et souffrant d’un trouble de la personnalité selon le DSM-IV ont participé à l’étude; pendant une période de six semaines ils effectuèrent un apprentissage des compétences selon M. Linehan (Linehan, 1996). Le critère d’accès au groupe de thérapie fut le suivant : présence d’un trouble dans au moins un des quatre domaines définis (à savoir comportements auto-délétères ou dysrégulation au niveau soit des affects, soit de l’identité, soit des interactions).
On a utilisé des questionnaires d’auto-évaluation pour estimer l’étendue des troubles en rapport avec la thérapie avant et immédiatement après le processus éducatif; d’autres questionnaires du même type ont été utilisés pour évaluer les compétences des patients hors du groupe, ainsi que la manière dont ces derniers percevaient l’apport de l’acquisition de ces compétences. Finalement, on demanda aux patients s’ils pensaient qu’une prolongation de l’apprentissage pourrait être utile.
Des 27 patients concernés, 20 ont suivi l’ensemble du programme (six semaines) et ont répondu aux questionnaires d’évaluation. Douze patients souffraient d’un trouble de la personnalité de type borderline (critères DSM-IV), cinq d’une personnalité anxieuse, deux d’une personnalité histrionique et un d’un trouble de type compulsif. Concernant l’axe I, les troubles anxieux et la dysthymie dominaient. Tous les vingt patients manifestaient des problèmes au niveau de la régulation des émotions et 19 d’entre eux souffraient de troubles de l’identité et de problèmes dans le domaine interpersonnel; quinze patients avaient des comportements auto-délétères. Les réponses aux questionnaires utilisés pour une appréciation des comportements dysfonctionnels au début et à la fin de l’apprentissage indiquent que, d’un point de vue subjectif, il y a eu amélioration. Le nombre de patients qui, sur une échelle allant de 0 à 10, évaluaient la fréquence des comportements dysfonctionnels comme supérieure à 5 a diminué après le groupe, tous problèmes confondus. 19 patients avaient utilisé leur «capacité à se concentrer» hors du groupe, 18 leur « compétence à gérer leurs émotions » et leur «tolérance au stress ». 17 patients indiquèrent avoir utilisé leurs « compétences interactionnelles » hors du groupe. Furent considérés comme utiles du point de vue des participants : la «capacité à se concentrer» (15 patients), la meilleure «gestion des affects» (16 patients), les « compétences interactionnelles » (13 patients) et la «tolérance au stress» (15 patients). Neuf patients indiquèrent qu’il faudrait qu’ils poursuivent l’apprentissage, six que cela pourrait leur être utile; deux patients prévoyaient déjà de continuer l’apprentissage alors que trois patients pensaient que cela ne leur serait pas utile.
Dans l’ensemble, le concept du groupe a été bien accepté et évalué de manière positive par les patients souffrant d’un trouble de la personnalité. Il n’est toutefois pas possible d’estimer le succès de la méthode de manière fiable, compte tenu du petit nombre de participants, de la forte hétérogénéité du groupe et des autres facteurs influençant tout traitement mené en contexte hospitalier. Nous nous limitons donc à une évaluation de la manière dont cette approche a été acceptée et appliquée; à ce niveau, nous constatons que notre projet pilote a produit des résultats prometteurs. Il semble en tout cas que l’application d’un concept ciblé en fonction de troubles spécifiques, incluant des domaines d’intervention clairement définis, est utile. Avec quelques modifications minimes, cette approche pourrait être intégrée de manière profitable au traitement de patients souffrant de troubles de la personnalité.
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