Manière dont les personnes ayant suivi la filière propédeutique de psychothérapie évaluent leurs propres compétences
Résumé
Au cours des cinq dernières années les candidats arrivant en fin de filière propédeutique ont reçu un questionnaire sur la manière dont ils évaluent les compétences dont ils disposeront à l'avenir pour pratiquer la psychothérapie. Le questionnaire est dérivé de l'enquête de base menée par le Collaborative Research Network, un groupe de travail réuni autour d’Orlinsky. Les questions ont été révisées sous la direction du Suisse Hansruedi Ambühl. Les quelque 4000 items doivent couvrir avant tout les domaines suivants : état actuel de développement en tant que psychothérapeute, orientation théorique, propre expérience de la thérapie et attentes par rapport aux propres compétences psychothérapeutiques. De plus, certaines questions concernent la motivation et les étapes de développement personnel, ainsi que les objectifs et attentes formulées par rapport à une activité future en tant que psychothérapeute.
Le questionnaire a été envoyé à un total de 165 personnes ayant terminé la filière. Quatre cinquièmes (79%) de ces personnes étaient de sexe masculin, un cinquième (21 %) de sexe féminin. Leur âge moyen était de 31 ans environ, avec une majorité des enquêtés entre 25 et 35 ans et quelques exceptions (des personnes âgées d'environ 50 ans). Concernant la profession de base, la proportion de psychologues était de deux tiers environ (65%) -donc relativement élevée -, alors que dans le tiers restant on trouvait des médecins, des enseignants, des travailleurs sociaux et des infirmières. Une proportion élevée - trois quarts (76%) - des enquêtés indique avoir déjà suivi ou suivre encore une thérapie ou une analyse personnelle. Le type de traitement (méthode) est très variable puisque 25 approches différentes ont été mentionnées.
Lorsqu'on leur demande quelle est leur orientation théorique, près de 70% des enquêtés se désignent comme d'orientation (( éclectique ». Sur le plan purement descriptif, ils tendent à choisir plus souvent des formes humanistes et systémiques de thérapie en tant que méthode qu'ils souhaitent appliquer plus tard. La méthode la moins souvent nommée est la thérapie comportementale. Les candidats qui ont une expérience personnelle de la thérapie tendent de plus en plus souvent à préférer des formes psychodynamiques, alors qu'ils ne se sentent pas du tout attirés par la thérapie du comportement. Les proportions sont inverses s'agissant des candidats qui n'ont pas eu d'expérience personnelle de la thérapie.
En ce qui concerne les questions touchant aux apports de la formation, les enquêtés répondent que d'un point de vue subjectif l'expérience sur soi (26%) et le stage pratique (25%) ont été très importants. Dans ce contexte, il semble que la supervision soit sous-représentée (15%). alors que des aspects touchant à la pratique professionnelle et la filière elle-même sont nommés dans une proportion correspondant à une répartition normale (17%). Les candidats ayant fait une thérapie accordent une importance subjective plus importante à l'expérience sur soi (30% contre 17%) au niveau des « gains personnels ». Ce faisant, ils mentionnent moins souvent le stage pratique (23%) que ne le font ceux qui n'ont pas eu l'expérience d'une thérapie (30%), pour lesquels ce stage est classé au premier rang.
Par rapport à ce qui est considéré comme une expérience essentielle du point de vue du développement professionnel, les répondants mentionnent le travail thérapeutique avec des patients, la supervision formelle, les conseils donnés par d'autres, la discussion informelle de cas avec des collègues et la propre thérapie, analyse ou consultations. Les réponses à cette question sont très homogènes, même une fois que les enquêtés ayant une expérience sur soi et ceux n'en ayant pas sont séparés en deux
groupes. Seule exception (explicable) : ceux qui ont fait de l'expérience sur soi considèrent cet aspect comme beaucoup plus important que ne le font les autres.
Une autre question touchait à l'importance des objectifs thérapeutiques. Il s'est avéré en fait que les candidats à la formation ont déjà intégré à un haut degré les prémisses théoriques fondant le courant qu'ils ont choisi. Ceux qui préfèrent une approche psychodynamique considèrent qu'il sera important que leurs futurs clients puissent vivre et apprendre à gérer leurs conflits émotionnels dans le cadre de la relation thérapeutique, alors que ceux qui croient en la thérapie comportementale souhaitent avant tout que leurs patients apprennent à gérer des situations problématiques. Les candidats intéressés par une approche cognitive pensent qu'il est important que leurs clients réfléchissent à la signification de certains événements et apprennent à modifier et à contrôler des comportements problématiques, sans trop avoir besoin de trouver le courage de vivre autrement. L'objectif mentionné le plus souvent par les collègues d'orientation humaniste accorde peu d'importance à l'amélioration de la qualité des relations humaines. Ceux qui préfèrent une approche systémique attendent de leurs futurs clients qu'ils réfléchissent sérieusement aux conséquences possibles de leur propre comportement d'interaction. Quant aux futurs thérapeutes gestalt, ils accordent une importance primordiale à l'intégration d'aspects refoulés ou dissociés. Les candidats souhaitant pratiquer la thérapie de groupe accordent priorité à une perception réaliste de la propre personne.
Un dernier ensemble de questions était en rapport avec la manière dont les futurs psychothérapeutes évaluent leurs propres capacités et compétences. Pour saisir cet aspect 'identité', on leur a demandé comment à leur avis le psychothérapeute idéal serait. Il s'est avéré que concernant toute une série de caractéristiques, un grand nombre d'enquêtés se considèrent comme déjà relativement proches de cette image idéale. Des différences significatives apparurent toutefois au niveau des compétences que seule l'expérience permet d'acquérir (habileté, par ex., ou sagacité et efficacité), mais aussi à celui des attributs engendrés par une attitude spécifique au sein du contexte thérapeutique (distance, par ex., réserve, sollicitude, chaleur humaine).
L'évaluation a mis en évidence certaines différences entre les groupes de ceux qui sont favorables à certaines formes de thérapie et ceux qui, justement, rejettent ces mêmes approches. Par exemple, les enquêtés d'orientation analytique accordent plus d'importance que les autres à la qualité « capacité d'accepter le client», alors que pour eux la dimension «système» a moins grande valeur. Par contre, les qualités suivantes sont valorisées par ceux qui ont une orientation thérapie du comportement: « systématique », « efficace », mais aussi « directif ». Les adeptes des thérapies cognitives manifestent des tendances similaires ; leur image idéale inclut les aspects « directif» et « efficace », auxquels s'ajoutent (( habile », « critique », « pragmatique » et « permissif». Les candidats de tendance humaniste accordent eux aussi beaucoup d'importance à l'aspect « critique», alors que de leur point de vue « systématique » est beaucoup moins central. De toute évidence, ceux qui préfèrent les approches systémiques pensent que la qualité (( systématique » est importante, au même titre que des critères comme « exiger» et « lancer des défis». Pour eux, et contrairement à leurs collègues d'orientation psychodynamique, « accepter le client» n'est pas très important. Les futurs thérapeutes gestalt considèrent que l'intuition et la permissivité jouent un rôle important. « Intuition » est souvent mentionnée par les futurs thérapeutes de groupe, ainsi qu'un idéal de « neutralité ».
En résumé, il s'avère que les candidats a la formation attribuent - indépendamment du courant qu'ils vont pratiquer -plus d'importance par rapport a un idéal a des qualités personnelles (exemple: efficience, habileté, sagacité, chaleur humaine) qu'ils ne le font au niveau de leur identité concrète. Cependant, les valeurs enregistrées pour certaines qualités se situent si proches d'un pôle positif qu'il faut penser que les candidats vivent (encore) dans une «illusion », c'est-à-dire qu'ils ont des idées peu réalistes en rapport avec une image idéale d'un psychothérapeute tout-puissant et absolu ; cet idéal n'est ni applicable, ni souhaitable au niveau de l'activité du psychothérapeute.
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