Problèmes existentiels et stratégies de gestion - la place de la psychothérapie
Résumé
La présente étude constitue une tentative \ d’évaluer les problèmes existentiels dont souffre actuellement un échantillon de la population autrichienne et d’examiner les stratégies utilisées pour les gérer. Nous nous sommes particulièrement intéressés à la valeur attribuée à la psychothérapie en tant qu’offre professionnelle de soutien. Le groupe étudié est constitué de 87 personnes ayant un bas niveau de scolarité et ne travaillant pas dans le domaine psychosocial.
Des difficultés mentionnées par les participants, ce sont les problèmes liés au monde du travail, l’angoisse face à l’insécurité matérielle et des problèmes de relations au sein de la famille qui dominent, suivies de problèmes de santé (niveau somatique). Concernant les deux premiers aspects, l’étude indique clairement que la situation actuelle sur le marché du travail n’est pas seulement problématique aux niveaux économique et politique ; elle a déjà des conséquences sérieuses sur le plan psychosocial : peur du chômage, pressions croissantes et dégradation du climat dans les entreprises provoquent des tensions et peuvent entraîner des symptômes tels la fatigue, l’épuisement et des troubles psychosomatiques. L’individu risque de «perdre le contrôle», dans le sens où il a de moins en moins le sentiment de pouvoir influer sur ce qui se passe - et ceci peut provoquer une sensation d’impuissance ou des réactions inadéquates. Quant aux problèmes familiaux, ils s’accompagnent toujours d’un sentiment d’impuissance, de résignation et de blocage et comportent une forte composante affective.
Chacun des types de problèmes examinés tend à être résolu de manière spécifique; il reste qu’on peut cerner trois stratégies qui sont mentionnées le plus fréquemment par rapport aux différents types : la personne concernée tente de s’aider elle-même, elle parle de son problème avec des connaissances ou elle s’adresse à un service public de consultation. Ce n’est qu’en bas de liste que sont mentionnés d’autres moyens de trouver un soutien, entre autres : psychologue/psychiatre/psychothérapeute, hôpital/foyer, politiciens, médecin de famille. Lorsque les problèmes sont en rapport avec le monde du travail ou l’insécurité matérielle la majorité des personnes interrogées cherche à s’aider elle-même. Certaines d’entre elles pensent que seule une modification des conditions sociétales, dans le cadre des lois ou de la politique sociale, pourrait apporter un changement positif. Par contre, pour gérer des problèmes de relation au sein de la famille on compte beaucoup moins sur ses propres ressources et s’adresse souvent à des connaissances. C’est aussi dans ce domaine que les personnes concernées sont le plus disposées à rechercher un soutien professionnel. Dans l’échantillon inclus dans l’étude, personne n’a fait l’expérience personnelle d’un traitement psychothérapeutique. Mais le tiers environ des répondants connaît quelqu’un (connaissance ou parent) qui a fait une psychothérapie. Les expériences vécues par d’autres ne suffisent pas à faire évoluer l’attitude que ces personnes ont envers la psychothérapie - du moins lorsque celle-ci est clairement définie. Toutes sont en fait fondamentalement ambivalentes à son égard ou vont jusqu’à la considérer comme négative. De plus, lorsqu’on analyse les réponses, on constate que celles qui expriment un point de vue positif ne le font pas avec beaucoup de conviction : on pense d’une part que la psychothérapie peut apporter un «soutien dans la vie», qu’elle peut offrir des expériences et un certain savoir-faire ou «des conseils». On perçoit les thérapeutes comme des professionnels compétents qui, le cas échéant, vont apporter un soutien au niveau social ou familial. De nombreuses personnes indiquent que le secret professionnel et la « neutralité» du psychothérapeute constituent des aspects positifs. D’autre part, certaines réponses mentionnent que la psychothérapie peut fournir un soutien au niveau du « développement de la personnalité ». Le thérapeute est compétent, on peut lui parler de soi et de ses problèmes et ceci peut apporter une amélioration de la « qualité de vie ». Parmi les réponses exprimant un point de vue négatif, l’argument le plus fréquent est celui selon lequel la psychothérapie n’est utile que lorsque quelqu’un souffre de «troubles psychiques », de «maladie mentale» ou de «gros problèmes ». On ne peut s’empêcher de penser que les répondants font parfois de la psychothérapie une démarche très spéciale pour s’en démarquer aussi nettement que possible. Ils construisent une sorte de barrière : « bien sûr j’ai des problèmes plus ou moins importants, mais tant qu’ils ne sont pas potentiellement ‘mortels’ consulter un psychothérapeute ne se justifie pas ». La prophylaxie ou la prévention d’évolutions possibles ne semblent pas appréciées. De plus, accepter un soutien psychothérapeutique paraît s’accompagner pour de nombreuses personnes d’une perte de prestige social ou de confiance en soi. Un obstacle supplémentaire sur la voie conduisant au cabinet du thérapeute est constitué de gêne - on n’ose pas confier à un «parfait étranger» ses «secrets» personnels et intimes. «Le divan » est encore souvent mentionné en tant qu’association; il symbolise sans doute le traitement de longue durée que seuls les membres des classes supérieures peuvent s’offrir. Dans ce sens, les thérapeutes comme leurs clients sont perçus comme appartenant à un milieu social plus élevé que celui des répondants. Nombreux sont d’ailleurs ceux qui considèrent que les traitements psychothérapeutiques sont trop chers. Dans l’ensemble, l’étude confirme qu’il est indispensable de mettre en œuvre des mesures qui faciliteraient l’accès aux traitements. Il serait également souhaitable que d’autres études soient menées qui permettraient de mieux définir les raisons qui font que de larges couches de la population ont une attitude très réservée par rapport à la psychothérapie.
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