La douleur dans une perspective interculturelle
Résumé
L'auteur considère la douleur comme un vécu subjectif. Elle constate qu'il est difficile de la traduire en mots, alors qu'elle peut être communiquée au niveau pré-verbal plus facilement que d'autres vécus. L'article a pour thème central la manière dont des patients originaires d'autres cultures gèrent les phénomènes associés à des douleurs chroniques. On se rend compte que les psychanalystes s'intéressant à la psychosomatique ont publié peu de travaux utiles sur les problèmes de santé spécifiques aux immigrés. L'auteur présente des ouvrages issus de l'ethnologie de la médecine ; il y est indiqué que, sur un plan culturel comme à un niveau interculturel, les douleurs expriment beaucoup plus et quelque chose d'autre que des conflits inconscients. Ces travaux montrent également qu'il ne faut pas interpréter avec trop de précipitation le comportement d'immigrés qui entreprennent une thérapie d'orientation psychanalytique ; il ne faut pas leur appliquer trop vite des schémas développés en psychosomatique car, du fait des attentes qui existent dans leur propre culture, ces patients peuvent avoir de nombreuses raisons de ne pas révéler à l'analyste leurs réflexions et/ou fantaisies intimes. L'auteur se pose aussi la question de savoir si le diagnostic d'un trouble psychosomatique n'est pas une sorte de catégorie secondaire de la médecine somatique, n'incluant pas une conception globale des processus psychodynamiques.Du point de vue de la culture, les douleurs accompagnent certains événements (maladie et blessure, torture et guerre) mais jouent aussi un rôle essentiel au niveau de l'apprentissage normal. Concernant ce dernier aspect, elle présente une thèse élaborée par l'ethno-psychanalyste français Tobie Nathan ; selon lui, les traumatismes - donc les douleurs - infligés volontairement jouent un rôle important dans le contexte des rituels pratiqués au sein des cultures archaïques. Mais ils ont aussi une fonction dans le cadre de l'apprentissage effectué par l'enfant en bas âge - voir le «apprendre par l'expérience » de W.R. Bion.
Selon l'auteur, les théories des traumatismes - comme d'ailleurs celles des troubles psychosomatiques - soulignent que les patients souffrent d'un déficit de la capacité à symboliser. Elle compare les théories non-psychanalytiques souvent citées ces dernières années avec la théorie des traumatismes développée par Freud. Elle montre que la manière dont Freud conçoit le dépassement de la faille séparant le non-symbolique de l'expression symbolique (par le langage) peut être utile et que les théories plus récentes ne tiennent pas compte de l'interaction entre protection contre les stimulations et traumatisme, ni d'ailleurs de la manière dont l'expérience d'un traumatisme influe sur la formation de structures psychiques.
L'auteur présente ensuite une brève analyse devant permettre de définir comment les immigrés souffrant de troubles psychosomatiques peuvent être provisoirement répartis en différentes catégories, dont certaines pour lesquelles il pourrait être utile d'appliquer cette notion de manque de capacité à symboliser. Elle présente ensuite le cas d'un jeune Irakien et montre comment ce patient, dont la biographie comptait un surplus de vécus lourds à porter, rendait le travail d'interprétation difficile - mais pas tellement au niveau du contenu. Lorsque les thérapeutes travaillent avec des patients pour lesquels la psychothérapie est quelque chose de totalement inconnu et dont les conflits inconscients s'expriment avant tout par des symptômes somati-ques et par l'extériorisation, le défi consiste surtout à trouver un langage intelligible qui les touchera directement - quasiment au niveau du corps.
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Publiée
2005-10-01
Comment citer
Saller, V. (2005). La douleur dans une perspective interculturelle. Science psychothérapeutique, (4), 172–183. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/352
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