Neurobiologie des douleurs psychosomatiques

Auteurs

  • Johann Caspar Rüegg

Résumé

Les douleurs ont leur origine dans le cerveau et en particulier dans le système limbique (gyrus cinguli) et dans le cortex somato-sensoriel, en général en réaction à des informations qui sont transmises par des capteurs affectés par la douleur, soit au niveau de la peau, soit à l'intérieur du corps (récepteurs de la douleur) en passant par la moelle épinière (ou dans le cas de maux de tête par les nerfs cérébraux). Mais on peut aussi ressentir de la douleur sans qu'il y ait apparemment de cause organique, donc sans que les récepteurs périphériques soient stimulés. Il s'agit de douleurs psychosomatiques dont l'origine est souvent traumatique, soit au niveau du corps soit au niveau du psychisme ; ces vécus se sont « inscrits» dans des régions du cerveau qui se souviennent de ces expériences et où les réseaux de neurones cérébraux en sont restructurés. Les douleurs fantômes « psychosomatiques» ressenties après l'amputation d'un membre en sont un bon exemple. Flor et ses collaborateurs ont démontré qu'il y a modification concrète des structures corticales - des déplacements de 1-2 cm sur les «cartes» mentales enregistrées dans les méninges influant sur le système somato-sensoriel - mais que des mesures relevant de la thérapie du comportement peuvent rétablir l'état d'origine. Puisque parallèlement les douleurs diminuent, on peut en conclure qu'une restructuration des circuits neuronaux au niveau du cortex - qui démontre la plasticité de ces circuits

-    est à l'origine de la douleur. Ces mêmes chercheurs ont également étudié les maux de dos chroniques d'origine psychosomatique et ont découvert qu'avec le temps, les régions du cerveau (situées dans le gyrus postcentralis) enregistrant les stimulus douloureux au niveau du dos deviennent progressivement plus étendues, alors que les dimensions d'autres zones diminuent. Cela signifie-t-il qu'avec le temps les douleurs sont ressenties comme plus fortes ou cette aggravation est-elle due aux troubles dépressifs associés à la douleur chronique ? Les personnes souffrant de certains maux de dos psychosomatiques (par exemple du syndrome fibromyalgique) ont en effet souvent des troubles dépressifs. Par ailleurs, les maux de dos mis à part, on peut aussi mettre en évidence des modifications du système neurobiologique en cas de migraine, en particulier au niveau de la transmission d'ions. Apparemment, ceci rend le cerveau hypersensible à certains stimulants (lumière, bruit). C'est surtout le 5e nerf cérébral (le trigeminus) qui réagit - il innerve l'écorce cérébrale et ses vaisseaux. Durant les crises de migraine, les faisceaux nerveux du trigeminus produisent certains peptides (substance P et calcitonine, gene-related peptides) qui provoquent une inflammation avec dilatation des vaisseaux sanguins touchés et stimulation des récepteurs de la douleur ; il semble que cela arrive en particulier dans des situations stressantes.

Le rôle joué par les processus neurobiologiques décrits est important, mais la perception de la douleur dépend aussi d'aspects psychosociaux.

Les comportements accompagnant le ressenti - « montrer la douleur» - ont un effet une fonction de communication ; ils peuvent être une sorte d'appel à l'aide formulé de manière non verbale. Selon Resch, cela pourrait s'appliquer aux migraines mais aussi aux enfants qui ont mal au ventre avant d'aller à l'école, de même qu'aux maux de tête dus à la tension - ils sont fréquents chez les enfants souffrant de stress dans le contexte scolaire. A ceci s'ajoute le fait que certains patients ont compris que la douleur physique leur permet de neutraliser un ressenti douloureux et des conflits psychiques, comme s'il était possible de couvrir leur bruit. De plus, l'anxiété et les états dépressifs accompagnés de la peur constante d'une catastrophe influent sur l'intensité de la perception de la douleur. Notons que cette perception dépend aussi de l'importance qu'on lui accorde. Lorsque la personne est distraite par autre chose - mais aussi lorsqu'elle souffre d'une autre blessure - le cerveau bloque les « centres de la douleur » émotionnels, ce qui affaiblit l'intensité du ressenti. Il semble que des substances organiques, les neuropeptides opiacés, sont activées et agissent comme de la morphine sur le système nerveux central, ce qui atténue la douleur.

Biographie de l'auteur

Johann Caspar Rüegg

Prof. Dr. med. Johann Caspar Rüegg, Ph.D., doktorierte 1955 in Zürich beim Hirnforscher W. R. Hess. Bis zu seiner Emeritierung (1998) leitete er das 2. Physiologische Institut der Universität Heidelberg. Seither freiberuflicher Buchautor (Psychosomatik, Psychotherapie und Gehirn, Stuttgart 2003)

Korrespondenz: Prof. Dr. med. J. C. Rüegg, Haagackerweg 10, 69493 Hirschberg, Deutschland

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Publiée

2005-10-01

Comment citer

Rüegg, J. C. (2005). Neurobiologie des douleurs psychosomatiques. Science psychothérapeutique, (4), 136–142. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/347