Article inédit (thème principal)

Franziska Einsle, Samia Härtling

Recherche en psychothérapie: état des lieux actuel et enjeux pour l’avenir

Cet article traite de divers travaux de recherche importants en matière de psychothérapie et démontre en se fondant sur de nombreuses méta-analyses (Lipsey & Wilson, 1993; Shapiro & Shapiro, 1982; Smith, Glass, & Miller, 1980) que la psychothérapie (toutes écoles confondues) est bien une méthode thérapeutique efficace en cas de troubles et de symptômes psychiques constatés dans le cadre de pathologies corporelles. On considère aujourd'hui que 40-60 % des patients tirent profit d'une intervention psychothérapeutique en termes de réduction de leurs symptômes (Lambert, 2013). À cet égard, la psychothérapie — indépendamment de l'école concernée — s'avère efficace, y compris, dans le cadre d'une prise en charge de routine (Stiles, Barkham, Mellor-Clark, & Connell, 2008). La psychothérapie apporte également une amélioration significative du bien-être, la rémission de symptômes, une réduction du risque de rechute et une amélioration des capacités fonctionnelles des patients, mais elle permet aussi de réduire la prise de médicaments, le nombre de contacts avec des médecins et les coûts de santé du fait d'hospitalisations moins fréquentes (Lambert, 2013).

En adoptant le postulat de Grawe (2004), nous partons du principe que la psychothérapie aboutit à des modifications neuronales s'expliquant par la neuroplasticité du cerveau et que le fait de le savoir aide à développer encore la psychothérapie. Nous considérons donc la psychothérapie — indépendamment de l'école retenue — comme un processus d'apprentissage qui doit entraîner une modification des interactions synaptiques et du processus de mémorisation, car c'est le seul moyen d'obtenir une réduction à long terme de la symptomatique ainsi qu'une amélioration du bien-être du patient. Nous pensons donc qu'il est nécessaire que la recherche en psychothérapie s'imbrique dans les sciences voisines, tout en continuant d'affirmer ses origines en tant que discipline relevant de la psychologie (Wittchen, Härtling, & Hoyer, 2015).

La mise en place de critères raisonnables de contrôle représente un défi particulier si l'on veut étudier l'efficacité des prises en charge. Ainsi, la méta-analyse de Lipsey et Wilson (1993) a démontré que l'effet moyen était de .67 avec une condition d'attente lors de la comparaison entre interventions psychothérapeutiques, mais qu'il était de .44 lors de la comparaison avec un placebo. On s'interroge à ce sujet sur la façon dont un placebo peut être organisé en psychothérapie et comment cet aspect de la recherche peut être rattaché aux résultats sur les facteurs généraux d'efficacité.

La recherche sur les facteurs prédictifs de succès du traitement occupe une place importante dans la recherche en psychothérapie. Du côté du patient, la présence de comorbidités (Taylor, Walters, Vittengl, Krebaum, & Jarrett, 2010), en particulier d'un trouble comorbide de l'axe II, s'avère significatif pour la réussite du traitement (Ilardi, Craighead, & Evans, 1997). La sévérité des symptômes au début du traitement (Rucci et al., 2011) semble également prédictif de la survenue de rechutes. La motivation du patient est l'une des variables personnelles qui est aussi un bon indicateur du résultat du traitement (Bohart & Wade, 2013; Luborsky, Chandler, Auerbach, Cohen, & Bachrach, 1971). Il est prouvé que bien comprendre les particularités propres à certains groupes de patients est indispensable pour que la psychothérapie ait plus de chances de réussir. Du côté du thérapeute, Luborsky et al. (1985) ont déjà démontré une efficacité diverse des thérapeutes, tenant compte de la qualité de l'alliance thérapeutique et des capacités interpersonnelles du thérapeute, de l'intérêt qu'a le thérapeute à la réussite du patient, mais aussi de sa capacité d'adaptation et de la transparence de l'intervention thérapeutique utilisée (Lambert, 2013). Du point de vue des variables thérapeutiques, la recherche en psychothérapie s'est intéressée pendant longtemps à l'efficacité comparative des différents courants/procédés thérapeutiques, mais ces différences ne trouvent pas de confirmation empirique aujourd'hui (Pfammatter, Junghan, & Tschacher, 2012). L'une des autres variables thérapeutiques étudiées pour sa puissance prédictive est ce qu'on appelle les «sudden gains» (c'est-à-dire l'amélioration rapide et nette des symptômes), dont il est possible entre autres de déduire qu'un feedback permanent sur le bien-être du patient est judicieux pour garantir la réussite du traitement à long terme (Duncan, S.D, & Sparks, 2004).

L'article dresse aussi un bref état des lieux actuel des facteurs d'efficacité spécifiques et non spécifiques (généraux). Il ressort de ces deux domaines qu'une collaboration étroite entre la recherche fondamentale et la recherche en psychothérapie est nécessaire pour garantir une meilleure compréhension à long terme des mécanismes qui sous-tendent la psychothérapie.

Les effets indésirables des traitements qui comprennent leur échec, mais aussi des effets nocifs (y compris, des effets secondaires), restent jusqu'ici un domaine plus délaissé de la recherche en psychothérapie. En tenant compte des exigences de la loi allemande relative aux droits des patients (bulletin officiel de 2013) pour les recherches à venir, il est indispensable de rédiger des définitions et des instruments de recueil homogènes et de générer des «profils d'effets indésirables» pour chaque intervention afin de pouvoir fournir des explications utiles aux patients.

Pour résumer, il est établi que la psychothérapie est pour l'essentiel efficace. La conclusion qui s'impose en bref à l'issue des recherches effectuées jusqu'ici est que tout vaut mieux qu'une absence de traitement psychothérapeutique. Les patients présentant des difficultés interactionnelles sévères et des déficits motivationnels représentent un défi particulier en termes d'efficacité, au même titre que les groupes de thérapeutes dont l'efficacité des traitements est limitée. À cet égard, il est essentiel que la recherche en psychothérapie ait un ancrage dans la recherche fondamentale et clinique appliquée afin de mieux comprendre les mécanismes de l'efficacité psychothérapeutique, donc d'améliorer le taux de réponse à la psychothérapie. Il est également nécessaire, pour aller plus loin dans la recherche, de s'attaquer au sujet des effets indésirables des traitements et de pouvoir fournir aux patients une explication valable sur la base d'éléments empiriques.

Mots-clés: Psychothérapie — efficacité — facteurs prédictifs — facteurs d'efficacité — mécanismes d'action — effets secondaires — effets indésirables du traitement