Le maître n'est pas maîtresse dans sa propre maison : Fragments psychanalytiques au sujet de la trans*identité
Résumé
Ces présentations s'inspirent d'une conférence assurée par les deux auteurs lors du Séminaire Psychanalytique de Lucerne (PSL) au printemps 2016. Cette conférence a mis l'accent notamment sur une lecture critique de textes fondateurs traitant de la transsexualité, ainsi que sur les débats qu'elle génère.
Ce travail commun a conduit à faire l'autocritique de ses propres 'préjugés' concernant la représentation normative que l'on se fait du développement de l'identité de genre et de l'orientation sexuelle. Nous nous sommes ainsi posé la question : Comment pouvons-nous, en tant que psychanalystes cisgenres, accompagner dans leur développement les individus trans*identitaires et de genre variant ? Comment aborder les individus qui ne suivent pas une évolution normative de garçon en homme ou de jeune fille en femme, comment être et rester ouvert à ceux dont le parcours psychosexuel ne correspond pas à la norme ? Les participant(e)s se sont par ailleurs intéressé(e)s aux études de cas impliquant des phénomènes de transfert et de contre-transfert de la part des thérapeutes cisgenres dans leur travail psychothérapeutique auprès de patients transgenres. Les principaux phénomènes de transfert évoqués prennent la forme d'une douleur indicible, d'une solitude exprimée et de voyeurisme.
Le dilemme entre le genre ressenti au plan somatique et celui ressenti au plan psychique, l'appropriation d'une identité de genre marquant une divergence entre le psychisme et le corps constituent la composante essentielle de ce texte. Voici ce qu'écrit le gynécologue Niklaus Flütsch dans sa biographie : « En tant qu'individus transgenres, nous nous retrouvons confrontés à un dilemme. Nous pouvons essayer de réconcilier le genre psychique avec le genre corporel ou l'inverse. Mais quelle approche est défendable déontologiquement ? Devons-nous nous soumettre au diktat du genre physique et matériel ? Contraindre le psychisme à s'harmoniser à son enveloppe et supporter ainsi cette dichotomie jusqu'à la fin de nos jours ? Ou bien avons-nous le droit d'accorder une prédominance au psychisme sur le corps, donc d'intervenir sur la nature pour la corriger ?».
Nombreux sont ceux qui revendiquent, avec une certaine coquetterie, être ouverts sur leur propre identité de genre et leur orientation sexuelle. Ils affirment ne plus savoir vraiment ce qu'est un homme ou une femme et indiquent ne plus souhaiter se soumettre à une répartition binaire entre les genres. Le jeu des relations (sociales, économiques) entre les genres et la répartition des rôles ont désormais évolué vers l'expérimentation d'une multitude d'identités de genre possibles. L'identité de genre et l'orientation sexuelle relèvent du ressenti individuel tout en étant une manifestation culturelle et sociale. L'origine majeure du conflit et de la contradiction est et demeure le corps vs le ressenti psychique. Ces conflits sont attisés par la personnalité du sujet sexuel, son autodétermination proclamée à vivre sa propre sexualité et par les normes sociales, parallèlement confrontées à un effacement infra-culturel réel.
Les auteurs présentent des questions et thèmes importants à partir de fragments ayant fait l'objet d'une sélection radicalement subjective parmi les travaux réalisés auprès d'individus transgenres: le champ de l’hétéronormativité et la différenciation entre transsexualité et orientation sexuelle, le mécanisme de soudure et le dilemme insoluble qui consiste à se sentir enfermé dans un genre. Les auteurs discutent aussi avec une distance critique des réactions possibles de défense des thérapeutes cisgenres, de leur voyeurisme et de leurs représentations normatives (plus ou moins conscientes) de l'homme ou de la femme, ainsi que des préjugés qui accompagnent cette pensée binaire.
Mots clés: genre psychique - soudure - transition - rupture et mort sociale - défense des thérapeutes cisgenres
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