Les rapports entre la psychothérapie et la politique

Auteurs

  • Peter Schulthess

Résumé

Lore Perls, l'une des fondatrices de la thérapie gestalt, dit dans un film de C. Weber et W. Lindner («An der Grenze -Lore Perls und die Gestalttherapie » ; Deutsche Vereinigung für Gestalttherapie, 2005) consacré à sa vie et à sa contribution à la thérapie que « la psychothérapie, c'est un travail politique. » Tous les thérapeutes seront d'accord avec cette phrase, du moins s'ils appartiennent à l'un des courants au sein desquels on trouve une visée émancipatrice, le désir de promouvoir l'autonomie des clients, de les percevoir avec tous leurs besoins et de s'engager pour eux au niveau individuel mais aussi collectif. Lorsque quelqu'un dispose d'une meilleure compétence sociale, celle-ci influe sur son environnement social et a des conséquences concrètes pour ce dernier, ce qui contribue à le faire évoluer. Dans ce sens, la psychothérapie a des effets politiques. Elle les a d'ailleurs même lorsque les thérapeutes s'efforcent d'aider l'individu à mieux fonctionner dans une situation donnée, à s'y adapter et à l'accepter. Dans ce cas, c'est moins un changement qui se produit qu'une stabilisation des conditions sociétales - ce qui représente aussi un acte politique. Sa dimension politique ne peut pas être enlevée à la psychothérapie. Cette dernière n'est jamais apolitique. C'est pourquoi il faut mener une réflexion critique et un débat public à ce sujet. Le présent article doit être considéré comme une contribution à la discussion.

Mon intention est de chercher à rendre ceux qui pratiquent une profession sociale, et en particulier les psychothérapeutes, conscients du fait que ce qu'ils font n'est pas seulement un traitement et que leur travail est aussi politique. On sépare trop souvent psychothérapie et politique. Il est faux de penser que ce sont uniquement les partis politiques et leurs représentants qui font de la politique alors que la pratique psychothérapeutique est apolitique. C'est méconnaître l'impact politique du travail du thérapeute et succomber à un mécanisme de projection permettant de refuser toute responsabilité politique et de la déléguer aux partis et aux politiques.

Dans la déclaration rédigée par la Charte Suisse pour la psychothérapie, il est indiqué qu'en plus de sa dimension curative, la psychothérapie a également un aspect émancipa-teur. Il y est dit que la guérison ou le soulagement de la souffrance psychique n'est possible que si des ressources personnelles sont développées (émancipation) et sur la base d'une image complète du monde et de l'homme - ainsi d'ailleurs que si l'on se réfère aux travaux de recherche pertinents. C'est ainsi que la psychothérapie a aussi un objectif d'ordre éthique puisqu'elle soutient l'épanouissement des potentiels individuels, mais aussi culturels et sociaux et qu'elle tente de faire naître des rapports équilibrés entre autonomie et adaptation (Charte, version 1991). La psychothérapie doit contribuer à mieux comprendre les phénomènes culturels, sociaux et politiques. Lorsqu'elle ne refuse pas toute prise de conscience au niveau sociétal, socio-économique, sociologique et écologique, elle ne tente plus de simplement de soulager les souffrances individuelles dont la société est responsable et vise aussi à changer le système social auquel le patient appartient ; c'est sa dimension politico-culturelle et émancipatrice. Dans ce sens, la psychothérapie ne s'occupe pas uniquement de la souffrance individuelle mais aussi de la souffrance de la société. Elle ne se contente pas de soulager ou d'éliminer la souffrance individuelle, car elle soutient la capacité qu'a l'individu souffrant à s'engager sur le plan social et donc à influer sur son propre environnement social - ce qui modifie le contexte social à la source de la souffrance individuelle. Ce type de psychothérapie mérite le qualificatif de «durable» et il se situe à l'oppposé d'une démarche psychothérapeutique visant seulement à faire des clients des personnes bien adaptées à la société. En tant que citoyens d'une société, les psychothérapeutes ont le devoir de s'exprimer souvent en public, dans les quotidiens et dans les hebdomadaires, au lieu de se contenter de contribuer à des revues spécialisées et à des congrès réservés aux professionnels. Ils doivent chercher à établir des contacts avec les politiques de leur pays pour leur montrer que leur discipline leur donne la possibilité d'offrir des choses utiles au niveau politique ; ce qui ne veut pas dire qu'ils doivent laisser les politiques les monopoliser. La nature même de la psychothérapie fait d'elle un moteur de changement social. Ceci s'applique autant à son aspect curatif qu'à son aspect émancipateur. Il est clair que c'est ce qui fait que politique et psychothérapie entretiennent des rapports ambivalents.

Dans mon article, je développe les idées ci-dessus en me fondant sur mon expérience en tant que psychothérapeute, formateur et membre du Parlement cantonal zurichois. Je traite des parallèles qui existent dans les objectifs que se fixent les thérapeutes et les politiques, mais aussi des conflits qui en résultent. J'indique quelles sont les structures (parallèles) du pouvoir dans le monde de la psychothérapie et dans celui de la politique et demande que les psychothérapeutes ne se contentent pas, comme c'est souvent le cas, de projeter des idées sur les politiciens en pensant, par exemple, que l'univers de la psychothérapie est fondamentalement bon alors que celui de la politique est par nature mauvais. Je montre aussi comment il est possible d'associer travail psychothérapeutique et travail politique.

Un de mes articles sur ce thème a déjà été publié en français ; il contient également un exemple de la manière dont la pertinence sociale et politique de la psychothérapie pourrait être cernée dans le cadre de la formation (Schulthess 2005).

Biographie de l'auteur

Peter Schulthess

Peter Schulthess, lic. phil. I, ist Psychotherapeut (ECP, EAGT, SPV, SVG), geboren 1950.

Er arbeitet seit 1976 in Zürich als Gestalttherapeut in freier Praxis. Er studierte an der Universität Zürich Pädagogik, Psychologie und Philosophie. Seine gestalttherapeutische Ausbildung erhielt er in der Schweiz am Fritz-Perls-Institut und ergänzte diese durch Seminare bei Lore Perls, J. Zinker, E. und M. Polster. Seit 1990 ist er Ausbildner am Institut für Integrative Gestalttherapie Würzburg (IGW) und seit 2002 an der Gestaltfoundation Athen und Thessaloniki. Er ist Präsident der Schweizer Charta für Psychotherapie und Vorstandsmitglied der EAGT (European Association for Gestalt Therapy). Er hat verschiedene soziale Projekte für Suchtprävention auf lokaler Ebene initiiert und ist in seiner Wohngemeinde und im Wohnbezirk auch parteipolitisch aktiv und äußert seine Meinung als Therapeut und Politiker zu
vielen sozial- und gesundheitspolitischen Themen. Seit Mai 2003 ist er für die sozialdemokratische Partei Mitglied des Zürcher Kantonsparlamentes.

Korrespondenz: Bergstrasse 92, 8712 Stäfa, Schweiz

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Publiée

2006-04-01

Comment citer

Schulthess, P. (2006). Les rapports entre la psychothérapie et la politique. Science psychothérapeutique, (2), 96–101. Consulté à l’adresse https://psychotherapie-wissenschaft.info/article/view/329