La psychothérapie sur Internet en Autriche
Résumé
Des psychothérapeutes en nombre croissant ont découvert ces dernières années qu'ils pouvaient utiliser Internet ; mais leur offre n'a pas encore été souvent étudiée. Quelques travaux fondamentaux (Spielberg et Ott 1999, Bienenstein 2000) se sont toutefois intéressés aux potentiels et aux limites du réseau en rapport avec la psychothérapie et l'offre de consultations.
Leurs auteurs parviennent à la conclusion qu'il n'est pas (encore) possible de pratiquer la psychothérapie par ce biais. Les principaux obstacles sont : l'absence de communication non-verbale, mais aussi les délais lors des échanges par courriels ou le risque de ne pas tenir le même langage lorsqu'on utilise une chatroom. L'utilisation de webcams avec le son permettrait de se rapprocher du face-à-face du cabinet, mais des données techniques (équipement et connections rapides) font qu'actuellement très peu de personnes disposent de cette possibilité.
Il reste que certains arguments pourraient encourager l'emploi d'Internet pour des consultations ou psychothérapies. La distance géographique ne joue aucun rôle, ce qui permettrait d'atteindre des clients habitant dans des zones périphériques mal desservies en thérapie. Il est plus facile de consulter par ce biais, surtout pour des personnes qui hésitent à voir un thérapeute. Enfin, la possibilité d'enregistrer numériquement le contenu des échanges permet de les exploiter plus tard.
Pourtant de nombreux problèmes ne sont pas encore résolus, en particulier concernant la protection des données et la garantie de la qualité.
Nous avons tenté d'analyser l'offre existant en Autriche et de collecter des données plus précises sur ses fournisseurs et sur leurs clients.
Suivant la méthode utilisée dans un autre travail (Potempa et al. 2000, Batinic et Bosnjak 2000), nous avons mené en octobre 2000 une première collecte de données en utilisant des moteurs de recherche comme Altavista ou Lycos et des termes tels que « + online + psychothérapie » pour nous faire une idée de ce qui existait. Puis, entre décembre 2000 et mars 2001 nous avons élargi les critères de recherche et examiné les sites existants ; nous avons ensuite effectué une synthèse en tenant compte de différents aspects.
Pour l'ensemble des pays de langue allemande nous avons trouvé 220 sites, dont 74 gérés à partir de l'Autriche par 145 personnes (97 femmes et 48 hommes). Alors que 55 sites appartenaient à des individus, 4 étaient gérés par deux personnes et 5 par plus de 2 ; 10 sites appartiennent à des institutions ou à des associations. Parmi tous les sites autrichiens trouvés, on ne trouve aucune mention de thérapie on-line, alors que ce terme est utilisé sur 7 sites allemands et 1 site en suisse-allemand. En Autriche, la plus grande partie de l'offre consiste en des renseignements sur des cabinets de thérapie (38 pages) ; 15 sites fournissent des informations sur la manière de prendre contact avec un thérapeute et 21 sites offrent des conseils ou consultations psychologiques (aspects existentiels et sociaux).
La moitié des personnes gérant un site vit à Vienne, alors que les autres résident dans d'autres provinces avec une concentration à l'est et dans les capitales des différentes provinces. La communication se fait avant tout par courriel, suivi du chat. Là où les consultations sont facturées, le paiement se fait en général par versement bancaire, mais on trouve aussi toutes sortes d'autres modalités de règlement.
Selon la fonction attribuée au site, son apparence peut beaucoup varier. La plupart contiennent des informations sur le responsable et lorsque celui-ci est un thérapeute individuel, des données sur son CV professionnel et parfois personnel. Les informations concernant les différents courants et l'approche offerte sont très variables. Lorsque des consultations sont offertes on-line, le site contient toujours des renseignements sur le déroulement de la démarche, mais ses coûts ne sont pas toujours définis clairement. Que ce soit sur des sites privés ou sur ceux des institutions, la quantité d'informations sur la thérapie (explications ou référence à d'autres sites) est variable, allant d'un minimum à plus de trente documents HTML. Du point de vue technique les sites sont en général simples et fonctionnels, mais nous avons aussi trouvé des pages ayant exigé une programmation avancée.
Nous sommes systématiquement retourné sur les sites plus tard : à la fin février 2002, 24 des 220 sites avaient disparu de la Toile. En octobre 2003 nous avons constaté que dans le domaine des consultations on-line, 26.15% des links utilisés manquaient. Quant aux sites offrant un premier contact, 18.18% avaient disparu et 31 % pour les consultations de domaine existentiel et social. La répartition entre les provinces demeurait pratiquement la même.
Nous avons mené une enquête auprès des responsables de sites, en subdivisant ces derniers en trois catégories, avec un questionnaire spécifique pour chacune d'entre elles (psychothérapie online, consultations dans un domaine large et offre d'un premier contact, y compris des informations sur le cabinet). Nous avons d'abord collecté des données personnelles sur les responsables, ainsi que des données concernant leurs activités sur Internet et sur la structure de leur clientèle. Les questionnaires ont été envoyés par courrier électronique aux adresses indiquées sur le site et également mis à disposition sous forme de document sur le Net. Nous avons envoyé 208 questionnaires et reçu 75 réponses (36.05%) ; ce taux est plus élevé que lorsque les enquêtes se font par courrier normal. Du fait qu'un seul questionnaire a été renvoyé (d'Allemagne) dans la catégorie psychothérapie on-line, nous ne pouvons pas analyser statistiquement cette dernière.
Concernant l'Autriche, 11 responsables de sites offrant des consultations on-line ont répondu, dont 6 femmes et 5 hommes. Huit d'entre eux avaient entre 40 et 50 ans. Ces 11 personnes ont en moyenne 10.6 ans d'expérience en tant que thérapeutes ; au moment où ils ont répondu au questionnaire, il y avait environ 2 ans qu'ils utilisaient Internet professionnellement. La grande majorité d'entre eux utilisaient les courriels et le chat. Parmi eux,
7 personnes ont clairement choisi le terme de 'consultations' pour désigner leur activité, alors que 4 pensaient qu'il s'agissait 'plutôt de consultations'. Pour l'Autriche, aucun d'entre eux n'a choisi les autres désignations possibles : 'moitié-moitié', 'plutôt thérapie' ou 'thérapie'.
La majorité des clients (62.6%) a 30 ans ou moins; 32.8% ont jusqu'à 45 ans, les clients plus âgés sont rares. Compte tenu du caractère anonyme d'Internet, on ne sait pas toujours (47.5%) quel niveau d'éducation ont les clients. Mais on sait que 21.8% ont fait un apprentissage, 16.2% ont une maturité (bac) et 11.7% une formation de niveau universitaire ; 2.8% n'ont suivi que l'école obligatoire.
Lieu de résidence des clients : inconnu pour 67.5% d'entre eux ; mais il est intéressant de constater que pour ceux dont on sait où ils vivent (16.5 %), une majorité se trouve dans des régions rurales (pour 12.2 % en zones urbaines).
Parmi les personnes offrant simplement des informations (sur leur cabinet ou un premier contact), 41 (tous pays compris) ont renvoyé le questionnaire. La plupart d'entre eux sont autrichiens (21), avec 70.7% d'hommes. 36.6% des répondants ont plus de 50 ans, 29.3% ont entre 45 et 50 ans et 17.1 % entre 40 et 44 ans. 14.6% d'entre eux sont âgés de 35 à 39 ans, alors que seulement 2.4% sont plus jeunes.
Presque la moitié des enquêtés indiquent qu'ils ont fait une formation de base en psychologie ; 15% sont médecins ou ont une formation dans une profession du domaine social (ex. : travailleurs sociaux).
Parmi les 37 répondants, 33 personnes disent avoir suivi une formation en psychothérapie.
En moyenne, ces personnes pratiquent depuis 14.4 ans et 80.4% d'entre elles sont présentes sur Internet depuis 2 ans au maximum.
Nous avons aussi cherché à savoir quels genres de clients peuvent être atteints par le biais d'Internet: 48.9% d'entre eux sont des femmes, 40.8% des hommes (pas d'indications sur les autres). Les groupes d'âge se répartissent comme suit: 41.4% ont 20-30 ans, 31.8% 31-45 ans, seuls 16.3 % sont plus âgés et les moins de 20 ans ne constituent que 4.5% de l'échantillon.
Education/formation : 36.9% ont la maturité, 18.3% ont une formation de niveau universitaire (terminée ou en cours), 16.5% ont fait un apprentissage. Ces indications n'ont pas pu être obtenues pour 21.5% des clients.
Domicile : 46.9 % des clients vivent en zone urbaine et seulement 17.4% en zone rurale, alors que cette donnée n'est pas connue pour le reste du groupe.
Nous avons comparé nos résultats avec les données collectées par des spécialistes de l'étude des marchés (instituts Integral et Fessel-Gfk, titre de leur publication : Demographische Daten der InternetnutzerInnen aus dem Austrian Internet Monitor 1/2001), ainsi qu'avec une recherche sur la structure démographique des psychothérapeutes en Autriche (Schaffenberger etal. 1997).
Les responsables des sites Internet examinés sont en majorité des femmes, ce qui correspond au fait qu'en Autriche la majorité des psychothérapeutes sont de sexe féminin. Concernant les consultations on-line, leur âge correspond à l'âge moyen des thérapeutes autrichiens (majorité de plus de 40 ans) ; par contre, ils ont en moyenne deux d'expérience de plus. Quant aux personnes qui offrent seulement des informations sur leur cabinet, elles sont même un peu plus âgées. On trouve pour les deux groupes une majorité de personnes ayant une formation de base en psychologie et une formation complète en psychothérapie. L'âge des clients est intéressant : il est en moyenne plus proche de celui des utilisateurs d'Internet (majorité de 29 ans et moins) que de celui des clients d'un cabinet ordinaire (majorité de plus de 30 ans). Par contre on trouve parmi les clients contactés par Internet une majorité de femmes (comme dans les cabinets), alors que ce sont surtout des hommes qui utilisent le Net en général.
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