Dépasser la pauvreté et la marginalisation: esquisse d’une perception subjective d’un défi objectif

Auteurs

  • Claudia Schulz

Résumé

La combinaison d’un grand nombre de facteurs de risque contribue à soumettre l’individu à la menace de la pauvreté. C’est pourquoi. dans le présent article, nous traitons des conditions objectives à la base de la pauvreté, mais aussi des facteurs de stress inhérents. Nous décrivons le problème, mais nous exposons et analysons également la manière dont les personnes concernées évaluent et conçoivent la situation. Dans ce sens, pauvreté et risque de pauvreté ne peuvent être définis que de manière relative. De plus, cette définition va dépendre des conditions régnant au sein des collectivités.

L’auteur a mené une large étude empirique sur ce thème et présente ici ses principales thèses. L’article montre clairement que chaque individu gère la pauvreté de manière différente. Cet aspect est rarement pris en compte, surtout dans le domaine politique.

Nous mettons en évidence la manière dont les personnes concernées ressentent la pauvreté, quels sont les différents angles sous lesquels cette dernière peut être perçue et quels sont les souhaits et ressources y associés - ceci concernant différents milieux sociaux : les jeunes, les personnes âgées à bas revenus, les chômeurs à long terme, etc.

L’exemple d’un groupe d’hommes jeunes, originaires en majorité de Turquie, montre à quel point les enquêtés gardent une distance intérieure et émotionnelle par rapport au thème de la pauvreté. Bien qu’ils aient des moyens financiers plutôt restreints, ces jeunes qualifient leur statut social de « plutôt moyen ». Ils semblent penser qu’en s’impliquant et en planifiant leur vie, ils peuvent faire quelque chose pour améliorer leur situation. L’auteur montre comment cette perception de soi s’établit en cernant les modes de communication au sein du groupe et les points de référence que ses membres acceptent. S’il est vrai que ces jeunes ne se perçoivent pas comme extrêmement pauvres, il reste qu’ils courent le risque d’être marginalisés ou de se marginaliser eux-mêmes.

L’exemple d’un groupe de femmes âgées de plus de 60 ans permet de décrire la pauvreté - au sens économique - objective. Il permet aussi de cerner de plus près l’espace dans lequel les échanges concernant l’avenir et les souhaits individuels ont lieu. C’est justement cette démarche qui permet de montrer clairement l’importance de l’environnement social par rapport à la manière dont l’individu gère la pauvreté et les risques d’appauvrissement. Être avec d’autres personnes dans la même situation permet de se protéger contre un monde extérieur dans lequel les systèmes de référence sont différents. Cela fournit en outre une occasion et une possibilité d’avoir des échanges concernant l’attitude permettant de supporter une situation difficile.

La manière dont ces femmes parlent de pauvreté, échangent leurs perceptions subjectives et se sentent soutenues et comprises dans le groupe et par le groupe leur permet de mieux définir leur capacité individuelle à agir.

Lorsqu’on examine l’exemple d’un groupe de femmes âgées de 28 à 60 ans, dont certaines descendent de plusieurs générations de personnes ayant vécu dans la pauvreté, on se rend compte qu’il est presque impossible de surmonter une situation financière difficile et de se sortir de l’endettement. Il reste que ces femmes parlent de manière très vivante de la manière dont, avec l’aide des services sociaux mais surtout grâce aux relations qu’elles entretiennent avec d’autres, elles ont réussi à sortir de leur (ancienne) isolation, à porter à nouveau attention à leur apparence extérieure et à ne pas passer toute la journée devant la télévision.

Ces femmes s’encouragent entre elles, mais elles élaborent aussi de nouvelles certitudes qui leur donnent force en agissant comme un « mantra ». La valeur du groupe apparaît particulièrement bien lorsque ses membres mettent des consensus en doute. Elles se transmettent des interprétations communes de « croyances » et cela leur évite d’avoir à parler d’événements et de faits concrets. Au lieu de mentionner ceux-ci, elles parlent des conclusions qu’ils ont inspirées. C’est justement ce qui fait que leurs possibilités d’évoluer sont clairement restreintes.

Dans leur cas, le paradoxe est le suivant : c’est justement la solidarité entre femmes se sentant marginalisées par la société qui renforce la marginalisation. Pour accomplir un travail constructif avec elles, il faut donc prendre comme point de départ leurs interprétations de la situation et la manière dont elles communiquent à ce sujet.

Biographie de l'auteur

Claudia Schulz

Prof. Dr. Claudia Schulz, Sozialwissenschaftlerin und Theologin, Professorin für Soziale Arbeit und Diakoniewissenschaft an der Evangelischen Hochschule Ludwigsburg.

Korrespondenz: Evangelische Hochschule Ludwigsburg, Paulusweg 6, 71638 Ludwigsburg, Deutschland

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Publiée

2009-04-01

Comment citer

Schulz, C. (2009). Dépasser la pauvreté et la marginalisation: esquisse d’une perception subjective d’un défi objectif. Science psychothérapeutique, (2), 51–57. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/50