«Lorsque je succombai à la tentation de guérir sans respecter les règles de l’art»: un trialogue entre thérapeute victime, thérapeute impliqué et un collègue menant l’interview

Résumé

Deux psychothérapeutes parlent de leurs propres expériences en rapport avec des abus (sexuels) et des relations complexes dans le cadre d'une psychothérapie. Ils le font en tant que personne touchée et que thérapeute acteur de la transgression, dans le sens d'une supervision entre pairs ; ils ne souhaitent pas que leurs noms soient mentionnés, mais cela ne les empêche pas de présenter leurs expériences en détail et de manière très personnelle. Cette discussion permet entre autres de mieux saisir ce qui s'est passé au niveau psychologique et/ou relationnel ; elle montre aussi la signification des « fantasmes dorés » de type narcissique et la pertinence du thème pour les professionnels.

Ces deux collègues parlent du sujet en question chacun du point de vue de leur propre rôle. Leurs échanges permettent aussi de saisir les difficultés qu'il y a à faire concorder rôles et personnalités, ainsi que les expériences qui peuvent être faites à ce niveau dans le cadre de la formation mais aussi dans la pratique des diplômés.

Au moment où les frontières sont transgressées, on sent l'ambivalence dans laquelle l'acteur se trouve : il doit travailler seul dans un cabinet individuel isolé et, en supervision, il n'ose pas s'exprimer car il s'agit d'un thème explosif.

Les deux psychothérapeutes qui s'expriment considèrent qu'en tant que patient, il est important de développer un « sentiment de sécurité intérieur » et qu'en tant que thérapeute, il faut chercher à disposer d'un « guide intérieur ». Ils sont tous deux d'avis qu'il existe des relations peu saines et complexes dans tous les instituts formant des psychothérapeutes, que ce soit dans la pratique ou dans la structure même de l'institution. L'article traite également de l'affect de « honte » et du « tiers imaginaire » pour établir un lien avec la dimension publique de ces processus.

Le trialogue permet de conclure qu'il est indispensable de mettre en place des supervisions entre pairs dans un cadre protégé. Ces intervisions favorisent la verbalisation de relations abusives possibles et/ou potentielles ; il devient alors possible d'en parler sans qu'il s'agisse en priorité d'échanges en rapport avec des points de vue ou des attitudes d'ordre éthique et moral.