Article inédit (thème principal)
Anton Leitner, Alexandra Koschier, Gerhard Hintenberger, Christoph Pieh
Vers une académisation de la psychothérapie?
La psychothérapie est un procédé thérapeutique à part entière dans le secteur de la santé qui traite les troubles et souffrances d'ordre psychique, psychosocial ou psychosomatique. La formation de psychothérapeute en Autriche passe en théorie et en pratique par un cursus général (psychothérapie propédeutique) et un cursus spécialisé (spécialisation en psychothérapie). La restructuration de la formation en psychothérapie est au centre des discussions depuis un moment déjà. On utilise souvent dans ce contexte la notion d'«académisation de la psychothérapie», qui correspond toutefois à plusieurs types d'académisation : de la formation directe au maintien d'associations ayant un lien avec les universités. Tandis que le ministère allemand de la santé s'inscrit en faveur d'une formation directe, la profession reste divisée. Les mêmes débats ont cours en Autriche, avec la même charge émotionnelle. Cet article entend aborder les pours et les contres de la formation actuelle en psychothérapie et de son éventuelle académisation.
La formation en psychothérapie s'organise en Autriche en fonction des courants de pensée par le biais d'associations distinctes en formant 22 spécialisations qui dépendent de quatre orientations de base. Les spécialisations sont présentées lors de l'apprentissage propédeutique, à l'issu duquel chacun doit opter pour celle qui lui correspond le mieux. L'offre de formation actuelle comporte donc une vaste diversité de voies possibles. Aucune «profession de base» ni examen d'aptitude n'est demandé en Autriche pour débuter une formation en psychothérapie. Des personnes issues de professions diverses peuvent donc entamer des études de psychothérapie, contrairement à ce qu'il se passe en Allemagne où la règlementation est plus sévère. Cette hétérogénéité est à l'origine d'une mosaïque de compétences des plus variées qui enrichit sans aucune doute possible le panorama de la psychothérapie.
Il manque généralement un accompagnement scientifique aux formations proposées actuellement en psychologie par les associations qui n'ont pas mis en place de coopération avec une université. Cela peut poser problème pour asseoir un procédé sur des bases scientifiques durables.
C'est précisément le fait de combiner la recherche universitaire et la formation qui caractérise une profession de santé académique, indique le Dr. Dietmar Schulte, professeur émérite de Psychologie clinique à l'université de la Ruhr à Bochum (Schulte, 2012). Mais les associations (sans lien avec les universités) possèdent-elles des ressources suffisantes pour assurer les fondations scientifiques des formations qu'elles proposent ? La question qui se pose est aussi de savoir si les universités disposent de l'expérience nécessaire pour transmettre une culture et un savoir vivants.
Il convient également de porter un regard critique sur l'examen final qui conduit au titre de psychothérapeute. Celui-ci sanctionne la mise en place d'exigences théoriques et pratiques par les institutions elles-mêmes. Pour pouvoir évaluer un examen avec autant d'objectivité que possible, l'examinateur doit être impartial. L'un des objectifs prioritaires pourrait être de définir un profil de compétences précis du psychothérapeute, qui dépasserait les clivages idéologiques.
L'avis consensuel des défenseurs des spécialisations consiste à dire que l'académisation de la psychothérapie se doit d'aller dans le sens de la recherche, de l'enseignement et de la pratique - telle est la conclusion d'une réunion de l'ÖBVP (Association autrichienne de psychothérapie) datant de janvier 2011, réunissant 21 des 28 spécialités représentées dans l'ÖBVP (Pawlowsky, 2011). Une formation directe telle qu'elle est privilégiée par le ministère allemand de la santé, contredirait la loi autrichienne relative à la psychothérapie à bien des égards. En effet, elle impose l'exercice d'une «profession de base» ou l'obtention d'un «examen d'aptitude» avant de pouvoir entamer des études de psychothérapie. L'âge des (futurs) psychothérapeutes fait également l'objet d'un débat dans ce contexte. Ainsi la loi autrichienne relative à la psychothérapie (ministère de la santé, 1990) dispose que le titre de «psychothérapeute» ne peut être obtenu qu'à partir de 28 ans révolu. Sur ce point on continue aussi de s'interroger sur le fait qu'une formation directe règle cette question de l'âge ou que ce critère doive être modifié.
La psychothérapie est une discipline qui se compose de savoirs théoriques et d'aptitudes voire de compétences pratiques. Une formation théorique peut apporter le savoir, mais pas les compétences psychothérapeutiques. On pourrait donc envisager d'étudier les «sciences de la psychothérapie» dans le cadre d'un cursus, puis de suivre une formation pour devenir «psychothérapeute» dans un organisme de formation professionnelle correspondant.
Il faudrait pour cela entreprendre quelques modifications car la compétence en psychothérapie n'est pas actuellement entre les mains des écoles supérieures mais bien des associations. Toutes les méthodes psychothérapeutiques reconnues devraient par ailleurs être enseignées à parts égales dans les écoles supérieures. L'académisation pourrait aussi suivre un modèle plus hybride en prenant la forme de coopérations entre des associations spécialisées et des universités. L'objectif serait non pas de fondre les expériences et les connaissances existantes en une seule mais de les mettre en réseau. Le risque inhérent à ce modèle est que le réseau ne fonctionne pas suffisamment et que les institutions qui y prennent part se retrouvent entravées dans leur développement.
La question de l'académisation de la formation en psychothérapie doit donc trouver des réponses différenciées. Il faut au préalable définir de quel type d'académisation il est question (formation directe, mise en réseau d'associations avec des universités, etc.). Il est nécessaire de repenser la formation actuellement dispensée en psychothérapie. L'académisation comporte également des avantages et des inconvénients qu'il faut aborder.
Quelles sont les évolutions à venir, voici ce dont il faut 1) débattre en détail et sur le fond, 2) en se basant sur les connaissances acquises et 3) en évaluant la situation.